Pourquoi mon logement me coûte-t-il toujours (beaucoup) plus cher?

Si les loyers grimpent plus vite que l’inflation, c’est que les gros joueurs du marché immobilier doivent impérativement faire gonfler la valeur de leurs actifs.

La récente annonce du Tribunal administratif du logement (TAL) concernant les hausses de loyer records à prévoir en 2025 a fait grandement réagir dans les derniers jours. Le prix des loyers monte à une vitesse folle, plus encore que le reste du coût de la vie : comment expliquer cela?

Des hausses plus fortes que l’inflation

Ce n’est plus une surprise pour personne, le prix des loyers monte en flèche depuis plusieurs années déjà. Sur le terrain, les hausses constatées dépassent largement celles suggérées par le TAL, année après année.

D’un point de vue statistique, la hausse moyenne des coûts de loyer dépasse constamment l’inflation. Alors qu’en 2023, l’inflation avait atteint les 3,9 %, les loyers avaient augmenté en moyenne de 8 % au Canada. Puis, en 2024, l’inflation s’élevait à 2,4 %, avec des coûts de logement qui ont grimpé de 5,4 % en moyenne, selon le dernier rapport de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL).

On n’a donc pas simplement affaire à d’honnêtes petits propriétaires qui ajustent les prix de leurs logements pour éponger l’augmentation de leurs dépenses et faire face à la hausse du coût de la vie.

L’écart entre l’inflation et la hausse des coûts de loyer représente la prise de valeur de l’immobilier résidentiel locatif au Canada. On est en droit de se demander à qui profite cette constante prise de valeur de l’immobilier locatif, un secteur dont l’unique entrée d’argent provient des liquidités soutirées aux locataires.

Financiarisation et course aux profits

La réponse parait simple : tout cela profite aux propriétaires qui possèdent et louent des logements. Cependant, la réalité est un peu plus compliquée : selon plusieurs rapports colligés par la Commission canadienne des droits de la personne, de plus en plus de logements sont loués par de grandes compagnies et des fonds d’investissement.

On peut notamment penser à CapREIT, qui détient plus de 48 000 logements au pays, et InterRent, possédant quant à lui plus de 13 000 logements à travers le Canada.

C’est d’autant plus inquiétant que les plus fortes hausses de loyer et évictions forcées ont lieu dans les immeubles récemment acquis par ces mêmes compagnies et fonds. Ils offrent des options d’investissement pouvant atteindre d’importants rendements en fonction des hausses de loyer imposées aux locataires.

En effet, l’implication des fonds d’investissement dans le marché du logement locatif implique un impératif de prise de valeur constante de l’immobilier. Pour que cette prise de valeur se fasse, les loyers doivent obligatoirement monter. De manière bien plus importante que l’inflation, bien entendu.

Les fonds d’investissement ont donc intérêt, au bout du compte, à ce que l’immobilier prenne de la valeur et par conséquent à ce que les loyers explosent.

La valorisation des régimes de retraite des syndiqué·es se fait sur le dos de hausses de loyer qui, dans plusieurs cas, les impactent directement.

Plus encore, la pénurie de logements, par raréfaction de l’offre locative dans un contexte de forte demande, sert à ces mêmes investisseurs. Ceux-ci favoriseront la construction de logements… tant et aussi longtemps que l’offre ne dépasse pas la demande, ce qui ferait diminuer la rentabilité de leurs investissements.

Suivant cette logique rentière, on nous maintient dans une situation de pénurie perpétuelle.

La financiarisation du logement, qui transforme nos logements en biens financiers spéculatifs, a défini dans les dernières années la stratégie financière de la SCHL. En effet, depuis maintenant plus de 20 ans, les hypothèques des Canadien·nes sont transformées en titres pouvant être échangés sur les marchés boursiers. Aujourd’hui, on vise même à inscrire ces titres dans des chaînes de bloc (blockchains).

Il est hors de tout doute que nous avons, à la fois par ces nouvelles mesures de titrisation ainsi que par l’implication de plus en plus grande des fonds d’investissement, financiarisé l’un des biens les plus essentiels : nos logements.

Se tirer dans le pied

La marchandisation de nos logements apporte une contradiction majeure. La prise de valeur de nos logements implique des violences contre les locataires, menant à la précarisation de vastes pans de la société et à un risque d’itinérance qui touche de plus en plus de gens.

Ainsi, l’implication grandissante de fonds d’investissement syndicaux comme le Fonds immobilier de solidarité de la FTQ – qui, dans les dernières années, a été fortement engagé dans le développement des condos de luxe et des logements hors de prix du promoteur immobilier Devimco – met les syndiqué·es voulant cotiser pour leur retraite dans une situation de contradiction. La valorisation de leurs régimes de retraite se fait sur le dos de hausses de loyer qui, dans plusieurs cas, les impactent directement.

S’il est de plus en plus difficile de se loger au Québec, c’est particulièrement dû à cette logique financière à laquelle plusieurs participent, souvent sans le savoir. Nos retraites sont financées par la même lame qui sabre dans nos conditions de vie.

Démarchandiser le logement doit devenir notre cible commune et, pour ce faire, nous devons focaliser les investissements en immobilier en dehors du marché spéculatif, de la course aux profits et des Devimco de ce monde.

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