Au Collège Maisonneuve, l’administration met en demeure des étudiant·es qui la critiquent

L’association étudiante a reçu une mise en demeure après avoir dénoncé l’indifférence de l’administration à l’égard du bien-être des élèves.

Lors d’une journée portes ouvertes au Collège Maisonneuve, l’association étudiante a distribué des tracts dénonçant l’inaction de l’administration à l’égard de nombreux enjeux : comportements racistes du personnel, manque d’accommodements en santé mentale, climat toxique qui pousserait des employé·es à démissionner, etc. En guise de réponse, l’administration a fait parvenir aux représentant·es étudiant·es une mise en demeure exigeant le retrait et la destruction des documents. L’association y voit une atteinte à ses droits syndicaux.

Après avoir longtemps tenté de se faire entendre, sans succès, les membres de la Société générale des étudiantes et étudiants du Collège de Maisonneuve (SOGÉÉCOM) en ont eu assez. Cela faisait plusieurs mois que l’association présentait une liste grandissante de griefs au conseil d’administration du cégep du quartier Hochelaga-Maisonneuve. 

Lors d’une soirée portes ouvertes tenue le 31 janvier dernier, des membres de la SOGÉÉCOM ont distribué des tracts faisant état de leurs insatisfactions à l’égard d’une administration décrite comme passive, détournée du bien-être des étudiants, et même « toxique ».

On y décrit des enjeux d’importance, comme des propos racistes tenus par certains membres du personnel, la fermeture controversée du café étudiant, le refus d’approuver des annulations de cours et des incomplets pour raisons médicales, ou encore la fermeture aléatoire d’aires communes, face auxquels l’administration semble faire la sourde oreille.

Plus généralement, on décrit une atmosphère « toxique » au sein de l’administration, qui serait à l’origine d’un manque important de personnel. 

« On ressentait que dans notre rôle de syndicat, qui est de défendre les intérêts des membres, on avait besoin d’informer les gens des réalités qui ne sont pas adressées par l’administration », affirme Amélie, une membre du conseil exécutif de la SOGÉÉCOM qui préfère garder l’anonymat, en entrevue avec Pivot.

La distribution des tracts aux futur·es étudiant·es est le moyen qu’a trouvé l’association de se faire entendre et de « montrer le vrai visage de l’administration ».

Dès les premiers dépliants distribués, des membres du personnel administratif auraient défendu aux étudiant·es de circuler avec des tracts parmi les visiteur·euses. Un directeur aurait aussi menacé une étudiante en évoquant des recours juridiques.

Le 6 février dernier, la SOGÉÉCOM a reçu une mise en demeure signée par une avocate du Collège. On y invoque la violation de règlements internes ainsi que la diffusion de propos diffamatoires et préjudiciables à la réputation du Collège.

« On nous accuse d’agir de manière néfaste au bien-être de l’institution, mais le vrai danger, selon nous, c’est l’administration qui ignore perpétuellement les besoins des étudiants. »

Amélie, membre du conseil exécutif de la SOGÉÉCOM

La direction y intime l’association étudiante de ne plus distribuer ou utiliser les tracts, ainsi que de retirer ceux qui sont affichés entre les murs du Collège, y compris dans le local de l’association, et même en ligne. Elle demande la destruction des documents encore en la possession de l’association.

Elle exige également le respect des règlements qui régissent la diffusion publique et les conditions de vie au Collège, sans quoi des sanctions pourraient être appliquées. Enfin, elle demande des excuses de la part de la SOGÉÉCOM, qui avait 48 heures pour se plier aux attentes de la direction.

Lors d’une assemblée générale tenue le 7 février, l’association a déclaré la mise en demeure illégitime et a choisi de ne pas se plier aux exigences qui y sont formulées par l’administration du Collège.

« Ça s’inscrit dans un pattern de comportement antisyndical qui brime notre liberté d’expression », rétorque la porte-parole de l’association étudiante. Elle rappelle que l’application d’une telle politique empêcherait la SOGÉÉCOM de critiquer l’administration du Collège et donc de réaliser son mandat.

« La distribution de tracts politiques est un moyen d’expression protégé », souligne-t-elle. « On nous accuse d’agir de manière néfaste au bien-être de l’institution, mais le vrai danger, selon nous, c’est l’administration qui ignore perpétuellement les besoins des étudiants. »

« Ça s’inscrit dans un pattern de comportement antisyndical qui brime notre liberté d’expression. »

Amélie

L’administration du Collège a refusé de commenter la situation. Elle soutient cependant qu’elle « prend tous les moyens pour leur offrir un environnement harmonieux, sécuritaire et stimulant et se fait un devoir de traiter tous les étudiants de façon équitable, en harmonie avec les politiques et règlements internes du Collège. »

Des griefs négligés

« On a vraiment l’impression de faire face à une administration qui démontre un manque de souci particulier pour le bien-être étudiant », s’inquiète Amélie.

L’administration aurait refusé aux étudiant·es le droit de faire annuler un cours ou d’obtenir un statut incomplet, même lorsqu’une justification médicale est présentée. Elle affirme que des médecins ont parfois tenté de communiquer directement avec la direction, sans succès.

L’association critique aussi l’inaction de la direction lors de la fermeture du café étudiant du Collège, qui constituait selon elle un point de rencontre important pour les étudiant·es et une source d’accès à de la nourriture abordable sur le campus. Peu de temps après la fermeture, un contrat d’exclusivité aurait été signé avec la cafétéria, menant à une hausse des prix. 

« Ça démontre un souci plus axé sur les profits que sur l’offre de produits abordables et d’espaces de vie aux étudiants », s’indigne Amélie.

Racisme et manque de transparence

Parmi les enjeux cités par le SOGÉÉCOM, on retrouve des comportements racistes du personnel, contre lesquels des plaintes auraient été déposées auprès de l’administration, sans l’entremise de l’association étudiante. 

Ce genre d’incident ne serait pas rare chez le personnel qui travaille actuellement à la cafétéria, selon Amélie. On aurait refusé de servir des étudiant·es qui souhaitaient être servi·es selon les normes halal et des employé·es auraient tenu des propos racistes à leur endroit.

L’association déplore le manque de transparence quant au statut de ces plaintes et ignore si des mesures disciplinaires ont été mises de l’avant.

« On a vraiment l’impression de faire face à une administration qui démontre un manque de souci particulier pour le bien-être étudiant. »

Amélie, membre du conseil exécutif de la SOGÉÉCOM

« L’administration n’explique pas aux étudiants que c’est le rôle de la SOGÉÉCOM de les défendre », souligne Amélie. « Ils traitent [ces plaintes] à l’interne. On ne se fait pas inclure dans le processus, on ne se fait pas [impliquer] en tant que syndicat. »

Un problème de gestion

De manière plus générale, le SOGÉÉCOM dénonce une culture « toxique » au sein de l’administration qui contribuerait à créer une pénurie de main-d’œuvre parmi le personnel scolaire et de soutien. Une soixantaine de postes seraient actuellement vacants au Collège Maisonneuve.

Selon l’association, des employés auraient quitté leurs postes au Collège afin d’intégrer des emplois semblables, avec un salaire comparable dans d’autres institutions. Amélie note qu’il existerait un manque particulièrement flagrant de professionnel·les qui fournissent des soutiens psychologiques ou de l’aide en adaptation scolaire, par exemple.

« Le temps d’attente est tellement long que ça peut prendre plusieurs mois avant d’avoir l’autorisation pour des moyens d’adaptation scolaire. Ça fait qu’un étudiant qui est en mi-session n’a toujours pas accès à des moyens d’adaptation auxquels il a pourtant droit. »

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