Rugir à l’unisson : #MeToo, cinq ans plus tard

CHRONIQUE | #MeToo n’a jamais été à propos d’eux et a plutôt tout à voir avec la création d’un nous bien sonore.

Cette semaine marque le cinquième anniversaire de la vague de dénonciations d’agressions et d’inconduites sexuelles propulsées par le mot-clic #MeToo. Un raz-de-marée de voix s’unissant pour rugir que c’est assez. Cette colère gronde encore au creux de moi, comme un tigre qui ronge son frein.

J’écris aujourd’hui non sans un peu d’amertume. C’est qu’il y a eu un avant et un après #MeToo. Et les luttes se poursuivent, notamment dans plusieurs milieux de travail où les rapports de pouvoir misogynes subsistent.

Mi-figue, mi-raisin

J’ai eu un privilège immense dans ma vie professionnelle : j’ai connu des mentores ayant à cœur de faire de nos environnements de travail des safe spaces. Des mentores qui croient les dénonciations. Qui agissent en prévention et en réaction, avec diligence et fermeté. Qui respectent l’intelligence de leurs équipes.

Mais je connais aussi des milieux où il se trouve encore des prédateurs. Des milieux où les jeunes femmes peuvent être des cibles. Des instances qui offrent la protection aux abuseurs.

Autour de nous, face à nos ardeurs de prouver nos capacités, il se trouve encore des êtres ivres de pouvoir qui voient en leurs collègues un simple corps à prendre, un défi. Qui trouvent que « c’est juste des blagues » ou qu’on est « donc bien émotives ou stressées » quand on ose tenir tête.

L’objectification des corps s’accompagne aussi souvent d’une hideuse négation des compétences. Cinq ans plus tard, il est encore là, cet assommant refus de considérer des talentueuses, des étoiles, des brillantes comme des égales d’intellect et de talent. Ce dégoût à l’idée de faire un pas de côté pour laisser un peu de place.

Il se trouve encore des êtres ivres de pouvoir qui voient en leurs collègues un simple corps à prendre, un défi.

Je ne sais plus de quelle manière le leur marteler pour être bien comprise. Toutes les fibres de moi mugissent : « Nous ne sommes pas ici pour vos regards torves. Reconnaissez l’importance de notre travail. À trop nous désirer, vous méprisez notre singularité et nos capacités. »

Sœurs tenaces

Et parce qu’ils ne nous écoutent toujours pas, les despotes, ce n’est plus à eux que j’ai envie de m’adresser. Ils ne méritent plus notre patience didactique, ne sont pas dignes de notre imperturbable endurance. #MeToon’a jamais été à propos d’eux, de toute façon, et a plutôt tout à voir avec la création d’un nous bien sonore.

S’ils continuent de chercher la conformité, la docilité, l’inoffensivité, moi, j’en ai marre qu’on attende de nous que nous soyons agréables. Je nous préfère tenaces, obstinées et solidaires.

Puisque des milliers ont pris la parole depuis 2017, il s’est créé un certain filet de sécurité. Des havres de solidarité parsemés au sein des environnements hostiles, qui les court-circuitent et où l’on peut se lover pour être crue et écoutée.

Nous ne sommes pas ici pour vos regards torves. À trop nous désirer, vous méprisez notre singularité et nos capacités.

Répétons-le-nous autant de fois que nécessaire, comme une profession de foi envers la révolte : notre parole, nos idées, nos objections ont de la valeur. Quand nous sommes excellentes, nous méritons qu’on le remarque. Nous méritons que prouver nos compétences soit suffisant. Nous méritons que l’acte de dénoncer ne mette plus nos carrières et nos réputations en péril.

Ces noms qu’on tait

Tout autour, des noms continuent de circuler à voix basse. Qu’on ne se surprenne pas que, quand des inconduites sont mises au jour, nous soyons plusieurs à soupirer « enfin ».

Cinq ans plus tard, je demeure indignée d’observer des oppresseurs évoluer, s’illustrer, gouverner, se pavaner impunément. Ulcérée de voir certaines de mes semblables être parfois sous-estimées et invisibilisées. C’est qu’ils sont allergiques à notre lumière, car lorsque l’on brille, nous leur reprenons une partie des honneurs qu’ils ont trop longtemps monopolisés. Mais, moi, je suis chaque jour émerveillée de l’intensité de notre éclat.

#MeToo n’a jamais été à propos d’eux et a plutôt tout à voir avec la création d’un nous bien sonore.

Dans la prolongation du mouvement #MeToo, mes écrits sont autant de mains tendues pour exprimer que nous ne sommes pas seules. Nous n’avons jamais été seules. Le nouveau souffle qui s’est levé avec le mouvement a engendré une multitude de réciprocités qui pullulent à relais comme des phares dans la nuit, de plus en plus tangibles.

Ne laissons personne édulcorer nos alliées sans rencontrer d’objections. Offrons-nous les unes aux autres un appui aussi coriace que l’ont été les actes de résistance des féministes qui nous ont précédées. Une communauté de sœurs qui rugissent de concert et qui se font la courte échelle pour se permettre de mieux briller, ensemble.

Auteur·e

Ce site web utilise des cookies pour vous offrir une expérience utilisateur optimale. En continuant à utiliser ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité.

Retour en haut