Mardi, le Secrétaire général de l’ONU et son groupe d’expert·es ont présenté un nouveau rapport visant à encadrer les promesses « zéro émission nette » des entreprises, afin de freiner le phénomène d’écoblanchiment qui nuit à la lutte contre la crise climatique. Le rapport somme les entreprises qui se disent carboneutres de désinvestir les énergies fossiles, d’abandonner les projets liés à la déforestation et de réduire plutôt que de compenser leurs émissions de GES.
Le rapport a été présenté dans le cadre de la 27e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, qui a lieu à Charm el-Cheikh en Égypte du 6 au 18 novembre.
« Un nombre croissant de gouvernements et d’acteurs non étatiques s’engagent à être sans carbone – et c’est évidemment une bonne nouvelle. Le problème, c’est que les critères et les points de référence pour ces engagements “net zéro” ont des niveaux de rigueur variables et des lacunes suffisamment larges pour faire passer un camion diesel », a déclaré le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres.
Le rapport vise à servir de guide pratique, proposant des balises claires aux entreprises et autres acteurs non étatiques pour viser sérieusement la réduction à zéro de leurs émissions de gaz à effet de serre. Il s’adresse aussi aux États, qui pourront envisager une réglementation pour encadrer les entreprises selon les principes mis de l’avant par l’ONU.
D’engagements volontaires à exigences balisées
Les engagements net zéro sont actuellement basés uniquement sur des pratiques volontaires. L’ONU recommande des critères plus stricts pour encadrer ces engagements.
« Pour accélérer de toute urgence une transition énergétique juste, la signification de zéro net doit être claire. »
Natalie Jones, Institut international du développement durable
Le rapport recommande notamment que dès le premier trimestre de 2023, les entreprises explicitent comment elles réviseront leurs normes pour respecter les standards du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), visant à limiter le réchauffement climatique à 1,5 oC. Les entreprises sont incitées à faire preuve de transparence en démontrant publiquement leur plan de transition, clair et détaillé, avec des cibles d’émissions pour 2025, 2030 et 2035.
Les entreprises, les investisseurs de même que les villes qui veulent se déclarer net zéro ou carboneutres devraient également pouvoir répondre à des critères de crédibilité de base. Parmi ceux-ci, l’interdiction d’investir ou de développer des projets dans le secteur des énergies fossiles ou impliquant la déforestation. Les entreprises devraient également être tenues de réduire leurs émissions au sein de leur chaîne d’approvisionnement.
L’ONU souhaite également éliminer le lobbying qui nuit aux politiques climatiques, jugé incompatible avec les prétentions net zéro.
« Il reste à voir si les gouvernements et le secteur privé suivront [les recommandations]. »
Caroline Lee, Institut climatique du Canada
Un message clair aux entreprises
Le rapport de l’ONU envoie un message clair, croit Natalie Jones, conseillère politique à l’Institut international du développement durable : les grandes entreprises qui prétendent être sur la voie du zéro net doivent rendre des comptes sur leurs investissements.
« Pour accélérer de toute urgence une transition énergétique juste, la signification de zéro net doit être claire. Avec ces recommandations, le groupe indique une tolérance zéro pour l’écoblanchiment. »
L’Institut climatique du Canada envisage également d’un bon œil les lignes directrices proposées par l’ONU, mais rappelle qu’il ne s’agit que de recommandations. « Il reste à voir si les gouvernements et le secteur privé les suivront », commente Caroline Lee, cheffe de projet de recherche – Atténuation pour l’Institut.
Resserrer les restrictions étatiques du Canada
Les initiatives pour contrer l’écoblanchiment se sont d’ailleurs multipliées au Canada dans les dernières années. En septembre dernier, le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) faisait paraître un rapport sur l’état de l’écoblanchiment au Canada, proposant aux décideur·ses politiques un plus grand encadrement.
Le rapport s’adresse aussi aux États, pour encadrer les entreprises selon les principes de l’ONU.
Julien O. Beaulieu, auteur principal du rapport et avocat en droit de la concurrence, dit accueillir « très favorablement » les limitations mises de l’avant par l’ONU.
Il souligne d’ailleurs la recommandation du rapport qui encourage les États et organisations à développer des règles obligatoires en matière de cibles net zéro. « Cette recommandation est alignée avec celles du CQDE sur l’écoblanchiment climatique : nous militons en faveur d’une réforme des lois canadiennes en matière de protection des consommateurs afin de mieux encadrer les déclarations climatiques, incluant les cibles net zéro », explique l’avocat.
« La réforme actuelle de la Loi sur la concurrence au niveau fédéral serait l’occasion idéale de le faire et de mettre en application les recommandations du rapport » de l’ONU.