En mai dernier, le chef du SPVM, Fady Dagher, annonçait son programme de formation pour les recrues policières qui pourront vivre en « immersion » dans les communautés marginalisées à Montréal. L’initiative ne convainc pas les jeunes qui font partie de ces communautés. À leurs yeux, la police est souvent une source d’insécurité peu rassurante et mal adaptée pour répondre aux enjeux auxquels répondent déjà les organismes communautaires.
« C’est une perte de temps, ça n’a vraiment aucun rapport. » Queeny ne ménage pas ses mots lorsqu’on lui demande ce qu’elle pense de la nouvelle stratégie de Fady Dagher pour redorer l’image des policiers à Montréal.
Pour la jeune femme dans la vingtaine qui a grandi à Rivière-des-Prairies, le nouveau programme d’immersion des recrues du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) parmi les communautés marginalisées et multiculturelles de la métropole ne fait pas le poids.
Cette formation, à l’image de la police communautaire que M. Dagher avait mise en place à Longueuil, veut rapprocher ces communautés et les policiers. Elle permettrait aussi à ces derniers de mieux travailler dans les quartiers « chauds » de la ville qui sont moins sécuritaires, notamment en raison de la violence armée.
« J’ai été vraiment surprise par l’annonce », confie Charlyse, une jeune femme de 24 ans qui multiplie déjà les implications communautaires dans le Sud-Ouest de la métropole. « C’est un programme qui a été fait pour la ville de Longueuil, tu ne peux pas amener ça à Montréal! »
Si comme elle, plusieurs jeunes racisé·es s’inquiètent de la montée de la violence armée dans la métropole, ils et elles doutent cependant qu’une police communautaire soit la solution.
Police, source d’insécurité
À leurs yeux, cette mesure ne pourra pas rétablir un lien de confiance auprès des populations qui continuent de subir la répression des corps policiers. « Il y a de la discrimination, il y a du racisme et ça ne va pas changer », pense Charlyse.
Pour en finir avec ça, « personne n’a la potion magique. Si on l’avait, ça ferait longtemps qu’on l’aurait utilisée. »
« Moi, je suis issue de l’immigration », explique la jeune femme originaire de la République démocratique du Congo. « En grandissant, je n’ai pas eu le même rapport avec la police. »
« Personne n’a la potion magique. Si on l’avait, ça ferait longtemps qu’on l’aurait utilisée. »
Charlyse
Pour plusieurs jeunes racisé·es, la police effraie. C’est elle qui fait des interceptions routières arbitraires, qui rôde et qui s’impose dans des lieux convoités par les jeunes.
Les jeunes savent qu’ils et elles sont dans la mire des policiers qui sont déployés en grand nombre dans leurs quartiers, explique Charlyse. « Dans certains quartiers, tu ne peux plus marcher sur un coin de rue sans voir des voitures de police faire un tour. »
Police étrangère
Difficile aussi d’imaginer comment la police peut comprendre la réalité des jeunes à Montréal si elle n’y habite pas. En 2021, des données du SPVM révélaient que seulement 16 % de ses policiers résident dans la métropole.
« Que [des policiers] intègrent une famille haïtienne pour quatre semaines, ça ne veut pas dire que ça va changer quelque chose, on ne peut pas prévoir ça. »
Queeny
« Quand tu prends des gens de l’extérieur de Montréal, qui n’ont pas grandi ici, c’est un grand changement », explique Charlyse. « C’est difficile de voir comment ils vont jongler avec ça, dans une communauté de laquelle ils ne connaissent rien. »
« Que [des policiers] intègrent une famille haïtienne pour quatre semaines, ça ne veut pas dire que ça va changer quelque chose, on ne peut pas prévoir ça », croit aussi Queeny. « Ils ne vont jamais connaître notre réalité. »
Police inadaptée
« J’ai l’impression qu’on veut faire porter 1000 chapeaux aux policiers », souligne aussi la jeune femme. « Un policier est censé nous protéger, mais on veut aussi qu’il joue au psychologue, à l’intervenant social », et ce malgré le fait que la formation policière ne correspond pas à ces rôles.
« À un moment donné, les chapeaux vont tomber », pense Charlyse.
« Moi en tant que jeune, j’aurais mis de l’argent dans les organismes communautaires, qui sont déjà là, qui ont déjà la confiance de la communauté. »
Charlyse
Selon elle, c’est plutôt au communautaire, qui joue déjà un rôle important au sein des communautés marginalisées, qui devrait bénéficier du soutien financier qui va actuellement à la police. « Il faut qu’on aide les organismes qui sont déjà là dans la communauté », pense-t-elle.
Avec le programme de M. Dagher, les résultats, s’il y en a, prendront du temps. « Moi en tant que jeune, j’aurais mis de l’argent dans les organismes communautaires, qui sont déjà là, qui ont déjà la confiance de la communauté. »