Des néonazis québécois s’organisent et recrutent de nouveaux adhérents sur la plateforme Telegram afin de sortir de derrière leurs claviers pour faire de « l’activisme blanc », poser des autocollants et faire des push-ups ensemble. Derrière une mince façade de respectabilité, des membres du groupe sont des militants néonazis et antisémite connus.
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Le groupe de discussion White Lives Matter (WLM) Québec a été créé sur la plateforme de communication Telegram à la fin de novembre 2021. À ce jour, il compte au plus une trentaine d’adhérents, dont environ une dizaine semblent actifs dans les discussions et activités du groupe. Il a été intégré au réseau plus large de groupuscules WLM au début 2022.
L’objectif du mouvement WLM est de favoriser les « rencontres IRL » (« in real life », dans la vraie vie) et de promouvoir « l’activisme blanc ». Cet activisme consiste principalement à coller des autocollants au graphisme douteux dans les endroits publics.
Le groupe québécois a commencé à sortir de derrière ses claviers. Des autocollants ont fait leur apparition à Montréal, Laval, Sainte-Thérèse et Québec. Les militants se sont également rassemblés lors de certaines manifestations contre les mesures sanitaires. Les prochaines activités projetées par le groupe sont des déploiements de bannière, afin d’accroître sa visibilité, et des séances d’entraînement hebdomadaires.
Selon le Manuel d’activisme WLM distribué par le groupe, le mouvement est « pacifique » et « apolitique ». Par contre, il cherche à « assurer la continuité » des blancs « par tous les moyens nécessaires ». Le manuel demeure vague sur les moyens « pacifiques » préconisés pour arriver à une société « 99 % blanche » où ceux qui ont le malheur d’être « non-blancs », en plus de ne pas avoir la citoyenneté, n’y sont admis qu’« à des fins qui servent les intérêts du monde blanc ».
Les administrateurs des diverses chaînes Telegram du réseau WLM rappellent sans cesse l’importance de soigner l’image du « mouvement ». On suggère d’éviter les croix gammées, les drapeaux sudistes ou MAGA et l’usage de termes péjoratifs et racistes. Mais, derrière le discours affirmant qu’« être pro-blanc, ce n’est pas être contre les autres », le jupon nazifiant dépasse régulièrement.
Contactés par courriel, les militants du groupe Montréal-Antifasciste (MAF) expliquent que « l’objectif évident est de créer un réseau activiste décentralisé, d’abord en ligne puis éventuellement “IRL” et axé sur l’action directe ». Pour eux, il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un projet néonazi.
« Ils essaient superficiellement et sans grande conviction de blanchir l’image du nazisme, si l’on se permet le jeu de mots. »
Montréal-Antifasciste
Bien que les membres de WLM-Québec disent vouloir éviter certains symboles, « le salon de discussion du groupe est saturé de mèmes d’Hitler et des formes de racisme les plus grossières ». Pour MAF, l’objectif assumé est « d’assainir l’image, de cacher le caractère nazi du projet pour maximiser les chances de recrutement ».
Cet objectif « grand public » entre en conflit avec le caractère semi-clandestin de l’organisation. Selon MAF, « ils peuvent bien dire que WLM n’est pas un projet raciste dans le but de projeter une image acceptable, mais en même temps, c’est très clairement un projet raciste qui ne va être attrayant que pour des racistes ».
Pour Montréal-Antifasciste, cette nouvelle itération de l’extrême droite néonazie est inquiétante : « C’est un “pipeline” qu’on connaît bien, et qui a déjà mené à des actions violentes contre des individus ou des groupes ciblés. On n’a aucune raison de croire que la progression de WLM ne suivrait pas la même courbe. »
Néonazis et antisémites notoires parmi les membres
Les membres du groupe WLM-Québec sont, pour la plupart anonymes, mais deux « célébrités » du milieu identitaire font partie du lot.
Le premier est « Friendly Fash ». Il s’agit du nom de plume utilisé par Shawn Beauvais-Macdonald. Ce dernier était l’un des quatre Québécois présents à la manifestation « Unite the right » à Charlottesville en août 2017. Ils ont été rendus célèbres par leur inclusion dans un reportage du média Vice. Rappelons que lors de cette manifestation, une jeune femme avait été tuée par un membre d’un groupe néofasciste qui a foncé dans une foule de contre-manifestant·es avec sa voiture.
Beauvais-Macdonald n’en est pas à son premier groupe identitaire, ayant fait partie des cercles alt-right et de la Meute et ayant été un proche du groupe néofasciste québécois Atalante.
L’autre membre connu de WLM-Québec est Sylvain Marcoux, un Drummondvillois arrêté en août 2020 pour avoir proféré des menaces envers Horacio Arruda, alors directeur de santé publique du Québec, et sa famille. Après avoir présenté ses excuses, Marcoux a été absous en septembre 2021.
Il a été candidat indépendant aux élections provinciales de 2018 dans la circonscription Drummond–Bois-Franc. Un article du journal L’Express rapportait qu’il voulait rendre illégale la pratique de l’Islam. Il a également été candidat indépendant aux élections fédérales de 2021. En novembre dernier, il fondait son propre parti : le Parti nationaliste chrétien.
Dans une vidéo datant du mois de février 2022 et diffusée sur la chaîne YouTube du parti, Sylvain Marcoux explique que, advenant la victoire très improbable de son parti, le cursus des cours d’histoire sera révisé. Au cours de cette vidéo, que malgré notre désir de vous apporter du journalisme rigoureux, nous n’avons pas réussi à écouter jusqu’à la fin, il passe de la glorification de l’Allemagne nazie au négationnisme le plus assumé.
Ses positions racistes et antisémites avaient été mises en lumière par le travail de recherche de Montréal-Antifasciste et par le blogueur Xavier Camus.
Un mouvement disséminé en Amérique du Nord et en Europe
Les groupuscules WLM ont pris naissance suite à un appel à manifester le 11 avril 2021, diffusé sur la plateforme Telegram. Selon des reportages dans la presse, cette mobilisation a été un gigantesque flop. Aux États-Unis, les groupuscules WLM ont tout de même continué, avec divers degrés de succès, à tenir des manifestations mensuelles. Selon la chaîne Telegram principale, des groupes existent à travers les États-Unis et dans certains pays d’Europe.
Dans la foulée de cet appel à manifester, plusieurs canaux Telegram sont établis en Amérique du Nord. Un article, publié à la suite d’une fuite de conversations d’organisateurs sur Telegram, rapporte que des membres du groupe d’extrême droite américain Proud Boys étaient impliqués dans l’organisation de certains chapitres de WLM.
Au Canada, d’après nos observations, il semblerait que ce soit à Toronto que le mouvement a pris racine. Un internaute anonyme utilisant le pseudonyme McLeafin serait à l’origine de ce groupe. McLeafin, si l’on en croit ses messages sur Telegram, est également impliqué dans Active Club Canada, l’équivalent canadien du Rise Above Movement (RAM), un précurseur de WLM. Le RAM est un organisme californien d’extrême droite, un genre de « fight club » raciste permettant aux militants de se rencontrer pour pratiquer des sports de combat et faire des push-ups en groupe.