Les célébrités nous doivent-elles leur vie privée?
Quelle est la marque du shampoing de Véronique Cloutier? Lysandre Nadeau a-t-elle accouché? À quoi ressemble le toupet de Jenna Ortega dans sa vie de tous les jours? Je vous l’accorde, voilà des questionnements absolument irrépressibles, je dirais même existentiels.
Bon, je plaisante un peu, mais je ne crois personne qui se prétend imperméable aux qu’en-dira-t-on : on cède tous et toutes à divers degrés aux délices du potinage.
Avec les réseaux sociaux, notre incursion dans la « vraie vie » des célébrités qu’on affectionne atteint des proportions sans pareil.
Par contre, s’il est un débat qui, lui, n’est pas nouveau et remonte sans cesse à la surface depuis les débuts du star system, c’est celui du droit à la vie privée des personnes célèbres. Quelle est la limite de la fascination?
Leur propre faute?
Cette semaine, la question est réactivée par un échange (par stories et articles interposés) entre Ally Imbeault, ancienne participante d’OD Martinique, et le site Web QC Scoop.
C’est qu’Ally a publié une photo de sa nouvelle flamme, de dos. Il n’en fallait pas plus pour qu’Internet s’anime et que l’on divulgue des informations extrêmement précises sur l’identité et les occupations de l’individu en question, ce que n’a pas du tout apprécié l’ex-concurrente de téléréalité.
Qu’il s’agisse de pages Instagram ou de sites Web d’actualités sur le showbiz, les personnes qui relaient ces informations déploient des arguments qui tournent généralement autour de ceci : les célébrités, parce qu’elles ont choisi la vie publique, devraient « assumer » cette décision, c’est-à-dire renoncer à toute forme de contrôle sur ce qui sera diffusé à leur sujet. C’est du moins ce qu’on peut entendre de la part de certains paparazzis dans la série documentaire La machine à rumeurs, diffusée sur TOU.TV, qui se penche justement sur les fonctions sociales du potinage.
N’avons-nous pas toutes le droit de déployer une persona professionnelle et une autre plus personnelle?
Dévoiler des parcelles de sa vie personnelle à une vaste audience, cela constitue-t-il une invitation illimitée et irrévocable à y pénétrer?
Être célèbre n’est pas un chèque en blanc par lequel on cèderait tous les droits sur son jardin secret.
Quel que soit notre métier, ne détenons-nous pas la possibilité de déployer une persona professionnelle et une autre plus personnelle? Est-ce qu’on trouverait ça normal si, au bureau, des collègues tapissaient les murs de photos de notre couple captées au restaurant, ou bien dévoilaient l’entièreté du curriculum vitae de notre nouveau partenaire?
De tels gestes peuvent être amusants quand ils sont posés par Gossip Girl ou encore Regina Georges dans le film Mean Girls, mais dans la vraie vie, celle des humains sensibles et complexes, ça ne me semble pas viable.
Paparazzis : plus ça change, plus c’est pareil
Quand je vois des images de célébrités captées à leur insu ou dévoilant des informations très personnelles (donnant parfois des indices sur leur lieu de résidence!), je ne nous trouve pas si loin de la traque des paparazzis du début des années 2000.
Vous savez, ce traitement médiatique qu’on a tant critiqué? Il me semble qu’il n’y a pas si longtemps, on déplorait encore l’attitude impitoyable des journalistes qui ont pourchassé Diana Spencer ou Britney Spears.
Rétrospectivement, il nous paraît plus évident que c’était dégoûtant d’interroger une jeune Britney sur sa virginité, de diffuser la sex tape de Pamela Anderson ou de publier des photos de Mila Kunis ou de Beyoncé sans maquillage pour rire de leur visage au naturel (parce qu’au début des années 2000, la presse clamait sans vergogne son dédain pour les filles sans maquillage).
Bien que plusieurs célébrités masculines vivent aussi des formes d’intrusion de la part des médias, les exemples qui me viennent concernent presque tous des femmes connues.
On a progressé sur certaines de ces questions (fiou!), mais la traque aux stars se poursuit et, maintenant, le public y prend une part plus active en menant des enquêtes Web dignes de Colombo et en croquant moult clichés de célébrités à l’épicerie, chez le vet, au gym.
Remarquez que, bien que je sois persuadée que plusieurs célébrités masculines vivent aussi des formes d’intrusion de la part des médias, les exemples qui me viennent touchent presque tous au vécu de femmes connues. Envers elles, l’acharnement tend à se faire plus agressif et répété. Il n’est jamais très loin, le réflexe d’objectifier et de marchander l’image des femmes.
L’œil de Big Brother
Les personnalités connues ont choisi d’évoluer sous le regard du public, mais personne ne « doit » jamais son intimité à d’autres. Big Brother et son œil omniscient, c’est plus plaisant si ça reste un simple jeu.
Certes, il n’y a pas de cursus scolaire pour apprendre à être une célébrité et découvrir comment jongler avec sa vie personnelle et sa vie publique, pas plus qu’il n’existe de guide pour le métier d’instagrammeur culturel ou pour les médias à potins.
Nous naviguons dans une mer incertaine, avec le gros bon sens comme compas. Et si l’empathie en devenait l’aiguille?