
Les gens qui ont des parents bien nantis ont beaucoup plus de chance que les autres d’être eux-mêmes bien nantis. C’est ce qui se dégage d’une récente étude qui met en lumière le recul de la mobilité sociale au Canada ainsi que l’inégalité des chances face à la richesse.
Le facteur qui a le plus d’incidence sur les chances d’une personne de faire partie du 10 % des Canadien·nes ayant le plus haut niveau de revenu après impôt est de savoir si elle a ou non des parents qui font eux-mêmes partie de ce groupe sélect, selon une nouvelle étude publiée par l’Observatoire québécois des inégalités.
En effet, à l’échelle canadienne, les personnes nées de parents bien nantis ont 6,5 fois plus de chance que le reste de la population d’atteindre ce même statut de richesse. Au Québec, les enfants dans la même situation ont 5,8 fois plus de chance de devenir bien nantis.
Qui plus est, l’avantage détenu par ces personnes s’est accentué avec le temps, souligne Mamadou Diallo, auteur du rapport. Entre 2000 et 2020, la proportion des personnes riches nées de familles riches a augmenté d’environ 6 points de pourcentage au Québec et de 3,5 points au Canada.
« Ça témoigne d’une baisse marquée de la mobilité intergénérationnelle. Les personnes venant de familles plus modestes ont de la difficulté à devenir mieux nanties, et les mieux nanties ont plus de facilité à maintenir ce statut », explique-t-il.
Ce phénomène ne s’expliquerait pas seulement par la capacité financière, mais aussi par le réseau et les chances dont ces personnes disposent, qui diffère de ceux du reste de la population, remarque le chercheur.
« Les personnes venant de familles plus modestes ont de la difficulté à devenir mieux nanties, et les mieux nanties ont plus de facilité à maintenir ce statut. »
Mamadou Diallo
L’étude définit une personne mieux nantie comme celles appartenant à la tranche du 10 % de la population ayant les plus hauts revenus après impôt et subventions gouvernementales, en incluant les gains en capital.
Ce groupe a vu son niveau de revenu moyen augmenter rapidement depuis 20 ans. Au Canada, il est passé de 86 600 $ en 2020 à 149 500 $ en 2020. Au Québec, le revenu net moyen des plus riches a augmenté de 69 200 $ à 126 300 $ durant la même période.
Ces montants dépassent de beaucoup le revenu moyen de l’ensemble de la population tant en 2000 (25 900 $ au Canada et 22 800 $ au Québec) qu’en 2020 (48 400 $ au Canada et 44 400 $ au Québec).
Un club qui contient peu de femmes, de parents et d’immigrants
En plus de la richesse des parents, d’autres facteurs viennent jouer un rôle significatif sur les chances des individus de se hisser parmi les plus riches, selon l’étude.
Le genre y joue toujours pour beaucoup, puisqu’en 2020 au Québec, 37,7 % seulement des mieux nanti·es était des femmes et 35,2 % de Canadiennes faisaient partie du groupe. L’étude montre toutefois que la situation s’améliore tranquillement, alors que seulement 27 % des Québécoises et 28 % des Canadiennes étaient du club des 10 % en 2020. « On est toutefois encore bien loin de la parité », remarque Mamadou Diallo.
Les personnes avec un statut d’immigrant ont également moins de chance que le reste de la population (-26,6 % au Québec et -21,1 % au Canada) d’avoir un revenu suffisant pour faire partie du groupe. À noter que les personnes immigrantes avaient historiquement beaucoup moins de chance d’atteindre ce niveau de revenu au Québec qu’au Canada, mais que la Belle Province a rapidement rattrapé les seuils canadiens depuis 2012.
« On est toutefois encore bien loin de la parité. »
Mamadou Diallo
Cette situation pourrait bien être attribuable à des changements de politiques publiques à l’égard de la sélection des personnes immigrantes qui favoriseraient les candidat·es plus en moyen – ce que l’étude ne permet toutefois pas de confirmer, prévient Mamadou Diallo. « Cette étude utilise environ 100 millions d’observations : avec ce type d’analyse, on peut voir bien des choses, mais on ne peut tout simplement pas lier des événements comme des changements de politiques à nos observations », prévient-il.
Par ailleurs, le fait d’avoir un enfant de moins de 18 ans réduit aussi considérablement les chances d’avoir un revenu parmi les 10 % les plus élevés. Avoir un enfant réduit les chances de faire partie de ce groupe de 8,7 % au Canada, mais de seulement 2,3 % au Québec. Fait étonnant, ces chances s’améliorent avec un deuxième enfant au Canada (-7,8 %). Et au Québec, les personnes avec deux enfants ont même plus de chances que la moyenne d’être parmi les plus nanties (+2,8 %).
L’étude établit également que la scolarisation, ou encore le fait d’habiter en ville ou dans certaines régions du Canada sont des éléments qui augmentent les chances de faire partie du groupe sélect des 10 % les plus riches.
Correction : 2024-11-13 Une version précédente de cet article suggérait que les québécois·es né·es de parents appartenant à la classe des mieux nantis avaient 5,8% de chance d’être mieux nantis alors qu’il s’agit de 5,8 fois plus de chances.



