
Maisons « abordables » : pas pour les ménages les plus démunis, critiquent les organismes
Pour les acteurs du milieu du logement, l’accès à la propriété de la classe moyenne n’est pas la priorité pour répondre à la crise actuelle du logement.
Les maisons « abordables » excluent les besoins des ménages les plus précaires, qui ne pourront toujours pas se les payer, déplorent les groupes communautaires en logement. À la place, ils réclament un investissement dans le logement locatif social.
10 000 propriétés abordables, « sans risques et sans surenchère », lors d’un premier mandat : c’est pourtant la promesse annoncée le 5 septembre dernier par Québec solidaire (QS) dans le cadre de son plan « pour régler la crise du logement ».
Plus tôt cette semaine, les libéraux ont aussi annoncé qu’ils comptaient supprimer la « taxe de bienvenue » à l’achat d’une propriété, pour les premier·ères acheteur·euses.
Se loger, plus pressant que d’acheter un condo
La création de maisons et de condos abordables envisagée par QS vise à développer un nouveau modèle d’accès à la propriété, mais sans répondre aux besoins urgents des ménages qui peinent à tout simplement se trouver un toit, critique la porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) Véronique Laflamme.
« L’accès à la propriété n’est pas un objectif atteignable pour tout le monde, car certaines personnes resteront toujours locataires », explique Cédric Dussault, porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ).
Au Québec, 244 000 ménages ont des besoins impérieux de logement, selon Statistique Canada.
Véronique Laflamme y voit un détournement du problème : « Il y a un amalgame qui est fait entre la crise du logement et le problème de l’accès à la propriété », alors que ce sont deux choses bien différentes.
« Au lieu d’affronter le problème, ces propositions le contournent », proteste aussi Cédric Dussault.
Le plan de Québec solidaire propose des propriétés à un prix 25 % inférieur à celui du marché. Quant à la taxe de bienvenue que le Parti libéral veut faire économiser aux premier·ères acheteur·euses, elle ne représente habituellement qu’entre 0,5 % et 3 % de la valeur de la propriété, selon son prix et la municipalité où elle se trouve.
Or, même avec ces petites ou grandes économies, le coût d’une maison reste inabordable pour les ménages les plus précaires qui « n’ont aucune chance d’accéder à la propriété », explique Véronique Laflamme. Le prix moyen des maisons au Québec s’établit à 400 000 $ : même avec une économie de 25 %, à 300 000 $, cela reste inaccessible pour de très nombreuses personnes, remarque Francis Dolan, du Regroupement Information Logement.
« Si on ne pense pas d’abord aux personnes vulnérables, c’est scandaleux d’envoyer dans les poches du privé de l’argent qui devrait d’abord aller dans le logement social », critique aussi Cédric Dussault.
« On est déçus » que le problème du logement « soit encore une fois vu sous l’angle de ce qui peut profiter à la classe moyenne, car c’est plus pérenne électoralement », ajoute-t-il.
Besoin de logement social
Selon les groupes interrogés, la solution pour loger les ménages moins nantis passe plutôt par la création de logements sociaux, c’est-à-dire des appartements qui n’appartiennent pas à des propriétaires privés (coopératives, OSBL, HLM, etc.). Ceux-ci échappent à la spéculation et peuvent parfois fixer les loyers en fonction des revenus dont disposent réellement les ménages.
Francis Dolan précise que les logements locatifs dits « abordables », c’est-à-dire privés, mais dont le loyer, basé sur les prix du marché, est légèrement réduit, ne sont pas suffisants.
« Le logement “abordable”, c’est de la poudre aux yeux », déplore-t-il.
« Quand on parle de logement “social et abordable”, il faut oublier le côté “abordable”, car ce sont des logements qui sont par définition non abordables pour les ménages locataires des quartiers populaires. »
Si le logement dit abordable ne l’est pas pour tous, alors « il faut développer du logement social qui permet aux familles à faible revenu de se loger convenablement », prône Francis Dolan.
Jeudi, Québec solidaire a promis 50 000 logements sociaux, dont la moitié réalisés lors d’un premier mandat grâce à une enveloppe de 3,2 milliards $. Le Parti libéral vise 50 000 logements sociaux d’ici dix ans.
Un chiffre qui répondrait plutôt aux besoins pour les cinq ans à venir, selon le Regroupement Information Logement et le FRAPRU.
De son côté, s’il est réélu le 3 octobre prochain, le gouvernement Legault a promis 11 000 logements sociaux et abordables en quatre ans, mais n’a pas chiffré le nombre de logements sociaux dans cette proposition. « La CAQ a toujours promis des logements sociaux, mais en a très peu développé », constate Francis Dolan.