Prolongement de la 20 : un manque de transparence qui inquiète

Le peu de transparence gouvernementale sur les conséquences environnementales d’un futur pont au-dessus de la rivière des Trois Pistoles inquiète la population locale.

Le prolongement de l’autoroute 20 dans la région du Bas-Saint-Laurent, que le gouvernement a récemment remis sur la table, soulève plusieurs préoccupations quant à ses conséquences sur l’environnement et l’économie locale. Un rapport gouvernemental presque entièrement caviardé ne fait rien pour calmer les appréhensions des résident·es.

Julie Sylvain, une résidente du village de Rivière-Trois-Pistoles, raconte que plusieurs de ses voisin·es se questionnent sur les conséquences possibles d’un nouveau tronçon d’autoroute dans le secteur. « L’autoroute va passer à moins de 100 mètres de notre maison », explique-t-elle. 

Le projet prévoit le prolongement de l’autoroute 20 entre Trois-Pistoles et Le Bic, près de Rimouski. Il implique notamment la construction d’un pont au-dessus de la rivière des Trois Pistoles.

Julie Sylvain s’inquiète également de ce qui adviendra de l’économie des municipalités si les touristes ne passent plus par la route 132. « Les gens commençaient à arrêter [dans les commerces locaux] », raconte-t-elle. Cet achalandage risque de diminuer considérablement avec la construction de l’autoroute.

La construction du pont sur la rivière des Trois Pistoles « menace aussi de perturber tout un écosystème naturel », dit-elle. Est à risque une espèce végétale d’une grande rareté appelée Juncus longistylis. De plus, la présence d’ombles des fontaines dans la rivière nécessiterait des mesures d’atténuation et de compensation, confirme un rapport environnemental produit par le ministère des Transports en 2006.

« Les impacts sur les habitats aquatiques et le milieu hydrique seront plus importants pour [cette rivière] du fait que [ses] habitats naturels ne sont pas dégradés », peut-on lire dans ce rapport.

Julie Sylvain s’explique mal pourquoi l’amélioration de l’actuelle route 132 n’est pas privilégiée. Pour elle, l’argument du trafic routier, important en été, n’est pas convaincant. « C’est vrai que durant les semaines de la construction, c’est intense », concède-t-elle, mais il faudrait voir ce qui pourrait être amélioré avec la route actuelle, estime-t-elle.

La résidente rapporte que des citoyen·nes de divers villages de la région s’organisent pour former une coalition en opposition au projet.

Une mystérieuse étude géotechnique

Une étude géotechnique a été réalisée en 2014 en prévision de la construction du pont sur la rivière des Trois Pistoles. Le rapport de cette étude a été obtenu grâce à une demande d’accès à l’information effectuée par le bureau du député de Matane-Matapédia, Pascal Bérubé. Or, la copie qui a été transmise par le gouvernement est presque totalement caviardée.

Pascal Bérubé nous a dit que le Parti québécois soutient le projet de prolongement de la 20 et qu’il ne souhaitait pas commenter davantage.

 « La lecture d’une étude cryptique barbouillée de noir ne fait qu’ajouter [à notre inquiétude] » quant aux conséquences environnementales du projet, affirme quant à elle Julie Sylvain.

Jean-Philippe Langlais, porte-parole du ministère des Transports, déclare que « le document contient des renseignements techniques appartenant au ministère des Transports du Québec, ainsi que des avis et des recommandations faits depuis moins de dix ans qui ne peuvent être transmis ».

Une rapide recherche nous a pourtant permis de trouver d’autres rapports du même type, datés de moins de dix ans, qui n’ont pas fait l’objet de caviardage. On peut en consulter ici, ici et ici (ce dernier document est daté de 2010, mais la demande d’accès à l’information a été faite en 2017).

Le ministère des Transports n’a pas expliqué pourquoi cette étude fait l’objet d’un secret particulier.

Jean-Philippe Langlais affirme qu’il serait prématuré de s’avancer sur les conclusions de l’étude. Selon le porte-parole, elle « demeure d’actualité, mais elle pourrait être amendée en fonction des prochaines étapes de conception ».

Un projet sur la table depuis longtemps

Le projet de prolongement de l’autoroute 20 au Bas-Saint-Laurent, entre Trois-Pistoles et le secteur du Bic, n’est pas nouveau. Le BAPE a déposé un rapport à ce sujet en septembre 2002, au terme d’une consultation publique. Ce rapport conclut que le projet est justifié et qu’il est « hautement désiré par le milieu socio-économique ».

Toutefois, le rapport indique que ce projet ne se ferait pas « sans impact sur les activités économiques et touristiques des municipalités et des villages riverains », que des terres agricoles seraient enclavées et que le pont au-dessus de la rivière des Trois Pistoles « entraînerait des impacts importants qui pourraient difficilement être atténués pour les résidents ».

En 2006, le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs recommandait d’émettre un certificat d’autorisation pour le projet. Dans son rapport, on pouvait par contre lire que « la traversée de la rivière des Trois Pistoles comporte d’importants enjeux sociaux et à elle seule, plusieurs difficultés techniques. »

En 2015, le projet est mis sur la glace lorsque le ministère des Transports retire le prolongement de l’autoroute 20 du Plan québécois des infrastructures. Une des raisons évoquées à l’époque est le coût important, entre 150 et 175 millions $, de la construction du pont sur la rivière des Trois Pistoles.

Dans le dernier budget provincial, déposé en mars 2022, le prolongement de l’autoroute 20 a de nouveau été inscrit au PQI.

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