Le Collège des médecins invité à cesser de limiter l’accès à l’avortement par médicament

Un comité pour la défense du droit à l’avortement demande à l’ordre professionnel de rendre plus accessible la prescription de la « pilule abortive » au Québec.

Le Collège des médecins (CMQ) maintient des règles restrictives qui limitent l’accès à l’avortement par médicament au Québec, selon le Comité de veille en avortement du Québec. Le comité demande au CMQ de revoir les règles entourant la prescription de cette option thérapeutique.

« On est tannées! » nous dit la co-coordonnatrice de la Fédération du Québec pour le planning des naissances (FQPN), Jessica Legault. « Ça fait longtemps qu’on interpelle le Collège des médecins, sans réponse », explique-t-elle. C’est pour cette raison que le comité, coordonné par la FQPN, a décidé de relancer une nouvelle fois l’ordre des médecins.

Il demande au Collège de ne plus obliger l’échographie pour avoir accès à la pilule abortive. Le comité souhaite aussi que le CMQ permette à davantage de médecins et d’infirmières praticiennes spécialisées (IPS) de prescrire ce traitement.

L’avortement par médicament permet l’interruption de la grossesse à domicile, sans intervention chirurgicale. Cette option peut être utilisée au Canada jusqu’à la neuvième semaine de grossesse.

Des exigences plus sévères au Québec

Le Collège des médecins maintient l’obligation de faire faire une échographie avant d’effectuer un avortement par médicament. De plus, il oblige les médecins et IPS qui veulent le pratiquer à suivre une formation complète en avortement médical et chirurgical. Une telle formation implique de mettre de côté son travail pour suivre des stages. Ceux et celles qui travaillent déjà en clinique d’avortement sont encouragé·es à suivre une formation, mais celle-ci n’est pas obligatoire.

En 2019, Santé Canada a levé l’obligation de faire une échographie pour déterminer le nombre de semaines de la grossesse avant de prescrire ce traitement. On peut lire sur le site de Santé Canada que cette « modification répond aussi aux préoccupations selon lesquelles certaines personnes souhaitant avoir accès au produit ont pu faire face à des obstacles ou à des retards inutiles ». 

Des étapes qui réduisent l’accessibilité

Les problèmes d’accès aux services d’interruption de grossesse sont une réalité au Québec, explique Jessica Legault. « Une pierre angulaire de ce problème, ce sont les restrictions mises en place par le Collège des médecins », ajoute-t-elle.

En effet, comme l’avortement par médicament n’est indiqué que jusqu’à la neuvième semaine, les étapes supplémentaires et les délais associés nuisent à son accessibilité. Dans certaines régions, le délai pour obtenir un rendez-vous en clinique d’avortement peut prendre jusqu’à quatre semaines. Les délais pour une échographie peuvent également être longs dans certaines régions.

« On veut que chaque femme qui veut interrompre sa grossesse ait le choix entre l’avortement par médicament ou chirurgical », déclare la porte-parole de la FQPN.

Un rapport de recherche publié en 2019 par la Dre Edith Guilbert et son équipe met en lumière les difficultés vécues par les médecins voulant prescrire l’avortement par médicament. On peut y lire que « les normes de pratique sont considérées comme confuses et exagérées » par les médecins de famille et gynécologues consulté·es. À leurs yeux, les normes du CMQ « ne suivaient ni l’évolution de l’acceptation sociale de l’accès aux services d’avortement, ni la libéralisation progressive de l’avortement, ni l’évolution des pratiques médicales et de la formation médicale, ni les données scientifiques ».

Par ailleurs, une étude publiée dans la revue Family Practice en 2021 démontrait que la transition vers la télémédecine pour l’avortement par médicament s’était faite rapidement au début de la pandémie partout au Canada, à l’exception du Québec.

L’avortement par médicament est un traitement qui combine deux médicaments : le mifepristone et le misoprostol. Ceux-ci sont pris à 24 heures d’intervalle. Le premier bloque les effets de la progestérone, l’hormone nécessaire pour que la grossesse se poursuive. Le deuxième est un médicament provoquant des contractions utérines.

L’avortement par médicament est pratiqué en France depuis 1988 et a été approuvé aux États-Unis en 2000. Cette méthode que l’on nomme communément la « pilule abortive » a été approuvée par Santé Canada en 2015. Elle est devenue progressivement disponible au Canada en 2017 et l’année suivante au Québec. Cette alternative n’est pas accessible partout. En avril 2020 au Québec, 35 cliniques sur 49 (soit 71 %) l’offraient, selon les données de la FQPN.

Le Collège des médecins du Québec n’a pas donné suite à notre demande d’entrevue.

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