Photo : Charlotte Marschall
Nouvelle

Fortes hausses de loyer à prévoir en 2023

L’ajustement des loyers prévu pour cette année par le Tribunal administratif du logement (TAL) est le plus élevé depuis 30 ans.

Le Tribunal administratif du logement (TAL) propose des augmentations de loyer entre 2,3 % et 7,3 % pour cette année. Une hausse qui pourrait être difficile à absorber pour plusieurs locataires, sans pour autant satisfaire aux demandes de plusieurs propriétaires qui prévoient déjà augmenter plus que ce que prévoit le Tribunal.

Le TAL a publié cette semaine les pourcentages applicables au calcul d’ajustement des loyers pour 2023. Le Tribunal prévoit des augmentations de base allant de 2,3 % pour un loyer non chauffé à 7,3 % pour un logement chauffé au mazout.

Après l’ajout de la hausse de taxe municipale, que les propriétaires peuvent ajouter intégralement à l’augmentation, cela peut représenter un bond allant de 44,50 $ à 120 $ par mois pour un loyer de 1500 $.

« C’est la plus grande augmentation depuis 30 ans », souligne la porte-parole du Front d’action populaire pour le réaménagement urbain (FRAPRU), Véronique Laflamme. Ce sera un coup de plus porté aux ménages locataires à faible et modeste revenus, qui en arrachent déjà en raison de la hausse des prix, prévient-elle.

Une telle situation était inévitable avec le système actuel, parce que le TAL fixe les hausses prévues en considérant l’inflation, explique Cédric Dussault, porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ).

« Si les propriétaires s’en tenaient aux augmentations prévues par le TAL, on ne serait pas si mal », prévient-il. « Le problème c’est que ce ne sont que des recommandations et, selon les échos du terrain, énormément de locataires ont déjà reçu des augmentations qui dépassent largement ce qui est proposé par le Tribunal. »

Une recommandation, pas une obligation

En effet, les propositions du TAL ne sont qu’une référence qui sert à donner une idée aux propriétaires et aux locataires de ce qu’il juge raisonnable comme augmentation.

Les propriétaires ne sont donc pas tenu·es de se limiter dans les hausses demandées, et les locataires sont tout aussi libres de refuser les augmentations de loyer qui leur sont présentées sans devoir quitter leur logement.

Les pourcentages du TAL servent en fait à trancher lorsqu’une hausse de loyer est contestée et se retrouve en cour (même si d’autres éléments entrent alors en ligne de compte, dans un calcul complexe). « Si ça finit devant le Tribunal, il risque d’accorder une augmentation autour des taux suggérés », explique Cédric Dussault.

« Mais c’est moins de 1 % des loyers qui sont ainsi fixés. La plupart du temps, les propriétaires et locataires en arrivent à une entente bien avant de se rendre en cour. » Selon lui, les recommandations du TAL devraient devenir un plafond légal d’augmentation pour freiner les hausses abusives de loyer.

« Si les propriétaires s’en tenaient aux augmentations prévues par le TAL, on ne serait pas si mal. »

Cédric Dussault, RCLALQ

En attendant, M. Dussault rappelle aux locataires qu’ils ont 30 jours pour répondre aux augmentations proposées par leur propriétaire. « Il faut bien prendre le temps d’évaluer sa propre situation, et si on a besoin d’aide pour le faire, c’est toujours possible d’appeler son comité logement local pour avoir de l’aide. »

Les propriétaires veulent augmenter davantage

Du côté des associations de propriétaires, on juge insuffisantes les hausses calculées par le TAL, dans le contexte où les taux d’intérêt sont à la hausse et où le parc locatif québécois est vieillissant et nécessite beaucoup de travaux d’entretien.

Bien que le TAL prévoie que les loyers peuvent être augmentés davantage en cas de rénovation majeure (environ 3,17 $ par tranche de 1000 $ de rénovations), la formule ne permet pas de rentabiliser les rénovations, affirme Martin Messier, président de l’Association des propriétaires du Québec (APQ).  

Il appelle d’ailleurs ses membres à ne pas se fier au taux présenté par le TAL et à faire leurs propres calculs pour ne pas risquer de réclamer moins que ce qu’ils auraient pu demander.

Une proposition qui fait sourciller Cédric Dussault, du RCLALQ, qui rappelle que les propriétaires tentent souvent de faire passer l’entretien normal comme des travaux majeurs pour tenter de justifier des hausses abusives.

Une piste de solution serait de subventionner les rénovations directement ou à travers des crédits d’impôt, ce qui permettrait de faire les rénovations sans passer la facture aux locataires, suggère Marc-André Plante, directeur affaires publiques et relations gouvernementales de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ).

« Une chose est certaine […], si on veut conserver l’abordabilité des loyers, les gouvernements devront s’investir. Aussi bien le faire plus tôt que tard », constate-t-il.

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