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Comprendre les conventions collectives du secteur public : les conditions de travail

Qu’est-ce qui va changer dans le travail quotidien des employé·es des services publics ?
Photo: Oona Barrett. Montage: Pivot

Au-delà des salaires, les syndiqué·es du secteur public demandaient toutes sortes de changements pour améliorer les conditions parfois difficiles dans lesquelles elles et ils doivent effectuer leur travail au quotidien. Voici certains changements obtenus en éducation et en santé.

Après plusieurs mois de négociations, différents syndicats de la fonction publique ont signé des ententes avec le gouvernement provincial pour renouveler leurs contrats de travail. Mais à quoi ressemblent-ils exactement ? Sont-ils satisfaisants pour les employé·es des services publics ? Pivot propose un tour d’horizon du contenu des ententes.

Les négociations du secteur public ont concerné à la fois les salaires, ainsi que des composantes reliées à l’organisation du travail et à la reconnaissance des différentes réalités des travailleur·euses des services publics.

Le Front commun, composé de 420 000 membres de la CSN, de la CSQ, de la FTQ et de l’APTS, a négocié à une table centrale au sujet principalement des salaires. Les conditions de travail, quant à elles, se sont négociées par secteur, en fonction des réalités des différents métiers.

Cet article se penche sur les changements aux conditions de travail, tandis que la rémunération et des avantages sociaux sont abordés dans cet autre texte.

Éducation : composition des classes, soutien aux élèves et allègement de la tâche

La Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ), membre du Front commun, avait la priorité de régler les problèmes liés à la composition des classes et à l’allègement de la tâche des 95 000 enseignant·es membres.

« Avec les années, la composition de classe, c’est-à-dire le type d’élèves qui composent les groupes, a beaucoup changé », explique Brigitte Bilodeau, vice-présidente de la FSE-CSQ.

« C’est dû à l’intégration massive des élèves en difficulté dans les classes régulières, sans que les ressources appuient ces difficultés-là. C’est aussi dû à l’école à trois vitesses », soit la division du système scolaire entre l’école privée, les programmes spéciaux et enfin l’école publique régulière où sont concentré·es les élèves ayant plus de difficulté.

Pour régler ce problème, il aurait fallu ouvrir de nouveaux groupes pour réduire le nombre d’élèves par classe, donc recruter plus d’enseignant·es et également fournir diverses ressources complémentaires pour soutenir les élèves en difficulté.

Toutefois, dans un contexte où il y a un grand manque d’enseignant·es dans le secteur, ces demandes étaient difficiles à obtenir de la part du gouvernement, explique Brigitte Bilodeau.

La FSE-CSQ a donc négocié une entente différente pour pallier les problèmes reliés à la composition de la classe. Le syndicat a plutôt obtenu une enveloppe de 74 millions $ qui pourra être utilisée par les centres de services scolaires et les comités pour les élèves en difficulté afin de mettre en place des mesures et des ressources.

D’autres mesures d’allègement ont également été octroyées pour les écoles primaires affiliées à la FSE-CSQ, comme l’obtention de 4000 aides à la classe ou l’ajout d’une heure de plus payée par semaine pour couvrir l’aide ou l’accompagnement des enfants dans leur quotidien à l’école (accompagner au secrétariat, aider à s’habiller, etc.).

La Fédération autonome de l’enseignement (FAE), qui représente plus de 66 500 enseignant·es principalement au primaire et au secondaire, a aussi réussi à négocier des éléments importants en matière de composition des classes ainsi que pour les enseignant·es des services d’accueil et du soutien à l’apprentissage du français.

En ce qui concerne la composition des classes, le syndicat faisait d’abord face à une fin de non-recevoir de la part du gouvernement, mais a finalement obtenu un mécanisme à cet effet, relate Mélanie Hubert, présidente de la FAE. Le « seuil de difficulté » par cohorte doit être de 60 % pour le primaire et de 50 % pour le secondaire pour obtenir des ressources supplémentaires.

Cela n’a pas fait l’unanimité parmi les membres. La FAE a adopté son entente de justesse, à 50,58 %.

Toutefois, ce mécanisme est une première et mettra la table pour les prochaines négociations avec le gouvernement, assure Mélanie Hubert.

« On pourra évaluer son efficacité à l’usage. On doit partir de quelque part, car on n’avait pas de données sur la composition des classes. Ça va nous amener à avoir un portrait plus clair des cohortes et des difficultés dans les classes pour travailler conjointement avec la partie patronale pour alléger la tâche », explique-t-elle.

Par ailleurs, la FAE représente des enseignant·es essentiellement dans les régions urbaines, où il y a plus d’élèves en difficulté et issu·es de l’immigration. Les revendications prioritaires ont donc porté sur l’obtention de meilleures conditions d’apprentissage et d’accueil pour ces élèves, analyse Thomas Collombat, professeur au département des sciences sociales de l’Université du Québec en Outaouais (UQO).

La FAE demandait en effet que chaque centre de service scolaire ait un protocole d’accueil qui inclut des évaluations de langue et de mathématiques pour connaître le besoin de nouvelles classes d’accueil. La FAE a obtenu une enveloppe budgétaire de cinq millions $ pour octroyer des services plus spécifiques à ces élèves.

La FSE-CSQ a aussi réussi à obtenir des mesures pour alléger la tâche des enseignant·es, comme la possibilité de faire du télétravail cinq heures par semaine d’ici la fin de la convention, contre deux actuellement. De plus, sur les 20 journées pédagogiques annuelles, il sera possible d’en faire cinq en télétravail, dont quatre où la direction ne pourra pas imposer des réunions ou de la formation.

Les enseignant·es membres de la FAE pourront aussi bénéficier du passage de deux à cinq heures de télétravail permises chaque semaine. Cette demande a pris de nombreuses années pour être considérée par le gouvernement, mentionne Mélanie Hubert.

Ce gain, note le professeur Thomas Collombat, amoindrit le contrôle de l’employeur sur les travailleur·euses. « L’exemple du télétravail est parfait, il a touché cette négociation et plein d’autres conflits de travail. »

Santé et services sociaux : autogestion et primes pour quarts défavorables

Pour les travailleur·euses de la Fédération de la santé et ses services sociaux (FSSS-CSN), qui représente 120 000 personnes, notamment des préposé·es aux bénéficiaires et du personnel administratif, un gros acquis a été la bonification des primes sur le salaire pour certains milieux de travail et pour les quarts dits défavorables, explique Réjean Leclerc, président de la FSSS-CSN.

Ces primes ont aussi été obtenues par l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), qui représente 65 000 personnes, en grande majorité dans le domaine psychosocial, incluant des travailleur·euses sociaux, éducateur·trices et des psychologues.

Les travailleur·euses ont aussi eu droit à des primes dites « de milieu » pour celles et ceux qui œuvrent dans des contextes plus difficiles, comme les services d’urgence 24/7, les résidences à assistance continue, ou les centres jeunesse, explique Robert Comeau, président de l’APTS.

Tous les travailleur·euses de la santé membres du Front commun et de la FSSS-CSN qui ont des quarts dits défavorables ont obtenu une prime, de 10 % pour les quarts de soir, et de 18 % pour les quarts de nuit.

« Le ministre a atteint son objectif, car il voulait attirer des gens sur des quarts [de travail] défavorables, donc ç’a été sa façon d’atteindre son objectif et le nôtre. On est satisfait », résume Robert Comeau.

Par ailleurs, à la FSSS-CSN, l’autogestion des horaires a été obtenue pour des équipes de travail qui pourront établir, sur la base des besoins de l’employeur, une certaine organisation du travail à leur gré. Cela inclut par exemple la possibilité d’échanger des quarts de travail entre travailleur·euses.

L’APTS a également négocié la possibilité pour les équipes de travail d’un même emploi de gérer leurs propres horaires de travail.

« De façon générale, chaque élément qu’un syndicat va récupérer dans une convention collective qui vient toucher à l’organisation du travail, ça vient toucher à l’arbitraire patronal et à la hiérarchisation dans le milieu de travail. Souvent, les conflits vont apparaître là », remarque le professeur Thomas Collombat.

Du côté de l’APTS, un autre acquis important a été le paiement par l’employeur des cotisations que les travailleur·euses doivent verser aux ordres professionnels, explique Robert Comeau. Le gouvernement s’engage désormais à payer 50 % des cotisations, jusqu’à 400 $ par année.

« À peu près 75 % des membres de l’APTS font partie d’un ordre professionnel. On demandait que l’employeur paie les cotisations, comme le privé le fait pour attirer les gens, ou comme le gouvernement le fait pour certains ingénieurs au ministère des Transports », explique Robert Comeau.

« C’est vraiment une première. J’appelle ça avoir le pied dans la porte : on a obtenu cette brèche et on va tenter d’en avoir plus dans les prochaines négociations », se réjouit-il.

Le gouvernement estime que les changements aux conventions collectives sont positifs. L’entente avec le Front commun permettra « l’amélioration des conditions de travail des employés de l’État et de l’organisation du travail par le biais d’une plus grande souplesse dans les conventions collectives », affirme Anne-Hélène Couturier, conseillère stratégique en affaires publiques et porte-parole du ministère du Conseil exécutif et du Secrétariat du Conseil du trésor.

Clarification : Une précision a été apportée pour préciser la nature des gains en matière de télétravail obtenus par la FSE-CSQ. (18-03-2024)

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