Photo : Sam Harper | Montage : Pivot
Enquête

Une histoire d’amour entre la Ville et un promoteur : le projet Medway de Rivière-du-Loup

« Notre seul désir est d’être prêts à vous soutenir dans la réalisation de ce magnifique projet. »

L’arrivée d’un projet de bâtiment de neuf étages en bordure de la rivière dans une petite rue du centre-ville de Rivière-du-Loup ne plaît pas à tout le monde. Malgré cela, le projet est le fruit d’une collaboration très étroite entre la Ville et le promoteur de Medway. C’est ce qui ressort des communications obtenues par Pivot grâce à une demande d’accès à l’information.

Le 1er juin 2022, des locataires du 27-29 rue Saint-Louis à Rivière-du-Loup apprennent que leur demeure sera détruite en découvrant un avis de démolition placardé sur la porte de leur logement. Cela, pour faire place à un nouveau développement du Groupe Medway, un gestionnaire de cliniques médicales et un promoteur immobilier, surtout actif dans la région de Québec.

Cet événement va rapidement mobiliser les opposant·es contre ce projet déjà discrètement en branle depuis près d’un an. Assemblée publique, manifestation, pétition et contestation judiciaire, plusieurs actions ont été tentées pour freiner l’avancée du projet.

Mais, malheureusement, il est trop tard.

Ce développement a été rendu possible grâce à l’adoption par la municipalité d’un projet particulier d’urbanisme (un PPU, pour les intimes) pour le centre-ville de Rivière-du-Loup. Dans le cas de Medway, le projet immobilier a précédé le PPU. On pourrait même croire que le plan municipal a été créé sur mesure pour accueillir ce développement immobilier. 

La rue Saint-Louis, à Rivière-du-Loup. Photo : Sam Harper

Or, une fois un PPU adopté, il n’y a plus vraiment de moyen de s’opposer aux projets qui en découlent.

Ce genre de situation n’est pas unique à cette ville du Bas-Saint-Laurent et soulève des questions sur la démocratie et le pouvoir réel que peut avoir la population sur l’aménagement de son territoire.

Un projet sur la table bien avant le PPU

Cette histoire débute au printemps 2021. Une inscription au registre des lobbyistes, à laquelle nous reviendrons, indique que le mandat du lobbyiste Robert Cooke pour faire modifier le zonage d’un lot situé au centre-ville de Rivière-du-Loup a débuté le 1er juin.

Le zonage permet alors des habitations multifamiliales de 6 à 12 logements. Le lobbyiste Robert Cooke tente de faire modifier le zonage d’un lot où est situé un magasin de meubles « pour y ajouter les usages habitation multifamiliale, les services reliés au domaine de la santé, une clinique médicale ainsi qu’une garderie ».

Dans un courriel à M. Cooke daté du 6 juillet 2021, signé par Thomas Ruest-Gagné du service de l’urbanisme de la Ville de Rivière-du-Loup, on peut lire :

« La secrétaire du service de l’urbanisme m’a bien transmis votre demande au sujet du projet de clinique médicale dans le vieux Rivière‐du‐Loup. Je communiquerai rapidement par téléphone avec vous afin d’organiser un rendez‐vous. »

Projet proposé par Medway en date du 17 décembre 2021.

Cette réunion aura lieu le 2 août 2021. Selon le compte-rendu obtenu par Pivot, le projet initial prévoyait 60 000 pi2 d’espace commercial, destiné à abriter des services médicaux et de santé, ainsi que 180 logements. On parle alors d’un bâtiment d’un maximum de six étages. Le promoteur espère démarrer la construction au printemps 2022. 

La destruction de l’immeuble à logement situé au 27-29 rue Saint-Louis et le déménagement de la maison patrimoniale voisine, qui feront réagir les citoyen·nes l’année suivante, est évoquée lors de cette réunion. Mais, comme nous le verrons, ces modifications majeures de la rue vont par la suite disparaître du projet officiel, du moins temporairement.

Une chose semble claire : la Ville appuie la venue de Medway et se donne déjà une date pour « donner un lancement administratif à ce projet ».

Cet accueil chaleureux au projet Medway est réitéré dans un courriel du 30 novembre 2021, lorsque le directeur général de la Ville, Denis Lagacé, écrit à M. Cooke pour lui dire qu’il attend le calendrier de réalisation du projet du promoteur.

Dans ce courriel, on peut lire :

« Je sais que cela peut paraître insistant, soyez assuré que notre seul désir est d’être prêts à vous soutenir dans la réalisation de ce magnifique projet. »

Les élu·es s’identifient aux projets des promoteurs

« Les élus [municipaux au Québec] se voient comme les réalisateurs du développement », rapporte Danielle Pilette, professeure au département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’ESG-UQAM.

« On veut s’allier [les gens d’affaires], on veut s’allier, comme élu, ce milieu-là, dont les revenus de la ville sont très tributaires. »

Danielle Pilette

Pour l’experte en gestion et en éthique municipales, cette image de développeurs que les élu·es ont d’eux-mêmes les amène à s’identifier aux projets des promoteurs privés. La professeure explique que pour les élu·es des municipalités, « leurs actions vont être jugées sur les permis émis et la valeur des permis émis ». Cela s’explique par le fait que les revenus de la Ville dépendent des taxes qui sont calculées sur la valeur des terrains.

Rivière-du-Loup est une ville fortement industrielle et commerciale, rapporte Mme Pilette. « On voit que 25 % des valeurs au rôle d’évaluation sont commerciales ou industrielles. C’est beaucoup plus que dans la plupart des villes », dit-elle. La place importante que prennent l’industrie et le commerce fait en sorte que les élu·es voient la ville comme le lieu des affaires et veulent « donner un nouveau souffle à cette valeur-là ».

De plus, la valeur imposable des terrains commerciaux et industriels est plus élevée que celle des terrains à usage résidentiel, rappelle la professeure. « Cela veut dire que même s’ils représentent 25 % des valeurs, ils paient beaucoup plus que 25 % des taxes », ajoute-t-elle. 

Donc, conclut Danielle Pilette, « on veut s’allier [les gens d’affaires], on veut s’allier, comme élu, ce milieu-là, dont les revenus de la ville sont très tributaires ».

Le PPU est le cadre qui va permettre les projets

Revenons à nos moutons, ou dans ce cas-ci, à notre PPU. Selon le site Web du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation, un « plan particulier d’urbanisme », comme son nom l’indique, vient apporter des précisions « quant à la planification de certains secteurs qui suscitent une attention toute particulière de la part du conseil municipal ».

« [Dans le cas de Rivière-du-Loup], on ne parlait pas du projet [Medway], évidemment, on n’avait pas à en parler. Mais on a préparé le cadre. »

Danielle Pilette

Il s’agit donc de règles particulières pour atteindre un objectif dans un territoire défini par la Ville. Ce qu’il faut comprendre, c’est que les projets spécifiques, qu’ils soient déjà sur la table ou non, n’en font pas partie.

Danielle Pilette explique que dans tous les cas de PPU, si un projet de construction est déjà envisagé, il n’a pas à y être inclus. « Mais les règles qui le régissent sont là », dit-elle. « Les règles qui le favorisent sont là. Par exemple, quels sont les investissements de la Ville dans le secteur ?  Est-ce qu’on va refaire des rues ? »

Un PPU prévoit certains paramètres comme la hauteur des bâtiments et la densité, par exemple. La professeure ajoute : « C’est à cause de ces éléments, qui sont dans le PPU, que le projet est rendu possible. »

« [Dans le cas de Rivière-du-Loup], on ne parlait pas du projet [Medway], évidemment, on n’avait pas à en parler. Mais on a préparé le cadre. »

Un PPU planifié de concert avec le promoteur

En effet, à Rivière-du-Loup, le promoteur a été tenu informé et a été impliqué dans les étapes qui ont mené à l’adoption du PPU, comme en témoignent plusieurs courriels échangés entre la Ville et le représentant de Medway.

Le 3 décembre 2021, Thomas Ruest-Gagné du service de l’urbanisme écrit à Robert Cooke :

« Voici le calendrier d’adoption du PPU du centre-ville. Nous le placerons en parallèle de votre échéancier pour déterminer les dates finales de la procédure. »

Le 24 janvier 2022, M. Ruest-Gagné écrit de nouveau à M. Cooke :

« Nous sommes en train d’élaborer les aspects techniques de la réglementation qui encadrera le projet de Medway.

Nous allons certainement avoir des questions ou des points à valider avec vous […]. »

Une inscription tardive au registre des lobbyistes 

C’est le 17 janvier 2022 que Robert Cooke fait une modification à son inscription au registre des lobbyistes pour y inclure le mandat du Groupe Medway à Rivière-du-Loup.  

Le problème?  Un lobbyiste a 30 jours pour inscrire toute activité de lobbyisme au registre. Or, Robert Cooke a débuté ses représentations auprès de la Ville de Rivière-du-Loup à l’été 2021, soit plus de six mois plus tôt.

De plus, ce mandat ne concerne que le lot sur lequel est situé le magasin de meubles. Les deux autres lots impliqués et dont la Ville va éventuellement modifier le zonage ne sont pas mentionnés.

Robert Cooke n’a pas voulu commenter et nous a dirigés vers la responsable des communications de Medway.

 Trois jours plus tard, le 27 janvier, M. Ruest-Gagné écrit à nouveau :

« Bonjour M. Cooke,

Nous avons légèrement modifié le calendrier d’adoption du PPU.

Les modifications n’influencent pas votre échéancier de projet, car […] le nouveau calendrier nous permet toujours de délivrer un permis de construction à la fin mai 2022. »

Un échange de courriel, daté du 3 février suivant, montre à quel point le projet Medway est central dans l’élaboration de la réglementation au centre-ville. M. Ruest-Gagné écrit :

« Nous avons pris un peu d’avance et les dispositions réglementaires que nous avons prévues correspondent à vos besoins.

À titre informatif, le document du PPU est maintenant sur la table à dessin du graphiste.

Tout avance dans les temps. »

Un courriel fortement caviardé de Thomas Ruest-Gagné à Robert Cooke, datant du 18 février 2022, rapporte que le projet de PPU a été présenté aux élu·es et à l’équipe de direction de la Ville. Dans ce courriel, on peut lire :

« [L]a question a été soulevée afin de savoir si [nom caviardé] était au fait que la Ville allait adopter une pièce importante de réglementation qui concerne son terrain plus que tout autre dans le périmètre du PPU. De même, des questions ont été soulevées pour savoir si [nom caviardé] était prêt à se faire questionner par des journalistes et si les entreprises qui logent à cette adresse étaient informées qu’elles pourraient faire l’objet de rumeurs. »

Ce courriel envoyé au lobbyiste de Medway affirme que la réglementation spéciale concerne un terrain « plus que tout autre » dans le périmètre du centre-ville. Cela démontre le caractère central de Medway dans l’élaboration du PPU.

« Comme il y a eu plus de questions que de réponses » lors de la présentation du PPU aux gens de la Ville, écrit encore Thomas Ruest-Gagné, la décision est prise, « d’un commun accord » avec le lobbyiste, de reporter l’adoption du projet de règlement du PPU à la séance du conseil municipal du 14 mars 2022.

Le 14 mars, le conseil de Ville adopte bel et bien le projet de Règlement 2079 concernant le Programme particulier d’urbanisme du Centre-Ville de Rivière-du-Loup. Il reste encore quelques étapes avant que ce projet de règlement soit officiellement en vigueur : une période de consultation publique et écrite, puis l’adoption finale du PPU par le conseil de Ville, et enfin un délai administratif pour les contestations.

Le projet Medway est annoncé à la population

Quelques jours après l’adoption par le conseil municipal, un journaliste local publie un article qui annonce pour la première fois publiquement les intentions du Groupe Medway.

Le projet de PPU est ensuite présenté à la population lors d’une assemblée publique le 6 avril 2022.

En ce qui concerne Medway, on parle alors d’un bâtiment éventuel de plus ou moins six étages. Une image fournie par Medway, qui montre un immeuble de six étages, est incluse dans la présentation.

Au moment de présenter le PPU aux citoyen·nes, le projet Medway n’a donc plus l’ampleur qu’il avait lors de la réunion initiale entre la Ville et le promoteur au mois d’août précédent. Dans un courriel de la firme d’architecture, daté de la mi-décembre, on peut lire que le projet prévoit maintenant 92 logements, soit environ la moitié de ce qui était prévu initialement.

L’espace alloué aux fonctions commerciales a lui aussi rétréci de moitié : on parle maintenant de 28 000 pi2. Le nombre de places de stationnement est d’environ 200, dont 174 seront intérieures (mais cela va changer, nous y reviendrons).

Cette version n’est pas définitive, car comme on l’indique dans le courriel, « cette nouvelle proposition empiète beaucoup sur la bande de 10 mètres de protection de forte de pente […]. La faisabilité du projet est donc à évaluer ».

Dans cette version du projet, seules les structures sur le lot du magasin de meubles sont vouées à la démolition. La maison patrimoniale et l’autre immeuble avoisinant demeurent intouchés.

Présentation 3D du projet. Capture d’écran.

C’est d’ailleurs ce que prévoit le PPU.

Celui-ci crée un nouveau « pôle santé » où seront permis des bâtiments de dix logements et plus, ainsi que des usages liés aux services médicaux et de santé. Ce pôle santé comprend le terrain de la nouvelle Maison des aînés, ainsi que celui du magasin de meubles voisin. 

Le conseil municipal, ayant tenu son assemblée de consultation publique, adopte officiellement le PPU le 25 avril suivant. Le 27 avril, un avis public est publié qui explique la procédure de contestation. Les citoyen·nes ont alors 30 jours pour contester le PPU.

« Les médias vont paver la voie »

L’engouement des instances municipales pour le projet de Medway, qui porte maintenant le nom de Complexe Santé Rivière-du-Loup, est illustré par un courriel de Pascal Tremblay, directeur du service des communications, à Robert Cooke, daté du 30 mai 2022.

On peut y lire que M. Tremblay a l’intention d’aviser la radio locale des détails du projet 24 heures avant la publication des avis de démolition.

Il poursuit :

« Compte tenu du biais favorable observé jusqu’ici par la radio locale et les retombées positives attendues, nul doute que les médias locaux vont paver la voie et faire la promotion du projet dans la journée demain, préparant ainsi l’opinion publique favorablement. »

Ce n’est pourtant pas exactement comme cela que les choses vont se dérouler.

Les avis de démolition

L’épisode suivant a déjà été évoqué. Le 1er juin, soit quelques jours après que le délai de contestation du PPU ne soit passé, un fonctionnaire de la Ville affiche des avis de démolition non seulement sur l’immeuble abritant le magasin de meubles, mais aussi sur deux autres immeubles voisins. L’un de ceux-ci, où vivent des locataires, le fameux 27-29 rue Saint-Louis, doit être démoli et l’autre, le bâtiment patrimonial, déménagé. 

Cela soulève la consternation chez certain·es résident·es du secteur et vous l’aurez compris, chez les locataires qui apprennent que leur demeure sera détruite.

La surprise vient également du fait que les terrains de ces deux immeubles ne font pas partie du fameux « pôle santé » créé par le nouveau PPU. Cela signifie que le changement de zonage qui permet la construction du projet ne s’applique pas à eux.

Que s’est-il donc passé ? 

Une démolition pour faire place à du stationnement

Il semble, selon les documents obtenus par Pivot, que ce soit la possibilité de louer des locaux au CLSC de Rivière-du-Loup qui explique le changement dans le projet.

Le CLSC de la ville cherche un endroit où se relocaliser. Un appel d’offres a été publié le 15 avril 2022, mais déjà, auparavant, des discussions ont eu lieu entre la Ville et le directeur des installations du CISSS du Bas-Saint-Laurent au sujet du projet Medway, et notamment des places de stationnement disponibles.

Or, c’est justement l’ajout de places de stationnement souterrain dans le projet Medway qui explique la destruction et le déménagement des deux immeubles d’abord épargnés.

Dans un courriel de Robert Cooke à Thomas Ruest-Gagné daté du 11 mai 2022, le lobbyiste présente des modifications au plan précédent. Il explique que le nombre de stationnements intérieurs est maintenant de 334 places et fait mention d’un « espace débarcadère pour les besoins du CLSC ». Il ajoute que « l’agrandissement du stationnement souterrain sur deux étages dans la cour avant impliquera l’acquisition de deux résidences, discussion qui est en cours présentement avec les propriétaires ».

C’est dans ce même courriel qu’il est question pour la première fois d’un édifice de neuf étages. M. Cooke annonce à M. Ruest-Gagné que le projet comportera finalement trois étages commerciaux et six étages résidentiels pour 126 logements et une superficie totale de 80 000 pi2.

Au moment de ce courriel, les résident·es étaient encore en mesure de contester le PPU, mais les changements n’ont été dévoilés que le 1er juin avec la publication des avis de démolition.

Les résultats des appels d’offres du CLSC sont rendus publics le 15 juillet 2022. Le plus bas soumissionnaire a été écarté, car sa proposition a été jugée non conforme. Le CISSS du Bas-Saint-Laurent n’a pas voulu nous donner les raisons qui ont motivé cette décision.

Le premier ayant été écarté, il reste trois soumissionnaires. Le Complexe Santé Rivière-du-Loup de Medway est le prochain soumissionnaire en lice, car il a proposé le deuxième prix le plus bas.

La décision finale pour savoir où sera logé le CLSC n’a pas encore été prise. Selon Gilles Turmel, porte-parole du CISSS du Bas-Saint-Laurent, le ministère de la Santé « a presque complété son analyse ».

Il ne faut pas attendre les projets pour contester

Pierre Landry, un résident de la rue Saint-Louis où se trouve le nouveau développement, organise une assemblée publique le 9 juin 2022 pour informer la population et susciter une mobilisation pour faire annuler ces démolitions.

« Qu’est-ce que ça fait un PPU ? Ça suspend l’approbation référendaire. »

Danielle Pilette

Mais, comme on l’a vu, le PPU est alors adopté et les avenues de contestation sont déjà bouchées. 

« Il ne faut pas attendre les projets » concrets pour contester un PPU, avertit Danielle Pilette. Si les personnes voulaient manifester une inquiétude, elles auraient dû le faire dès l’adoption du PPU, dit-elle.

« Qu’est-ce que ça fait un PPU ? Ça suspend l’approbation référendaire », explique la professeure à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM. C’est-à-dire que dans un endroit où il n’y a pas de PPU, les propriétaires qui veulent contester un projet de développement peuvent demander la tenue d’un registre et, si celui-ci obtient assez de signatures, un référendum sur le projet doit avoir lieu.

« Quand [un] conseil municipal voit qu’il y a une demande de référendum et que le projet n’est pas populaire, souvent, le conseil va retirer le projet parce qu’il ne veut pas perdre le référendum, [ce serait] un désaveu pour les élus », explique Mme Pilette.

« Quand il y a un PPU, il n’y a plus ce risque-là. » Une fois le PPU adopté, qu’il y ait ou non un projet déjà sur la table, « le seul processus qui est requis [pour tout projet], c’est de procéder à la consultation », dit Danielle Pilette. La Ville et les promoteurs ont le champ libre, pourvu que le projet respecte les règles définies par le PPU.

« La consultation, il faut en tenir compte », explique Danielle Pilette. Chaque projet fait l’objet d’un processus de consultation et celui-ci peuvent être influent, mais n’est pas contraignant comme l’est un référendum.

Ces procédures complexes sont importantes à connaître, puisque comme l’explique Mme Pilette, « actuellement, toutes les villes, particulièrement les villes-centres, les capitales régionales, adoptent des PPU ».

« Ce qu’il faut bien voir », dit Danielle Pilette, « c’est qu’après que le PPU a été adopté, le projet, s’il est conforme au PPU, [il] devient autant le projet de la municipalité que du promoteur. »

« La municipalité a adopté le PPU, elle a adopté l’encadrement. C’est bien difficile pour elle de dire “ j’ai eu tort d’adopter cet encadrement-là ”. Donc, c’est une spirale qui tourne en faveur du projet. C’est pour cela qu’il faut se prononcer dès le PPU et imaginer [tous les projets possibles qui peuvent être] conformes à cela. »

La Ville optimise le calendrier des démolitions

Bien que la Ville soit obligée de mener un processus de consultation sur le projet spécifique du Complexe santé, les communications entre l’administration municipale de Rivière-du-Loup et le promoteur Medway semblent démontrer que cette « consultation » n’est qu’une série de cases à cocher.

Dans un courriel daté du 8 juillet 2022, Thomas Ruest-Gagné fait parvenir à Robert Cooke un calendrier contenant « toutes les étapes pour se rendre au permis de construction ». Ce calendrier doit encore être revu par l’équipe de la Ville pour « tenter de l’optimiser ».

La maison patrimoniale est déménagée. Photo : Sam Harper

Les seuls facteurs qui pourraient influencer ce calendrier de démolition et de construction, selon M. Ruest-Gagné, sont « les possibilités réelles de rassembler les comités aux dates indiquées ». Les résultats des consultations publiques ne sont pas évoqués.

La Ville surveille l’opposition

La Ville tient le promoteur au courant du mouvement d’opposition au projet. Quelques jours avant l’assemblée citoyenne du 9 juin, le directeur général de la Ville Denis Lagacé écrit à Robert Cooke pour l’informer que « selon [ses] sources la rencontre aurait lieu à l’auditorium du [Collège Notre-Dame] ». 

Lorsque le média local La Rumeur du Loup publie un éditorial au début juillet qui traite du projet Medway, le directeur des communications de la Ville Pascal Tremblay en envoie une copie à M. Cooke avec la mention suivante :

« Je porte à votre attention cet éditorial dans le périodique La Rumeur du Loup, sorti aujourd’hui. Mme [Marie-Amélie] Dubé, qui le signe, fait partie du groupe d’opposants connus. »

Des consultations autour du projet Medway, il y en aura plusieurs.

Le 22 juin 2022 se tient l’audition publique concernant la démolition du magasin de meubles au 35 rue Saint-Louis, à laquelle assistent une trentaine de personnes.

Tous et toutes ne sont bien sûr pas opposé·es au projet. En réponse à la pétition des opposant·es, un conseiller municipal en lance une en faveur du projet. Elle sera reprise par un homme d’affaires du centre-ville.

Le 4 juillet, la Ville étend le territoire auquel s’applique le PPU aux deux lots supplémentaires dont a besoin le Complexe Santé Rivière-du-Loup. 

Le 3 août 2022, c’est au tour de la question de la démolition du 27-29 rue Saint-Louis et du déménagement du 31-33 rue Saint-Louis de faire l’objet d’une audition publique. Plusieurs opposant·es font entendre leur mécontentement.

Par la suite, des audiences supplémentaires seront tenues après que des citoyen·nes aient fait appel de la décision positive du comité de démolition.

Ces audiences n’auront pas d’influence sur le projet.

Le recours au référendum ayant été écarté par le PPU, l’opposition n’a pas pu bloquer les travaux.

L’excavation est en cours. Photo : Sam Harper

Le 17 octobre 2022, la démolition du magasin de meuble est entamée. Avant la fin de l’année 2022, le 27-29 est démoli, le 31-33 est déménagé et la construction du Complexe santé a débuté.

Nous aurions aimé parler avec les responsables de la Ville de Rivière-du-Loup. Malheureusement, le directeur des communications, Pascal Tremblay, a décliné notre demande d’entrevue, affirmant que « de notre point de vue, ce dossier est réputé clos compte tenu du fait que les permis ont été émis et que le chantier est débuté ».

Le groupe Medway, par la voix de l’agence de communication TACT, nous a répondu que l’entreprise « n’accordera pas d’entrevue ».

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