Les ménages canadiens n’ont jamais été aussi endettés

Si les banques profitent grandement de cet endettement massif, il n’est pas sans danger pour les individus ni pour l’économie, selon les experts.

Comparée à leurs revenus, la dette des ménages a atteint un niveau record au Canada. Mais alors que les taux d’intérêt augmentent, cette tendance inquiète.

La dette des ménages canadiens pèse de plus en plus lourd vis-à-vis de leurs revenus, montrent les dernières données de Statistique Canada. Pour la fin de 2021, la proportion a atteint 186,2 % : c’est-à-dire que pour chaque dollar de revenu disponible pour les ménages, on compte 1,86 $ de dette.

Non seulement les ménages ont plus de dettes, mais ils ont aussi vu leurs revenus diminuer, ce qui explique cette hausse marquée. Les emprunts hypothécaires en particulier ont connu une forte croissance, alors que le prix des maisons grimpe. Pendant ce temps, malgré une légère hausse de la rémunération des employé·es, la fin des prestations gouvernementales d’urgence a réduit le revenu des ménages.

Après un creux au début de la pandémie (puisque la consommation était réduite et qu’une partie importante de la population avait accès à des aides gouvernementales), le taux d’endettement des ménages a rapidement recommencé à augmenter, jusqu’à dépasser son niveau pré-pandémique.

Le niveau d’endettement actuel représente ainsi une augmentation notable (+5,1 %) par rapport à la période précédente, à l’été 2021. Il s’agit aussi d’un nouveau record, dépassant le sommet précédent (184,7 %) qui avait été atteint au troisième trimestre de 2018.

« Malheureusement, ce n’est pas du tout étonnant », commente Julia Posca, chercheuse à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS). « Ce n’est rien de nouveau : chaque année, on bat un nouveau record », remarque-t-elle.

Un système d’endettement croissant

En effet, le niveau d’endettement des ménages par rapport à leur revenu disponible est généralement en hausse depuis une trentaine d’années, et surtout depuis le début des années 2000.

Dans un premier temps, « ça correspond à la période où le recours au crédit s’est normalisé et où les institutions financières ont élargi leur offre » dans le domaine auprès des individus, explique Julia Posca.

Ensuite, la hausse plus marquée de l’endettement des ménages depuis une vingtaine d’années « est surtout liée à la dynamique du marché hypothécaire », poursuit-elle. Davantage de gens ont recours aux prêts hypothécaires depuis que les taux d’intérêt sont plus bas et que les banques acceptent des emprunteur·euses moins solides financièrement. Mais en retour, « cela fait augmenter la demande sur le marché immobilier, et donc le prix des maisons », ce qui accroît l’endettement hypothécaire, expose Julia Posca. « C’est un cercle qui s’alimente lui-même. »

Un risque économique… et une occasion de profit

Mais la hausse de l’endettement n’est pas sans danger pour les ménages ni pour la collectivité, rappelle Julia Posca. « D’un point de vue individuel, les gens prennent des risques » en empruntant toujours plus, pointe-t-elle. Ils se retrouvent fragiles devant le risque d’une éventuelle perte d’emploi, ou encore d’une hausse importante des taux d’intérêt, expose-t-elle. Les taux d’intérêt sont effectivement en voie d’augmenter, après être restés au plus bas durant la pandémie.

Ainsi, « cet endettement devient une vulnérabilité pour l’ensemble de l’économie », ajoute Julia Posca.

C’est d’ailleurs un phénomène qui inquiète la Banque du Canada : celle-ci lance périodiquement des avertissements à ce sujet. Advenant un choc économique, les ménages pourraient avoir de la difficulté à effectuer leurs paiements, ce qui menacerait le système financier. « On est devant un modèle qui est fragile », estime Julia Posca.

En prêtant toujours plus, « les banques prennent des risques parce que c’est rentable pour elles. Le crédit constitue une bonne part de leur chiffre d’affaires », explique la chercheuse. « Mais en réalité, ce n’est pas si risqué pour elles, parce qu’elles peuvent toujours compter sur les gouvernements pour sauver la mise en dernier recours », nuance-t-elle. C’est par exemple ce qui s’était produit lors de la crise financière de 2008.

« Ce qui est une vulnérabilité pour l’économie est une occasion de profit pour quelques-uns », résume Julia Posca. « C’est devenu tellement normalisé qu’on ne s’en rend plus compte, mais il y a une absurdité là-dedans. »

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