Vendredi, le Canada a invité les géants de l’industrie fossile à tenir un événement à son pavillon dans le cadre de la COP27 en cours en Égypte. Intitulé « Collaborer afin de trouver des solutions pour les sables bitumineux », l’événement réunissait l’organisation Alliance nouvelle voies qui représente à elle seule 95 % de la production de sables bitumineux au pays.
Malgré des demandes d’annulation, l’événement a eu lieu. Durant celui-ci, des défenseur·es des droits des autochtones et des activistes pour le climat ont quitté la table ronde et ont manifesté devant le pavillon.
« La planète brûle et on invite les pyromanes à souper », dénonce Émile Boisseau-Bouvier, analyste en politiques climatiques et transition écologique pour Équiterre, actuellement présent à la COP27.
« C’est la première fois que le Canada a un pavillon à la COP27, c’est donc une carte de visite pour le monde à cette conférence sur les changements climatiques. Et qu’est-ce qu’on fait avec cette carte de visite là ? On décide d’inviter nos plus grands pollueurs », critique-t-il en entrevue avec Pivot. « Inviter ces personnes-là à avoir une vitrine, c’est comme si on invitait des cigarettiers à une conférence sur la santé. »
« On a posé la question [au ministre canadien de l’Environnement et du Changement climatique, Steven] Guilbault, sa réponse m’a choqué », rapporte M. Boisseau-Bouvier. « Il nous répondait : “Le Canada est une société ouverte et démocratique, toutes les voix peuvent être entendues. C’est une bonne chose que ces entreprises soient ici.” »
« Oui, il n’y a pas de problème, on est démocratique. Mais après ça, il faut savoir quel est le contexte : c’est une conférence sur le climat où on vient régler des problèmes climatiques. Chaque lobbyiste possible est un lobbyiste de trop qui pousse les négociations dans la mauvaise direction. Ce n’est pas le travail qui manque, on n’a pas besoin de bâtons supplémentaires dans nos roues. »
Vanter une technologie douteuse
L’Alliance nouvelles voies tenait une conférence pour vanter les technologies de captage, utilisation et stockage du CO2, une innovation qui est pourtant loin d’avoir fait ses preuves. Pourtant, selon l’Alliance, cette innovation viserait à atteindre une carboneutralité d’ici 2050.
Chose certaine, le captage du carbone est la technologie climatique la plus coûteuse, selon le rapport du GIEC. C’est pourquoi l’Alliance demande la contribution des gouvernements, qui subventionnent déjà lourdement ces technologies.
« C’est une technologie qui viendrait réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’exploitation du pétrole. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que plus de 80 % des GES du pétrole viennent de l’utilisation, pas de la production », explique Émile Boisseau-Bouvier. « Le gouvernement canadien nous vend ça comme du pétrole vert. Je m’excuse, mais ça n’existe tout simplement pas. Le pétrole vert, c’est un faux concept, ça n’existe pas. »
« On décide de mettre de l’avant des solutions, des échappatoires technologiques qui ne règlent pas le problème, plutôt que de confronter la réalité. »
Le ministre Guilbault a annoncé mercredi vouloir arrêter de financer l’énergie fossile d’ici 2023. Ottawa n’entend toutefois pas imposer de limite à la production, affirmant que c’est une affaire de chaque province.
Cette année, plus de 630 lobbyistes en énergie fossile, dont huit qui font partie de la délégation canadienne, étaient présents à la COP, soit plus que la totalité des délégué·es africain·es présent·es.