Alberta : le gouvernement bloque la grève des enseignant·es, les syndicats ripostent

En réponse à l’attaque de la première ministre Danielle Smith contre les droits de négociation, un « Front commun » syndical brandit la menace de la grève générale.
Manifestation des enseignant·es albertain·es en grève, en octobre dernier. Photo: Fédération du travail de l’Alberta.

Le gouvernement conservateur d’Alberta a utilisé la clause dérogatoire pour imposer une loi spéciale et forcer le retour au travail des enseignant·es de la province. Le plus grand syndicat albertain entend répliquer fermement, sans toutefois en appeler déjà à une grève générale.

Cet article est d’abord paru en anglais chez PressProgress.

Gil McGowan, président de la Fédération du travail de l’Alberta, a fait connaître ses intentions de renverser le Parti conservateur uni dans le cadre d’une campagne menée par un « Front commun » réunissant 24 syndicats de la province.

Le Front commun rassemble des organisations syndicales signataires d’un pacte solidaire qui les lie advenant la nécessité d’une mobilisation collective.

« Nous commencerons bientôt à nous organiser en vue d’une éventuelle grève générale », a déclaré Gil McGowan mercredi dernier en conférence de presse.

S’il a évoqué la possibilité d’une grève générale en guise de riposte, Gil McGowan a précisé qu’elle ne serait pas déclenchée de manière précipitée, d’autant plus qu’aucun scénario n’est encore privilégié. Aucun programme de mobilisation n’a été annoncé.

Cette campagne est une réponse au projet de loi 2, qui a été adopté par l’Assemblée législative albertaine le 28 octobre, et qui impose aux enseignant·es le contrat de travail qu’ils et elles avaient rejeté et les force à retourner au travail.

La loi inclut le recours à la clause de dérogation à la Charte canadienne, ce qui autorise le gouvernement à contrevenir à des droits garantis par la constitution canadienne, comme la liberté d’association et le droit de grève, neutralisant ainsi le pouvoir de négociation des syndicats.

« Danielle Smith a réveillé un géant endormi », selon Gil McGowan. « En faisant le choix sans précédent d’utiliser la clause dérogatoire pour priver les enseignant·es albertain·es de leurs droits démocratiques et constitutionnels, elle a galvanisé les syndicats de la province et de tout le pays. C’est du jamais vu. »

La réponse du gouvernement à la grève a créé du mécontentement et mené au dépôt d’une pétition pour la révocation du ministre de l’Éducation, Demetrios Nicolaides, que les syndicats blâment pour la rupture des négociations. Cette pétition est la première étape d’un processus qui, en Alberta, peut mener à la tenue d’un vote lors duquel les électeur·trices peuvent effectivement démettre un·e député·e de ses fonctions.

Les enseignant·es défendent leurs conditions de travail

Le conflit a éclaté lorsque l’Association des enseignants albertains (ATA) a reçu la dernière offre du gouvernement de Danielle Smith qui, selon le syndicat, ne prévoyait pas grand-chose pour permettre aux enseignant·es de rattraper leur retard salarial par rapport au standard national.

Cette offre avait été rejetée par 90 % des membres de l’ATA lors d’un vote tenu le mois dernier.

Le gouvernement n’avait pris aucun engagement ferme pour régler l’enjeu de la taille des classes et de la complexité de la charge des enseignant·es, qui doivent souvent composer avec une quarantaine d’élèves par groupe, dont une proportion croissante a des besoins spéciaux ou de faibles compétences en anglais.

« Pour nos membres, c’est inacceptable. L’une des raisons qui expliquent le conflit actuel c’est la question de la taille des classes et de leur complexité », avait déclaré Jason Schilling, président de l’ATA, lors d’une conférence de presse tenue le 17 octobre dernier.

« Danielle Smith a réveillé un géant endormi. »

Gil McGowan, Fédération du travail de l’Alberta

La grève des 51 000 enseignant·es a duré un peu plus de trois semaines, jusqu’à l’adoption de la loi spéciale.

Chaque enseignant·e qui refuserait de retourner au travail pourrait recevoir une amende allant jusqu’à 500 $ par jour. Pour cette raison, les enseignant·es ont respecté l’ordre de retourner en classe, mais sont encouragé·es à se limiter à leurs obligations professionnelles.

Bien que cette consigne ressemble à une tactique de grève du zèle, l’ATA n’emploie pas ce terme et ne demande pas aux enseignant·es de renoncer aux activités parascolaires.

Même si ces semaines de débrayage ont fatigué les membres de l’ATA, Jason Schilling assure qu’ils et elles demeurent mobilisé·es. « Ce qui motive autant nos membres à se mobiliser pour riposter, c’est le manque de respect dont a fait preuve le gouvernement », assure Jason Schilling en entrevue avec PressProgress.

Jason Schilling ajoute que des actions judiciaires d’opposition à la loi spéciale sont en préparation. « La première étape sera d’examiner les avenues judiciaires pour contester la loi en cour, dans la mesure de ce qui est possible. On évalue actuellement nos options avec nos avocats », a confirmé Jason Schilling.

Le financement des écoles privées en cause

La question du financement des écoles privées est aussi sur la table. L’Alberta accorde aux écoles privées 70 % du financement par élève que reçoivent les écoles publiques.

Une pétition a été déposée afin de mettre un terme au financement des écoles privées.

Wing Li, directrice des communications pour l’organisme Support Our Students, croit que le gouvernement des conservateurs unis a délibérément laissé les écoles publiques se détériorer.

« À l’échelle de la province, on finance toutes sortes de milieux d’enseignement, comme l’école à la maison, les écoles privées, l’enseignement à distance par l’entremise de fournisseurs privés et les écoles à charte, qui n’existent qu’en Alberta », explique Wing Li à PressProgress.

« Ce n’est donc pas surprenant que cette grève soit déclenchée et que les gens perdent en quelque sorte confiance dans le système public. »

« C’est une tempête parfaite pour le capitalisme de crise. Pourquoi le gouvernement ne chercherait-il pas à générer des profits pour le secteur privé pendant qu’il saigne le système public? Les gens sont désorientés et vulnérables, l’occasion est parfaite », ajoute Wing Li.

Traduit de l’anglais par Miriam Hatabi

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