Des influenceurs canadiens au cœur de l’obstruction à l’action climatique

Un rapport fait le point sur les stratégies de désinformation employées par les influenceurs pour distraire, retarder ou nuire aux actions visant à lutter contre les changements climatiques.

La majeure partie du contenu climatosceptique circulant sur Internet est produite par une poignée d’influenceurs de renoms, montre une nouvelle analyse. Parmi eux, plusieurs Canadiens. Alors que le discours niant ouvertement les changements climatiques se fait plus rare, les opposants utilisent diverses stratégies de désinformation pour distraire, retarder ou nuire à l’action climatique.

« Au cours des dernières années, nous avons été témoins d’une évolution claire dans la rhétorique s’opposant à l’idée de changement climatique et aux actions reliées », peut-on lire dans un rapport conjoint piloté par l’Institute for Strategic Dialogue. Le rapport analyse les nouvelles stratégies utilisées par les groupes de pression et les leaders d’opinion cherchant à contrer et retarder l’action climatique, mais sans nier ouvertement le réchauffement de la planète.

Ces acteurs affirment tour à tour que le changement, comme la réduction des émissions de GES, est impossible (« Il est déjà trop tard »); que le changement n’est pas nécessaire (« la technologie de capture du carbone va compenser nos émissions »); que le changement sera trop difficile (« cela va nuire à notre niveau de vie », « les énergies renouvelables ne sont pas fiables »), ou encore que d’autres devraient changer avant nous (« les écologistes se promènent en avion », « nous produisons moins de GES que la Chine »).

Par exemple, le récit climatosceptique qui a généré le plus d’activité sur Internet autour de la dernière Conférence des Nations unies sur le climat (COP26) à Glasgow attaquait la richesse et la légitimité des participant·es. Dans ce discours, les environnementalistes sont décrits comme faisant partie de « l’élite ». On souligne également leur hypocrisie en raison de leurs voyages en avion. Ce discours centré sur la légitimité bascule parfois dans le conspirationnisme, avec un discours faisant référence au « globalisme » et à un « nouvel ordre mondial » dont les écologistes seraient partie prenante.

Au cœur de ces discours se trouve une poignée d’influenceurs ayant accès à d’importantes tribunes. Parmi ces « amplificateurs clés » du discours climatosceptique, on compte quelques personnalités canadiennes : Ezra Levant, Patrick Moore, le groupe Friends of Science ainsi que Jordan B. Peterson.

La droite climatosceptique

Ezra Levant appartient à « la cohorte la plus importante et la plus bruyante » parmi les climatosceptiques, « composée de groupes, d’activistes et de chroniqueurs de droite basés aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Canada », peut-on lire dans le rapport.

Ezra Levant est le « commandant rebelle » et fondateur du média Rebel News. En plus de contenu climatosceptique, Rebel News diffuse différentes idées d’extrême droite, ayant fait par exemple, la promotion de la théorie du « grand remplacement ».

Levant est l’auteur d’un livre intitulé Ethical Oil qui fait la promotion des sables bitumineux comme une alternative « éthique » au pétrole du Venezuela ou de l’Arabie Saoudite. Il avait aussi salué la décision du président Trump de se retirer de l’Accord de Paris sur le climat.

Rebel News fait régulièrement la manchette avec des histoires présentant les écologistes comme étant élitistes et hypocrites.

Le montant dépensé pour aller à la COP26 dénoncé par Rebel News. | Image : Capture d’écran, site Web de Rebel News

La science au service de la désinformation

D’autres négateurs des changements climatiques « proviennent des milieux académique ou scientifique, ayant parfois été impliqués dans le mouvement vert ». C’est le cas de Patrick Moore et des Friends of Science.

Moore a travaillé pour Greenpeace Canada durant les années 1980 et affirme parfois être l’un de ses fondateurs, ce que dément l’organisation écologiste. Il a par la suite travaillé pour un groupe faisant la promotion de l’industrie nucléaire, ainsi que pour l’industrie minière, les forestières et des manufacturiers de PVC.

Ça va coûter cher : « L’éolien et le solaire coûtent plus par unité d’énergie produite que l’énergie fossile. Donc, 3x plus d’énergie éolienne et solaire va coûter plus que 3x plus cher que la technologie fiable. » | Image : Capture d’écran Twitter

Il est un senior fellow au Heartland Institute, un think tank ayant reçu du financement de la pétrolière Exxon, de la compagnie de charbon Murray Energy ainsi que des frères Koch, des milliardaires américains fortement impliqués dans le financement de la droite libertarienne et conservatrice.. 

Les écolos sont hypocrites : « Dommage qu’Alexandra Ocasio-Cortez [qui fait la promotion du Green New Deal] ne sache pas que rien ne se fait sans émissions de CO2. Pas même sa bague en or. » | Image : Capture d’écran Twitter

En entrevue à Canal+, Moore prétend que le glyphosate (présent dans l’herbicide Roundup de Monsanto) est sécuritaire et qu’on peut le boire, jusqu’à ce qu’on lui en offre un verre.

Les Friends of Science sont un organisme à but non lucratif basé à Calgary. Ce groupe réunit des scientifiques de diverses disciplines qui s’appuient sur leur expertise pour affirmer que « le soleil est la cause principale des changements climatiques. Pas vous. Pas le CO2 ».

En 2007, son directeur affirmait au Toronto Star qu’un tiers de son financement provenait de l’industrie pétrolière.

Friends of science fait la promotion de l’idée que l’être humain n’est pas vraiment responsable des changements climatiques | Image : Capture d’écran Twitter

En 2008, Friends of Science s’est retrouvé au cœur d’un scandale quand il a été découvert que près de 500 000 $ issus de deux fonds de recherche de l’Université de Calgary avaient servi à payer les dépenses du groupe.

Les confinements, l’investissement vert et les politiques de réduction des GES vont détruire des vies. | Image : Capture d’écran Twitter

Wokisme et climat, même combat

Enfin, le rapport identifie une nébuleuse de figures liées à ce qu’on appelle l’« intellectual dark web ». Ce terme englobe un ensemble d’influenceurs de droite luttant contre ce qu’ils considèrent comme étant la domination de la rectitude politique et du « wokisme » sur les institutions médiatiques et d’enseignement.

Figure de proue de cette tendance idéologique, Jordan B. Peterson est un professeur de psychologie qui est devenu célèbre par son refus catégorique de se plier à une loi protégeant les droits des personnes trans.

Il a aussi exposé son climatoscepticisme à l’émission de Joe Rogan, l’un des balados les plus populaires. Il y a déclaré que « le climat, ça n’existe pas. “Climat” et “tout” sont le même mot […]. Le climat, c’est à propos de tout, mais vos modèles ne sont pas basés sur tout. »

Les motivations et les arguments des climatosceptiques diffèrent et évoluent. Ils s’adaptent au consensus grandissant autour des changements climatiques pour proposer de nouveaux discours pour continuer à retarder la mise en œuvre d’actions concrètes.

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