Le gouvernement du Québec a annoncé des modifications à son programme de logement abordable, qui continue toutefois de favoriser les joueurs privés et qui reste très mal adapté pour répondre aux besoins en matière de logement social, selon les acteurs du milieu.
La Société d’habitation du Québec (SHQ) a annoncé jeudi dernier des changements au Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ). Il s’agit du seul programme public finançant notamment de nouveaux projets de logement social et abordable depuis que la ministre responsable de l’Habitation France-Élaine Duranceau a officiellement mis fin, en février dernier, au programme AccèsLogis, qui était consacré uniquement aux logements sociaux et communautaires.
Lors de son lancement l’an dernier, le PHAQ avait été critiqué parce qu’il ouvrait la porte aux promoteurs privés et parce que les logements « abordables » qu’il propose sont parfois très chers, les loyers étant basés sur le marché plutôt que sur la capacité de payer des locataires.
Lors de sa mise à jour de la semaine dernière, la SHQ a notamment majoré le montant maximal des loyers admissibles au programme. Les loyers considérés « abordables » pourront désormais atteindre, selon la région, entre 839 $ et 2024 $ par mois pour un quatre et demi non chauffé et éclairé.
Un tel coût dépasse souvent le loyer moyen et n’est pas réellement abordable pour la majorité des familles, et encore moins pour les ménages à faibles et moyens revenus, déplore Véronique Laflamme, porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU).
La mise à jour du PHAQ bonifie aussi à 60 % la part de financement public à laquelle peuvent avoir droit les promoteurs privés pour leurs projets.
« La ministre semble vouloir donner plus d’incitatifs au privé pour lancer des projets. Mais pendant ce temps, elle ignore les organismes sociaux et communautaires, qui ont beaucoup de difficultés avec le programme », remarque M. Laflamme.
Trop de joueurs, trop peu de financement
Les dernières modifications au PHAQ permettront également aux projets de logements étudiants soutenus par les institutions collégiales et universitaires de se qualifier. Une concurrence qui inquiète le FRAPRU, surtout que les logements étudiants financés par des OSBL étaient déjà admissibles au programme.
« Bien sûr qu’on a besoin de logement étudiant, mais est-ce qu’on n’aurait pas pu créer un autre programme avec l’argent du ministère de l’Éducation pour y arriver? »
« Le gouvernement a seulement annoncé 1500 unités [de logement abordable] pour cette année, dont 500 pour le privé. Si on continue à ajouter des participants sans ajouter d’argent, la place du logement social ne peut que diminuer », résume-t-elle.
Dans la même logique, Véronique Laflamme salue que le PHAQ permette désormais de financer l’achat de bâtiments existants pour les garder abordables, mais elle toutefois déplore que de nouvelles sommes n’aient pas été allouées pour ce faire.
Un programme mal adapté au logement social
Pour elle, en modifiant ainsi le fonctionnement de la PHAQ, le gouvernement a raté une occasion d’adapter son fonctionnement à la réalité des OSBL, coopératives et offices municipaux d’habitations qui s’occupent des logements sociaux et communautaires.
Ceux-ci demandaient entre autres que les frais de démarrage des projets soient couverts par le programme, comme c’était le cas avec AccèsLogis. Ce financement permet de payer des professionnel·les pour les tâches préalables permettant de trouver l’ensemble du financement et de démarrer les travaux. « Contrairement aux compagnies privées, les petits organismes n’ont pas d’argent pour payer des architectes à l’avance. Si on ne tient pas compte de leur réalité, c’est certain qu’ils n’y arriveront pas », remarque-t-elle.
D’ailleurs, même si le PHAQ a été créé pour accélérer la réalisation des logements, un seul des 41 projets retenus lors du premier appel d’offre du programme avait été mis en chantier, selon les dernières données de la SCHL. « En plus [les projets non commencés] courent le risque d’être abandonnés, parce que le gouvernement impose des limites de temps pour réaliser les projets », prévient Véronique Laflamme.