Dominic Lamontagne vit de l’omniculture responsable grâce à sa petite ferme vivrière à Sainte-Lucie-des-Laurentides où il élève poules, chèvres et compagnie. Jean-François Dubé, lui, milite activement pour mettre fin au spécisme et à l’exploitation des animaux par l’humain. À première vue, rien ne rallie les deux hommes aux points de vue diamétralement opposés.
Ils ont toutefois en commun ce livre, fruit d’un débat ponctué de joutes écrites bien garnies de références en notes de bas de page. Discussion avec les auteurs de La chèvre et le chou, qui vient de paraître chez Écosociété.
L’accroche initiale entre les deux hommes a eu lieu sur les réseaux sociaux, en avril 2020 précisément. C’est dans un commentaire sous une vidéo sur le thème de l’autosuffisance alimentaire que Jean-François Dubé a retenu l’attention de Dominic Lamontagne.
« Il n’y a pas de différence entre se faire trancher la gorge dans un abattoir industriel ou dans une petite ferme », concluait Jean-François. « Il faut commencer à faire la transition vers un futur végétal, en [cessant] de faire la promotion de l’élevage… Nous n’avons plus à tuer des animaux, faisons le choix de la compassion. »
Ce à quoi Dominic a choisi de répliquer en proposant de poursuivre le débat… dans un livre.
« Il n’y a pas de différence entre se faire trancher la gorge dans un abattoir industriel ou dans une petite ferme. »
Jean-François Dubé
Pas un dialogue, un débat
Le choix du mot « débat » pour titrer l’ouvrage n’est pas un hasard. Même si les termes « discussion critique » ont aussi été considérés, le contenu du livre s’est imposé autrement. « On voulait répondre à l’autre, c’est devenu le fil conducteur. », explique Dominic qui a déjà quelques livres à son actif, dont La ferme impossible et L’artisan fermier.
La rédaction s’est faite chacun de son côté, pratiquement sans contact, dans une véritable correspondance au rythme plutôt « infernal », pour reprendre le terme de Dominic. Encadrés par les trois grands thèmes de l’éthique, la santé et l’environnement, les auteurs opposent successivement leurs points de vue et leurs arguments, une lettre à la fois.
« Je maintiens que d’un côté pratique, le véganisme est une vue de l’esprit bourrée de vœux pieux. »
Dominic Lamontagne
Pour Jean-François, ce livre était une occasion de déconstruire les stéréotypes sur les militants véganes. Il admet tout de même : « Honnêtement, j’avais la pensée un peu naïve que, peut-être, on allait pouvoir s’entendre sur quelque chose. […] Convaincre [Dominic] et lui faire réaliser qu’il y avait un problème même dans le fait de tuer, même de manière responsable. »
Un espoir qui ne s’est pas concrétisé. « Je maintiens que d’un côté pratique, le véganisme est une vue de l’esprit bourrée de vœux pieux », insiste encore aujourd’hui Dominic.
Même s’ils s’accordent pour dire qu’il faut absolument changer notre mode de consommation et qu’ils critiquent tous les deux l’industrie agroalimentaire, les militants sont irréconciliables sur leurs convictions. Dominic reproche l’idéalisme des visions abolitionnistes de Jean-François, tandis que ce dernier désapprouve l’exploitation animale des fermes, petites ou grandes.
Après tout, la confrontation des deux militants concerne aussi leur propre mode de vie : Jean-François est végane depuis plus de huit ans et Dominic a sa propre ferme où il pratique une omniculture responsable. « Ça me choque quand Jean-François dit que c’est immoral, abject et que ça n’a pas d’allure et que je devrais être aboli », explique Dominic.
Contrairement au dicton dont s’inspire son titre, le livre signé par Jean-François Dubé et Dominic Lamontagne ne ménage pas du tout la chèvre et le chou.
La chèvre et le chou : débat entre un artisan fermier et un militant végane
Dominic Lamontagne et Jean-François Dubé, Montréal, Écosociété, 2022, 288 pages