Sommes-nous réellement plus méchants qu’avant?

Nos biais nous amènent tou·tes à percevoir un déclin des mœurs, alors que la situation serait plutôt stable selon une nouvelle étude.

La grande majorité des gens, peu importe leur pays d’origine et leur appartenance identitaire, perçoivent un déclin dans la qualité morale de leurs contemporain·es. Cette perception serait toutefois une illusion créée par nos biais cognitifs, selon une nouvelle étude.

La croyance en une époque pas si lointaine où nous étions plus solidaires les un·es envers les autres et plus enclin·es à aider notre prochain est bien ancrée dans notre imaginaire collectif. Si vous vous surprenez trop souvent à votre goût à penser : « Ah! Les jeunes de nos jours… », il semblerait que vous êtes loin d’être seul·e.

En fait, ce serait la forte majorité (environ 75 %) de la population d’au moins 60 pays, dont le Canada, qui serait convaincue que la société connait un déclin des mœurs qui aurait débuté il y a au moins 70 ans, selon une étude publiée dans Nature.

Toutefois, en reprenant les résultats de centaines d’études et de sondages cumulant des millions de participant·es, les chercheurs ont démontré que cette idée serait fausse.

En effet, notre perception de la moralité de nos contemporain·es reste généralement constante d’une année à l’autre tout au cours de notre vie. Autrement dit, si on demande à une personne de juger de la gentillesse des gens en ce moment et qu’on répète l’exercice chaque année, elle aura une réponse similaire à chaque fois.

Mais si on lui demande aujourd’hui comment les gens étaient autrefois, sa description sera systématiquement plus positive que celle donnée à l’époque. Son portrait du passé sera aussi plus positif que sa description des gens vivant aujourd’hui.

L’impression universelle d’un monde en décadence

« Nous avons aussi démontré que tout le monde est affecté par l’illusion du déclin des mœurs de la même façon, peu importe leur âge ou leurs caractéristiques identitaires », explique Adam Mastroianni, co-auteur de l’étude.

L’étude a aussi montré que nous percevons tou·tes un déclin qui se produirait au même rythme. Ainsi, une personne âgée qui se remémore son enfance aura l’impression que la moralité de sa société s’est détériorée plus qu’un·e adolescent·e qui fait la même chose, mais c’est simplement parce que l’enfance de l’un remonte à plus longtemps que l’autre, explique le chercheur.

« Cette dégradation progressive s’arrête toutefois à l’année de notre naissance, notre impression des gens ayant vécu avant nous étant stable. Cela renforce la probabilité qu’il s’agisse d’un problème de perception », ajoute Adam Mastroianni.

La seule caractéristique individuelle qui ait une certaine incidence semble être l’appartenance politique : les gens qui se définissent comme conservateurs perçoivent la décadence un peu plus fortement que les autres, souligne-t-il. « Mais la différence reste minime par rapport à la moyenne : qu’on soit non partisan, affilié à un parti ou même à l’extrême gauche, tout le monde perçoit le déclin moral », précise-t-il.

Une illusion crée par nos biais

Le chercheur et son équipe ont aussi pu déterminer que cette illusion du déclin des mœurs serait créée par l’interaction entre deux biais cognitifs bien connus des psychologues : les biais de négativité et celui d’asymétrie de la mémoire.  

Le premier est le phénomène derrière notre tendance à s’intéresser davantage aux mauvaises nouvelles et aux commentaires négatifs que l’on entend sur nos semblables qu’aux bonnes nouvelles, explique Adam Mastroianni.

Le second nous amène à perdre la charge émotive associée aux mauvais souvenirs plus rapidement que celle de nos bons souvenirs, ajoute-t-il. « Par exemple si on vous a refusé une danse à votre bal des finissants, c’était probablement horrible à l’époque, mais aujourd’hui ça risque plutôt de vous faire sourire. Mais si vous avez eu un bal merveilleux, le souvenir que vous en avez est probablement encore très bon aujourd’hui », illustre-t-il.

Ainsi, nous avons tendance à voir les gens comme plus méchants qu’ils ne le sont dans notre quotidien, ainsi qu’à oublier les malheurs de notre passé. D’où l’illusion que les choses et les gens étaient mieux avant, résume-t-il.

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