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L’assurance-emploi échappe aux personnes qui en ont le plus besoin

Des groupes de défense des chômeur·euses demandent au gouvernement Trudeau de tenir sa promesse de réformer l’assurance-emploi.

Un rassemblement d’organismes de défense des droits des chômeur·euses s’est présenté à la Chambre de communes pour dénoncer les failles du système d’assurance-emploi. Celui-ci serait discriminatoire, obsolète et inutilement complexe en plus de contribuer à creuser les inégalités aux pays, selon les organismes qui appellent à sa réforme.

Les travailleur·euses canadien·nes qui sont déjà dans les situations les plus précaires sont généralement parmi les personnes qui ont le plus de difficultés à se prévaloir de l’assurance-emploi lorsqu’elles perdent leur travail. C’est ce qui ressort du Dossier noir de l’assurance-chômage présenté aux élu·es d’Ottawa aujourd’hui par le Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (MASSE).

Porté par les histoires vécues de personnes qui ont eu recours à l’aide des organismes du MASSE pour faire valoir leurs droits, le dossier fait ressortir toute la complexité du système d’assurance-emploi, qui est très difficile à naviguer dès lors que notre situation est légèrement irrégulière.

« Plusieurs juges ont souligné que l’assurance-emploi est l’une des lois les plus complexes au pays. Il y a même beaucoup d’agents de Service Canada qui ont de la difficulté à en comprendre toutes les exceptions », remarque Roxane Bélisle, co-coordonnatrice du MASSE.

Un programme qui cherche à exclure            

Une grande partie de la complexité du programme découle du principe d’exclusion qui prévaut lorsqu’une personne quitte d’elle-même son emploi.

D’emblée, elle est exclue du programme et ne pourra pas toucher de prestation, à moins qu’elle puisse démontrer que son départ était légitime au sens de la loi. Une légitimité qui peut parfois être très laborieuse à prouver, si bien que de nombreuses personnes peuvent attendre leurs prestations pendant des mois pendant que les fonctionnaires traitent leur dossier.

De plus, rappelle le Dossier noir, de nombreux cas légitimes sont difficiles à prouver par la suite. C’est le cas par exemple lorsqu’un·e travailleur·euse quitte son emploi parce qu’elle y subit de la discrimination ou du racisme, si bien que de nombreuses personnes qui devraient avoir droit à de l’aide n’y auront jamais accès.

Une situation qui vient doublement pénaliser les travailleur·euses racisé·es, qui sont plus susceptibles de rencontrer ce type de problèmes au travail, mais qui de surcroît ont généralement plus de difficulté à se retrouver un emploi et dépendent donc d’autant plus des protections offertes par l’assurance-emploi, rappelle le MASSE.

« Il y a même beaucoup d’agents de Service Canada qui ont de la difficulté à en comprendre toutes les exceptions »

Roxane Bélisle

C’est pourquoi le rassemblement appelle le gouvernement à éliminer cette exclusion, une mesure qui viendrait réduire les frais de fonctionnement du programme d’assurance-emploi en plus d’éliminer des injustices, rappelle Roxane Bélisle.

« En plus, il y a des précédents : pendant la pandémie, le programme a été grandement simplifié, et ça a très bien fonctionné », rappelle-t-elle. Aussi, jusqu’à ce que l’assurance-chômage soit réformée pour devenir l’assurance-emploi en 1996, les gens qui quittaient leur emploi de leur propre chef étaient pénalisés, mais sans être totalement exclus du programme, rappelle le rapport.

Un programme qui discrimine les femmes…

L’assurance-emploi est aussi très mésadaptée à la réalité des travailleur·euses à temps partiel ainsi que des personnes occupant un travail saisonnier, selon le MASSE.

Selon les régions, il peut être très difficile de se qualifier pour le programme pour ces travailleur·euses, qui n’ont pas toujours la possibilité d’occuper des emplois à temps plein à l’année pour toutes sortes de raisons, prévient Roxane Bélisle. C’est notamment le cas de plusieurs mères monoparentales, des personnes proches aidantes ou d’aîné·es qui doivent travailler pour arriver à la fin du mois, mais qui n’ont plus l’énergie de s’investir à temps plein.

Du nombre, on compte majoritairement des femmes, qui doivent souvent occuper ce type de poste en raison d’obligations familiales.

De plus, les femmes sont majoritairement touchées par une disposition de la loi qui exclut les congés parentaux du calcul des heures de travail nécessaires pour toucher l’assurance-emploi, rappelle Roxane Bélisle. Ainsi, une femme qui perd son emploi vers la fin de son congé de maternité ou peu de temps après son retour risque de se retrouver sans support. Ce problème touche aussi les hommes, mais dans une bien moins grande proportion, selon le MASSE.

… et les étudiant·es

Les étudiant·es, qui occupent pour la plupart des emplois à temps partiel, sont aussi désavantagé·s par le programme, qui considère généralement que leurs études les empêchent de rechercher un emploi à temps plein, ce qui les disqualifie d’office du programme, et ce, même s’iels ont fait le nombre d’heures requis pour toucher les prestations, souligne le dossier.

Encore le temps d’agir

Le MASSE rappelle que la réforme de l’assurance-emploi est une promesse électorale de longue date des libéraux de Justin Trudeau. Le gouvernement a mené des consultations à ce sujet en 2021 et 2022, promettant d’« améliorer l’accès à l’assurance-emploi et simplifier les règles pour les travailleurs et les employeurs » et de « rendre l’assurance-emploi plus accessible à tous », mais n’a pas présenté de projet en ce sens par la suite.

« Bien sûr, on demande une réforme en profondeur de l’assurance-emploi, mais si le gouvernement Trudeau n’est pas en mesure de le faire en raison de la situation électorale, il peut minimalement régler plusieurs problèmes », insiste Roxane Bélisle.

Parmi les solutions simples, elle pointe l’abolition des exclusions totales. Le calcul des prestations d’assurance parentale dans le nombre d’heures de travail requises pour se qualifier, ainsi qu’une diminution générale du nombre d’heures requises pourraient aussi faire un bon bout de chemin pour rendre le programme plus équitable pour l’ensemble des contribuables canadien·nes, souligne le MASSE.

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