Indexation de l’aide sociale : un retard important à rattraper

LETTRE OUVERTE | La hausse des prix touche fortement les biens essentiels, mais l’aide sociale ne suit pas, pas du tout.

Madame la ministre Chantal Rouleau,

Vous occupez depuis votre réélection le nouveau ministère de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire, une excroissance du défunt ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MTESS). Toutes nos félicitations!

Sachez cependant que vous entrez en poste au sein d’une institution empreinte d’une histoire de contrôle, de surveillance et surtout de contradictions sérieuses. Le MTESS est celui qui envoyait, il n’y a pas si longtemps, ses agents dans les maisons des personnes prestataires de l’aide sociale pour les surveiller.

C’est le ministère qui continue de mettre en danger des personnes – majoritairement des femmes – qui doivent partager un chèque réduit avec leur conjoint.

C’est celui qui empêche les personnes de sortir du Québec plus de sept jours consécutifs, pour aller voir des proches malades ou pour célébrer l’arrivée d’un nouveau-né – mesure qui touche à 81 % les personnes issues de l’immigration, selon des données obtenues par des groupes de défenses des droits.

C’est encore lui qui refuse de reconnaître plusieurs contraintes physiques et mentales pour avoir accès à la solidarité sociale.

C’est lui qui n’a pas augmenté depuis plus de trente ans la limite permise d’argent que les prestataires peuvent gagner en travaillant afin d’arrondir leurs fins de mois, la laissant à un maigre 200 $ par mois!

Plus que tout, c’est le MTESS qui a considéré qu’en 2022, un chèque de 726 $ c’était suffisant pour couvrir ses besoins essentiels pendant un mois.

Certes, l’indexation de la prestation pour 2023 est de 6,44 %, ce qui, nous dit-on, devrait couvrir l’inflation actuelle. Nous accueillons cette augmentation avec un certain soulagement, mais il faut amener quelques nuances.

Les prestataires se sont gravement appauvri·es depuis 50 ans

C’est un fait, l’inflation n’est pas vécue de la même manière pour les personnes appauvries. L’indice normal d’inflation comprend toute sorte de produit de consommation que les personnes prestataires d’aide sociale ne peuvent tout simplement pas se permettre : vêtements de luxe, croisière, vols d’avion, etc.

Les prestataires d’aide sociale dépensent l’ensemble de leur revenu en besoin essentiels, et avant tout pour se loger et pour se nourrir. Or, les loyers ont en moyenne augmenté de 9 % et les prix des aliments ont augmenté de 11 %, au Québec.

Ainsi, si l’indexation du chèque d’aide sociale est similaire au taux d’inflation officiel (6,3 % dans la dernière année), elle est loin de couvrir la hausse des produits de première nécessité comme la nourriture et le logement.

Ensuite, si une indexation à 6,44 % est impressionnante aujourd’hui, c’est parce que le ministère dont vous avez maintenant la responsabilité a plus souvent été avare que généreux dans ses mises à niveau.

L’indexation prévue fera passer le montant d’aide sociale sans contrainte à l’emploi de 726 $ à 770 $ par mois, en 2023. C’est plus d’argent, mais ça reste insuffisant.

À titre d’indication, rappelez-vous qu’au moment de son adoption en tant que loi en 1969, l’aide sociale versée était de 217 $, pour tou·tes les prestataires. En dollars d’aujourd’hui, cela ferait 1677 $. Il y a donc un énorme retard à rattraper pour que le montant de la prestation respecte le principe de la loi de 1969.

Cette loi a été adoptée pour donner suite aux recommandations du Rapport Boucher de 1963, qui faisait le lien entre la dignité des personnes et leur capacité à satisfaire leurs besoins essentiels. Il affirmait aussi que l’aide sociale devrait être reconnue comme un droit fondamental.

En 2023, il existe toujours un gouffre entre ces valeurs d’égalité qui ont inspiré l’aide sociale et la pauvreté extrême dans laquelle les personnes bénéficiaires vivent.

Nous considérons qu’une indexation trimestrielle des prestations serait une mesure simple et efficace pour faire honneur à ces principes qui fondent la loi de l’aide sociale et pour rattraper le retard des indexations passées.

Serez-vous à la hauteur, madame la ministre?

Dick Topping, au nom des membres du Comité des personnes assistées sociales (CPAS) de Pointe Saint-Charles.

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