Lâchez donc la CAQ avec l’environnement!

La remarque incendiaire de Bernard Drainville – « lâchez-moi avec les GES! » – nous révèle sans aucun détour que la CAQ n’a aucun intérêt à parler d’environnement.

Parfois, une phrase, un mot, un concept, une idée vient transpercer le fourmillement confus des discours et vient révéler, plus clairement que n’importe quoi auparavant, ce qui se disait jusque-là. Ces moments de sérendipité, trop rares, sont en fait l’expérience de la plus simple des vérités.

Dire la vérité est un processus plus ardu qu’on pourrait d’abord l’imaginer. Une période électorale est d’ailleurs le moment par excellence pour observer les demi-vérités et mensonges à peine couverts dans leur habitat naturel. Or, même quand les langues de bois se font les plus acérées, la vérité surgit encore sans s’annoncer. Ce qu’elle révèle alors n’est toutefois pas toujours réjouissant et encore moins souvent un remède au cynisme.

« Lâchez-moi avec les GES »

Pour toute personne sensible aux causes environnementales, l’annonce du slogan de campagne de la CAQ aura été une dure sentence à avaler. En effet, devant un bilan aussi misérable que pathétique, ce simple « continuons » ne pouvait rien annoncer de bon. La poursuite de la destruction d’habitats fragiles, de l’émission mortifère des composés toxiques, de l’exaltation d’une consommation outrancière et non durable. À continuer comme ça, aussi bien arrêter de fournir des efforts.

Le troisième lien demeure toutefois l’enjeu où l’idée de continuer sonne le plus comme un entêtement borné.

L’esprit de bulldozer qui anime le parti depuis sa première grande victoire en a effaré plus d’un·e dans ce dossier.

En effet, comment peut-on se sentir devant un tel monolithe qui, s’obstinant à avancer les yeux fermés, s’excite au nom d’un empressement que la CAQ elle-même peine à justifier.

Les critiques, innombrables et unanimes, ont beau pleuvoir, Legault et compagnie gardent le cap. Les critiques n’ont pas échoué à rejoindre leur destinataire, le problème est que la CAQ n’est pas à l’écoute. Ou plutôt, c’est que la CAQ se fout du message qu’on tente de lui transmettre.

Bernard Drainville, lors d’une allocution vendredi matin, faisait face aux mêmes questions fatiguées sur le troisième lien que son parti d’adoption s’efforce d’ignorer depuis quatre ans. Impatient et moins habitué, peut-être, à l’exercice du mépris tranquille que maîtrisent désormais ses nouveaux collègues, M. Drainville nous a gracié·es bien généreusement de son exaspération envers les maudites consciences environnementalistes : « Lâchez-moi avec les GES! »

Fier de sa seconde carrière d’animateur radio, il est possible que l’ex-tête forte du Parti québécois ait du mal à se défaire des outils qui lui ont si bien servi ces dernières années. Or, l’opinion sans filtre, vache à lait de bon nombre de stations, fait moins souvent mouche en politique.

C’est qu’ici, loin d’être l’émule des populistes à la Trump ou à la Duhaime qui, derrière un masque d’authenticité crue, camouflent mensonges et double discours, M. Drainville a tout simplement dit une vérité. Cette vérité c’est que la CAQ se fout de l’environnement.

Si le « lâchez-moi avec les GES » frappe tant, c’est que cette affirmation est radicalement opposée à l’attitude nécessaire pour affronter notre époque.

Avec une main sur le pouvoir, M. Drainville nous affirme en toute honnêteté qu’au mieux, l’environnement mérite son impatience agacée et, au pire, son dédain.

C’est essentiellement ce qui ressortira du faible rappel qu’au final, dans le troisième lien, les automobiles seront, un jour, surtout électriques. C’est assez, semble-t-il, pour écarter les questions d’étalement urbain, de trafic induit et du détournement de ressources qui pourraient servir des projets de transport collectif et actif.

Mais « lâchez-moi avec les GES », c’est aussi l’indication que le sujet est clos. Les « adultes » ont décidé et on serait mieux de la boucler. La CAQ, du haut d’une majorité inquiétante pour quiconque se soucie de l’avenir, n’est pas intéressée à se poser des questions. Elle n’est pas non plus intéressée à écouter celles et ceux qui auraient des choses à leur apprendre.

Le projet du troisième lien n’a jamais inclus de considération environnementale parce que sa raison d’être n’a jamais même été réfléchie. On veut faire le troisième lien parce qu’on en a décidé ainsi, c’est comme ça et pas autrement, final bâton.

La valeur de la vérité

Que M. Drainville ait échappé une telle vérité en étonnera peu. Les actions continuelles de la CAQ ont en fait rendu ce message si clair qu’on serait tenté·es de n’y voir qu’une confirmation de ce que tou·tes savaient déjà.

Or, c’est justement ici qu’on doit trouver toute la valeur de l’énoncé de Drainville, car ce moment n’est pas anodin et il mérite qu’on s’en souvienne. La CAQ se balance de l’environnement. Ces considérations ne sont même pas secondaires, elles sont pénibles et encombrantes. Qui plus est, la CAQ ne sera pas à l’écoute, ni aujourd’hui ni demain.

Laissez-les donc tranquilles.

Krystof Beaucaire est étudiant à la maîtrise en sociologie de l’environnement à l’UQAM.