En Gaspésie, un bateau-école donne la chance à la jeunesse des Premières Nations de la région de bénéficier d’une expérience personnelle au cœur des métiers de la pêche. En participant à la seule récolte d’algues au Québec, ces jeunes découvrent un sens de renouveau au sein de leurs communautés.
Dans la baie de Paspébiac, où vivent les communautés Mi’gmaq de Gesgapegiag et Gespeg, un équipage de pêcheurs autochtones est le seul groupe du Québec à cultiver une espèce indigène d’algue, la laminaire sucrée. Dans cette plante coulant sous la surface, les Premières Nations de la région ont vu la possibilité de former la future génération autochtone et de préserver le monde naturel dans son ensemble.
À bord du Nignag, un bateau de pêche qui sert également de plateforme pour transmettre le savoir de différentes pratiques de pêche, le sens de la communauté et de l’inclusion ne cesse de se renforcer au sein de chaque génération. Chaque année, deux jeunes autochtones prennent la vedette et montent à bord pour apprendre les ficelles du métier. Le Nignag est piloté par l’Association de gestion halieutique autochtone mi’gmaq et wolastoqey (AGHAMW).
Joey, 23 ans, passe une partie de son temps libre à s’occuper de sa famille. Dans sa troisième année au sein du Nignag, il a pour but de devenir capitaine de son propre bateau.
À chaque récolte, il prend le temps de revoir son classeur plein de cours, de protocoles maritimes et de notes pour s’assurer d’avoir tout le savoir nécessaire en main. Les formations gratuites et de qualité du Nignag lui permettront d’obtenir l’expérience théorique nécessaire pour connaître le milieu de la pêche avec un certain degré d’expertise. Et en même temps, il pourra pratiquer à bord du bateau durant la récolte de laminaire sucrée – ou lors d’autres activités proposées par l’Association.
Ted, lui, âgé de 19 ans, est reconnaissant de faire partie de l’équipage du Nignag pour sa première année et de bénéficier d’un espace lui permettant d’apprendre un vaste éventail de métiers.
Les jeunes qui participent au projet de récolte d’algues de l’AGHAMW ont plusieurs débouchés, non seulement dans le milieu de l’aquaculture, mais aussi dans des domaines connexes, tels que la biologie. Tanya, par exemple, a commencé avec l’échantillonnage de plants d’algues pour un emploi d’été, ce qui lui a permis de développer un goût plus prononcé pour la biologie. Elle a alors poursuivi un baccalauréat en biologie et est désormais technicienne.
Durant la saison de récolte des laminaires, Joey et Ted se rendent au quai de Paspébiac dès les premières lueurs de l’aube pour assister le capitaine du bateau-école et l’équipage pour la récolte. Après avoir chargé tout le matériel nécessaire, ils prennent la mer vers le site de récolte des algues.
À l’image de cette communauté autochtone qui prend son essor dans le monde aquacole, 2022 représente une année charnière pour la récolte de laminaire sucrée.
Cette idée de bateau-école est née d’une longue discussion au sein des communautés autochtones de la région. La communauté s’est rendu compte de la difficulté des jeunes à apprendre les différentes carrières du milieu, à cause du manque d’infrastructure et de suivi. Les capitaines des bateaux ordinaires ne sont par exemple pas toujours en mesure de former efficacement les jeunes, faute de temps et de ressources.
Selon Sandra Autef, chargée de projet en aquaculture à l’AGHAMW, le projet de récolte d’algues sur un bateau-école visait essentiellement à développer une vocation chez les jeunes, mais il permettait aussi d’explorer et diversifier les activités de l’AGHAMW en prévision de chutes de récolte sur d’autres projets. En effet, la pêche à la crevette, qui représentait auparavant la pratique aquacole la plus lucrative pour les communautés autochtones de la région, a chuté de près de 65 % comparativement à il y a cinq ans.
Les besoins de diversification des activités halieutiques et d’une plateforme pour orienter la jeunesse de demain ont alors convergé vers une opportunité unique pour la région.
Correction : Une version précédente de ce texte indiquait que Sandra Autef travaillait pour le centre de recherche Mérinov, mais elle oeuvre plutôt au sein de l’AGHAMW. (12-01-2023)
Cet article est réalisé dans le cadre de l’Initiative de journalisme local.