
Article de l'Initiative de journalisme local
Espoir dans la jeunesse brésilo-montréalaise après la victoire de la gauche
Après trois ans de gouvernement d’extrême droite sous Jair Bolsonaro, les jeunes de la diaspora brésilienne à Montréal accueillent favorablement le retour de Luiz Inácio Lula da Silva.
La communauté brésilienne de Montréal s’est réunie samedi au parc Lafontaine pour célébrer l’élection du président de gauche Lula et la fin d’une période qualifiée par plusieurs de « sombre » au Brésil. Pour les jeunes, la victoire de Lula sonne le glas des coupures en éducation et promet une meilleure intégration sur la scène internationale et le retour du respect des droits et libertés.
Le 30 octobre dernier, le chef du Parti des travailleurs et ex-président de 2003 à 2011, Luiz Inácio Lula da Silva, a obtenu 50,9 % des voix. Une bien mince avance sur le président sortant, Jair Bolsonaro, qui n’a pas encore concédé la défaite. Lula a depuis annoncé le renversement des politiques de droite mises en place par son prédécesseur.
« C’est un nouveau début, c’est pour ça qu’on voulait célébrer ça, cette idée qu’on a un nouveau futur », explique Dimitrius Miranda, doctorant en droit à l’Université de Montréal, arrivé au Canada il y a un an.
M. Miranda étant à la fois étudiant et membre de la communauté LGBTQ+, c’est l’impossibilité d’entrevoir un avenir sous le gouvernement d’extrême droite de Bolsonaro qui l’avait poussé à entamer des procédures d’immigration.
Rappelons que l’ex-président avait comme habitude de tenir des propos particulièrement virulents envers les femmes, les personnes racisées et les minorités sexuelles, notamment. « Avoir un président qui est homophobe, raciste, misogyne, c’était quelque chose qui avait un réel impact sur la société », explique Dimitrius Miranda. « Les gens avaient la perception qu’ils avaient le droit d’être racistes et homophobes. »
C’est aussi ce qui inquiétait Lidia Vasconcelos, qui était parmi les organisatrices du rassemblement au parc Lafontaine. Arrivée depuis quelques mois à Montréal, elle avait entamé des procédures d’immigration alors qu’elle était enceinte. « Je veux que mes enfants puissent développer une ouverture d’esprit et respecter la diversité », explique-t-elle en faisant allusion aux propos haineux tenus par Bolsonaro au cours de sa présidence.
Un nouveau souffle pour l’éducation
« Le gouvernement de Lula a beaucoup investi dans l’éducation » par le passé, note Larissa de Santana doNascimento, une doctorante en géologie arrivée depuis peu à Montréal.
Lors de sa première présidence entre 2002 et 2005, Lula avait investi massivement dans le secteur de l’éducation. Il avait notamment mis sur pied un système de bourse permettant aux étudiant·es dans le besoin d’accéder à des études supérieures.
Sous ses successeurs, Dilma Rousseff puis Bolsonaro, les universités fédérales avaient subi des coupures importantes, forçant notamment certains établissements à mettre fin aux bourses pour les étudiant·es moins nanti·es, rappelle Julia Mattioli, doctorante à l’UQAM.
« J’espère qu’il pourra rattraper le temps perdu. »
Julia Mattioli, Doctorante à l’UQAM
Pas étonnant, selon Arthur Gouveia, établi au Canada depuis près de huit ans. « Les universités sont au cœur du mouvement de résistance contre Bolsonaro, c’est donc logique que l’éducation ne soit pas une priorité pour lui. »
En 2005, « Lula avait ouvert des universités dans les milieux ruraux, ce qui avait permis à plus de gens d’obtenir un diplôme », ajoute Julia Mattioli. « J’espère qu’il pourra rattraper le temps perdu. »
Ouverture sur le monde
Pour plusieurs, le retour de Lula au pouvoir représente aussi une opportunité de réparer les pots cassés sur la scène internationale. Depuis sa victoire, il a d’ailleurs reçu les félicitations de dirigeants avec lesquels Bolsonaro entretenait des relations tendues, dont le président américain Joe Biden et le président français Emmanuel Macron.
Pour Dimitrius Miranda, le retour de Lula est synonyme d’un espoir d’intégration internationale pour son pays d’origine. « Tous mes amis, tous les jeunes qui sont au Brésil, ils n’avaient pas d’espoir pour le futur du pays. Peut-être que maintenant avec Lula, oui. »
C’est un sentiment que partage Lidia Vasconcelos. « Je suis contente, puisque Lula est complètement différent. Il n’est pas encore président et il a déjà reçu des invitations pour représenter le Brésil à l’international », explique la jeune mère. « Ça me rend fière. Je veux que mes enfants soient eux aussi fiers de leur pays. »
« Ça va prendre du temps »
Lula n’entrera en fonction qu’après son inauguration en début d’année prochaine. Il aura notamment la lourde tâche d’unifier un Brésil plus polarisé que jamais. Bien qu’ils soient optimistes, les jeunes qui célèbrent les résultats du scrutin demeurent réalistes.
Julia Mattioli et Larissa de Santana do Nascimento conservent certaines craintes que Bolsonaro et ses supporters n’acceptent pas la défaite. « Nous avons peur qu’il y ait un coup d’État », confie Julia. « Mais je crois que je vais juste essayer de croire que [Bolsonaro] quittera le pouvoir l’année prochaine, comme prévu. »
Lorsqu’on lui demande si le retour de Lula lui donne envie de retourner vivre au Brésil, Dimitrius Miranda soupire pensivement. « Ça va prendre du temps », prévient-il, en référence à la mise en place de politiques capables d’améliorer la situation de jeunes comme lui.
La droite demeure également forte au pays. « Si Bolsonaro n’avait pas fait autant de gaffes pendant la pandémie, il aurait probablement gagné », pense Julia Mattioli. Pour elle, Lula représentait le seul candidat capable de l’emporter sur le président d’extrême droite.
« Beaucoup de gens n’aiment pas Lula à cause des accusations de corruption contre lui », explique-t-elle. Des accusations dont il avait été déclaré coupable en 2017. Sa condamnation avait cependant été annulée, et il a finalement été acquitté sur la majorité des dossiers lors d’un second procès, faute de preuves.
« On n’avait personne d’autre qui soit assez fort pour tenir tête à Bolsonaro », explique Julia Mattioli. « Nous n’avons pas d’autres leaders comme lui pour le moment. »