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Source : Info Dimanche

Caviardage de l’étude géotechnique : le MTQ se cache derrière la loi, dénonce Philippe Guilbert

Le maire de Trois-Pistoles critique l’attitude du ministère des Transports autour du prolongement de l’autoroute 20.

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Rejoint par Info Dimanche concernant le caviardage total de l’étude géotechnique de 2014 sur le prolongement de l’autoroute 20 au-dessus de la Rivière Trois-Pistoles à Notre-Dame-des-Neiges, le ministère des Transports refuse de dévoiler les informations contenues dans le document. Malgré que le MTQ mentionne s’assurer de diffuser de l’information juste et transparente, le maire de Trois-Pistoles, Philippe Guilbert se désole de constater qu’il en est tout autrement.

Il conteste l’omission de divulgation du ministère : « Si c’est tant que ça la meilleure solution, le projet du prolongement de l’autoroute 20, pourquoi cache-t-on des informations aux gens? Habituellement, si on est fier d’un projet, on va le communiquer du mieux possible. »

Le maire pense que les propos caviardés dans l’étude géotechnique sont primordiaux à la compréhension du projet pour toutes les parties concernées. Il trouve dommage que le ministère se cache derrière des articles de lois à la place de s’expliquer.

« On va poser des questions tant et aussi longtemps qu’on n’aura pas les réponses parce que ce projet-là implique beaucoup trop de choses, d’impacts sur le milieu pour qu’on puisse cacher des informations de ce niveau-là », souffle-t-il.

Questionné sur les phrases noircies dans le document, Jean-Philippe Langlais, conseiller en communication au ministère des Transports a soulevé que « certaines informations » avaient été caviardées dans le rapport, en respect des articles 22 et 37 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels puisqu’il contenait des aspects techniques. Rappelons que l’entièreté du rapport a été noircie à l’exception des annexes.

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D’après la Loi, les avis et recommandations peuvent être omis pendant dix ans. Le conseiller indique que même si l’étude date de huit ans, elle est toujours d’actualité et pourrait éventuellement être amendée selon les prochaines étapes du projet du pont de la 20. « Il est prématuré à ce jour de s’avancer sur les conclusions de l’étude géotechnique puisqu’il y a encore beaucoup d’étapes qui doivent être réalisées d’ici la construction d’un nouveau pont sur la rivière Trois-Pistoles », ajoute M. Langlais.

De son côté, Philippe Guilbert se dit déçu de l’explication du ministère face au caviardage du document. « C’est vraiment dommage parce qu’on veut seulement avoir des réponses. Peu importe qu’on soit pour ou contre la 20, il faut faire les choses de la bonne façon, avoir un peu de rigueur », confie-t-il.

Un nouveau BAPE?

Le maire et le conseil municipal croient qu’un deuxième mandat du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), dont le dernier remonte à 2002, serait nécessaire en vue de la réalisation du pont de la rivière Trois-Pistoles. En mai, ils avaient adopté une résolution demandant l’ajout du tronçon au BAPE pour que le gouvernement considère la réfection de la 132 à la place du prolongement de l’autoroute 20.

Info Dimanche a interrogé le MTQ quant à la tenue d’un deuxième BAPE, et le refus a été catégorique puisqu’une étude d’impact sur l’environnement, qui date de 2006, a déjà été réalisée. Jean-Philippe Langlais divulgue que pour qu’un nouveau mandat soit considéré, il faudrait qu’il y ait eu des modifications majeures ou qu’un tout autre projet soit proposé. Or, le projet du prolongement de la 20 dont il est question ici est le même que celui laissé de côté du Plan québécois des infrastructures (PQI) en 2015, le MTQ ne fait que reprendre là où il avait suspendu ses activités.

« On a besoin d’actualiser ces informations, d’avoir des données représentatives d’aujourd’hui pour prendre la meilleure décision possible. Donc, forcément, le MTQ va devoir nous donner des réponses un moment donné, sinon je ne vois pas comment le projet pourrait avoir du sens », soutient M. Guilbert. Il explique que tout évolue et que sans de nouvelles perspectives par rapport à l’environnement et la protection du milieu, le projet n’a pas lieu d’être. « Si c’est une si bonne idée que ça, qu’ils nous le prouvent avec les données qu’ils ont », lance-t-il.

Le ministère des Transports se dit conscient des préoccupations manifestées par les citoyens. Il rappelle que des expertises seront exécutées et qu’un décret en vertu sur la Loi sur la qualité de l’environnement pour la portion de la future l’autoroute entre Notre-Dame-des-Neiges et Trois-Pistoles est à respecter. « Ce n’est pas parce que le BAPE est fait qu’on a le feu vert et un chèque en blanc », spécifie le conseiller en communication au MTQ.

Il raconte que plusieurs inventaires et études vont notamment être faits sur des enjeux de nature environnementale par rapport aux milieux aquatiques et humides, la grande et la petite faune, puis les espèces à statut particulier pour se conformer aux conditions décrétées par le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC).

Parmi les règles à respecter il y a la mise en place d’un comité de vigilance et de suivi environnemental composé de représentants de la municipalité et de citoyens de Notre-Dame-des-Neiges, notamment de la route du Sault, la surveillance du climat sonore en phase de construction dans le secteur de la route du Sault et en phase d’exploitation, puis l’intégration paysagère du pont enjambant la rivière Trois-Pistoles tout en protégeant les rives et les berges du cours d’eau.

La relationniste au MELCC, Caroline Cloutier, confirme que le décret émis concernant le tronçon du prolongement de la 20 entre Cacouna et Trois-Pistoles n’a pas de fin de validité. Ainsi, « aucune disposition ne prévoit la nécessité de soumettre à nouveau le dossier au BAPE », soutient-elle. Mme Cloutier ajoute que le MTQ doit tout de même obtenir une autorisation ministérielle en vertu de l’article 22 de la Loi sur la qualité de l’environnement pour amorcer les travaux.

Consultation publique

Jean-Philippe Langlais relève que le ministère a la volonté d’aller de l’avant avec un processus de consultation des acteurs du milieu et de la population. Le maire de Trois-Pistoles accueille cette idée positivement. C’est d’ailleurs ce que les citoyens souhaitent : qu’il y ait un endroit ouvert à la discussion où les différentes positions peuvent être entendues et débattues sainement.

« La rivière est là, on n’a pas le choix de la traverser », soutient M. Langlais. Le tracé de l’autoroute est défini, mais le conseiller ne veut pas s’avancer à savoir s’il peut être modifié à la suite des discussions avec les habitants. Il rappelle cependant que le MTQ en est toujours à l’étape de conception et que le prolongement de l’autoroute 20 permettrait d’avoir un détour alternatif en cas d’urgence sur la 132 ou aux abords de la rivière Trois-Pistoles, ainsi qu’une sécurité routière accrue.

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