Alors que les projets de protection et de restauration de la nature peinent à trouver du financement, les banques continuent à financer massivement des activités hautement néfastes pour la nature, préviennent des expert·es. Une situation qui pourrait changer si les gouvernements mettent de la pression sur les banques.
Tandis que les négociations autour du financement public international pour la protection de la biodiversité s’enlisent à la 15e Conférence de l’ONU sur la biodiversité (COP15), le ministre canadien de l’Environnement Steven Guilbeault a invoqué que le financement « était le nerf de la guerre de cette COP ». Il a aussi rappelé que le financement privé aurait un grand rôle à jouer pour atteindre les objectifs de conservation.
Or, la majorité des banques et des fonds d’investissement qui contrôlent ce financement ont encore beaucoup de chemin à parcourir pour assainir leur impact sur la biodiversité, selon des spécialistes du sujet rassemblé·es jeudi à Montréal par le Collectif COP15.
« La meilleure façon et la plus rapide de financer la protection de la biodiversité c’est d’arrêter de financer sa destruction », rappelle Diego Creimer, directeur finance et biodiversité à Société pour la nature et les parcs (SNAP) Québec.
Simplement cesser de financer l’industrie pétrolière aurait un immense impact puisque celle-ci affecte grandement à la fois le climat et la biodiversité, rappelle-t-il. Cette industrie aurait reçu des banques 46 000 milliards $ US durant les six dernières années selon l’estimation de Banking on climate chaos.
Un impact difficile à mesurer
Si on veut que les banques puissent améliorer l’impact de leurs investissements, il faut toutefois être capable de le mesurer, remarque le biologiste Dominique Gravel. « En matière de biodiversité, c’est tout un défi d’arriver à une mesure d’impact, » explique-t-il.
Plusieurs efforts sont présentement déployés pour améliorer ces connaissances, mais les compagnies, dont les banques, qui profitent de la perte de biodiversité ne contribuent que très peu à la collecte de données, explique-t-il. « Ce n’est pas un modèle qui est viable à long terme », prévient-il.
« La meilleure façon et la plus rapide de financer la protection de la biodiversité c’est d’arrêter de financer sa destruction. »
Diego Creimer, SNAP Québec
Si la collecte d’information sur l’impact des investissements est primordiale pour que les investisseur·euses puissent faire des choix éclairés lorsqu’ils et elles placent leur argent, attendre d’avoir les données pour agir n’est pas une solution non plus, prévient Andréanne Grimard, directrice de portefeuille d’investissement chez Colibri Catalyst.
« J’ai entendu beaucoup d’entreprises et de groupes d’entreprises durant la COP qui se cachent derrière le manque de données pour éviter de prendre action. Il y a plein de choses qui peuvent être faites maintenant et si l’on attend d’avoir les données il sera trop tard », dénonce-t-elle.
Elle mentionne notamment le financement de nouveaux procédés agricoles durables qui est souvent bloqué, particulièrement dans les pays en émergence, faute de pouvoir quantifier leurs effets.
Un changement qui viendra de l’extérieur
Bien qu’il y ait des initiatives en ce sens qui émanent du milieu financier, il faudra que les gouvernements fassent pression sur les banques pour qu’elles commencent à mesurer et éliminer l’impact de leurs actions sur la biodiversité, explique Alice Chipot, directrice générale de Regroupement pour la responsabilité sociale des entreprises. « En ce moment, il n’y a pas de sanction juridique suffisamment forte pour dissuader les entreprises et ceux qui les financent de détruire les milieux naturels », remarque-t-elle.
Une prise de conscience collective de l’impact de nos investissements sera aussi nécessaire, rappelle Diego Creimer. « La journée où les parents comprendront que les régimes d’épargne-études qu’ils créent pour l’avenir de leurs enfants détruisent cet avenir et qu’ils demanderont que ça cesse, on aura un bon bout de chemin de fait », conclut-il.