Qu’on les adore ou qu’on adore les détester, les téléréalités jouissent d’une popularité qui ne se dément pas au Québec. Dans les dernières années, on a vu autant des nouvelles propositions que certaines remises à jour de concepts des années 2000 comme Occupation Double ou Star Académie. Un constat s’impose : la recherche de l’amour fascine les publics. Même en ce qui concerne les téléréalités axées sur la compétence, les ruptures et relations présumées entre certain·es participant·es ont récemment fait couler beaucoup d’encre.
Une téléréalité centrée sur la quête amoureuse continue toutefois à se démarquer de belle manière. Non seulement L’Amour est dans le pré est la téléréalité qui bat tous les records en termes de couples durables, mais elle se démarque également par son format qui appelle des stratégies différentes pour les participants et participantes.
Pas de compétition
En plein énième confinement, j’ai ressenti un sentiment immédiat d’apaisement devant cette quête à l’amour sur fond de champs de blé et de mugissements de veaux naissants. Dans L’Amour est dans le pré, diffusée sur Noovo, aucune compétition pour obtenir un prix grandiose. Ce que remportent les participant·es, c’est avant tout la vie à deux. Pas non plus d’épisodes sur une base quotidienne, ni de galas à grand déploiement les fins de semaine : le rythme de diffusion se fait plus modéré, à raison d’un seul épisode par semaine.
Le visionnement de cet unique épisode hebdomadaire est vite devenu mon rendez-vous-douceur : la quête amoureuse des agriculteurs et agricultrices ne table pas sur le suspense. À L’Amour est dans le pré, on prend son temps.
Pour une normalisation de la validation du consentement
Ma plus agréable surprise fut sans doute celle de voir apparaître sur nos écrans une forme de normalisation de la demande du consentement romantique.
Dans la foulée du mouvement #MeToo et des récentes dénonciations d’agressions et d’inconduites sexuelles, on a vu paraître certains discours de séducteurs dépités se demandant comment séduire sans devenir protocolaire. Un agriculteur et son soupirant en ont fait, cet hiver à l’ADLP, une démonstration on ne peut plus naturelle. « J’ai le goût de t’embrasser » – « Moi aussi ». Pas plus compliqué que ça.
À heure de grande écoute, dans cette émission de télévision chérie de l’auditoire québécois, on a démontré que le consentement amoureux peut être spontané et devrait s’intégrer sans problème au jeu de la séduction.
Même son de cloche du côté d’une agricultrice qui a finalement renié le candidat vers lequel se portait sa préférence initiale, après qu’il lui ait massé les épaules sans lui demander son accord. Il est rassurant de voir que la télévision populaire commence à illustrer que les rapprochements physiques non-sollicités peuvent avoir un effet repoussant, alors que la validation du consentement devient plus sexy.
L’importance du choix
L’Amour est dans le pré a célébré ses dix ans cette année, et on a diffusé pour l’occasion un épisode rétrospectif avec des candidat·es de saisons précédentes. Interrogés sur leur perception de leur aventure, les couples plus âgés des récentes saisons ont soulevé un enjeu primordial des rouages de la production : si on peut avoir l’impression que ce sont les agriculteurs et agricultrices qui détiennent tout le pouvoir décisionnel, il ne faut pas oublier que ce sont d’abord les soupirant·es qui ont le privilège du premier choix en postulant à l’affichage des agriculteurs et agricultrices.
À la toute fin de la saison, alors que plusieurs concurrents et concurrentes de séries télévisées de séduction mettent en scène un amour factice jusqu’à la fin des tournages pour améliorer leurs chances de remporter le grand prix (et l’affection du public), la stratégie diffère sur les fermes. Le respect du choix prévaut sur le sensationnalisme dans L’Amour est dans le pré, ce qui ne sacrifie pas pour autant les revirements de situation croustillants.
Dans la plus récente saison, on a par exemple choisi d’annoncer dans les toutes dernières minutes de l’épisode final que Marika avait finalement mis fin à sa relation, après une fervente déclaration d’amour éternel. La production a préféré l’honnêteté des sentiments à la représentation d’une image parfaite dont le vernis aurait sans doute craqué après la diffusion des derniers épisodes.
Force est d’avouer que l’on voit poindre sur le petit écran certaines étincelles d’un renouvellement des représentations des couples et de la séduction. Chez les participant·es de L’Amour est dans le pré, on encourage à développer la compétence de charmer en considérant les limites de l’autre, de s’engager tout en respectant les choix de son partenaire. Si le grand public continue d’être conquis par L’Amour est dans le pré après dix saisons, c’est sans doute que la téléréalité, comme l’illustre son traitement du consentement romantique, sait briser la routine en tout respect de son auditoire.