L’organisme Femmes Expertes lance le Radar de parité, un outil qui permet de comptabiliser la représentation des femmes dans six grands médias francophones. Bilan : les femmes sont fortement sous-représentées parmi les personnes invitées à témoigner ou à analyser l’actualité.
Bien que les femmes constituent 50 % de la population, leur représentation dans les médias est bien moindre. Au cours de la dernière année, elles constituaient plutôt 29 %, moins d’un tiers, des intervenant·es dans l’espace médiatique québécois.
« Une fois sur trois, ça ne suffit plus », soutient la directrice générale de Femmes expertes, Laura Shine.
Ce sont des données que confirme le Radar de parité, un outil de calcul qui comptabilise les interventions des femmes dans six grands médias de presse écrite québécoise (TVA Nouvelles, Radio-Canada, Le Devoir, Le Droit, La Presse et Le Journal de Montréal).
Femmes Expertes offre depuis déjà plusieurs années un répertoire qui compte aujourd’hui plus de 900 expertes. L’objectif de ce répertoire est de mettre en contact les journalistes avec des femmes expertes afin de favoriser leur présence dans les médias.
« Quand je dis dans tous les champs [d’expertise], ce n’est pas une blague : aérospatiale, environnement, immigration, génie, intelligence artificielle, culture, droit, médecine, commerce, psychologie… », énumère Laura Shine devant le public rassemblé au Ozstudio, à Montréal, lors du lancement du Radar de parité le 16 février dernier.
Malgré tout, bien que les expertes ne manquent pas, leur présence dans les médias demeure inférieure à celle des hommes.
Ce que disent les chiffres
«Dévoiler cet outil, c’est à la fois un très grand bonheur et une très grande déception », laisse tomber Laura Shine.
La joie de pouvoir suivre avec autant de précision la place des femmes dans l’actualité s’est transformée en consternation devant les résultats affichant encore, en 2023, plus de deux fois plus d’hommes que de femmes dans les médias analysés.
«Voyez par vous-mêmes », lance Laura Shine en présentant les graphiques générés sur le site Web.
Par défaut, les données présentent la place accordée aux femmes au cours de la dernière semaine, moins trois jours. Trois jours, c’est le temps nécessaire pour l’algorithme afin de colliger les résultats, les analyser et les afficher dans l’interface.
Les données peuvent toutefois être calculées sur des périodes précises en sélectionnant des dates différentes. « Ça permet d’observer des tendances, de voir [quel média] se démarque et se tient systématiquement dans le haut du tableau. On peut aussi parfois constater l’impact de différents événements sur la couverture », explique la directrice générale de Femmes Expertes, Laura Shine.
Par exemple, en modifiant les dates pour voir les résultats du 5 au 12 décembre 2022, les graphiques affichent une légère hausse, présentant 31 % de femmes intervenantes. Il s’agit d’un phénomène rare, considérant que les chiffres dépassent rarement la barre du 30 %. La cause? Les dates correspondent à la période d’anniversaire de commémoration de la tuerie de l’École polytechnique de Montréal…
« Comme on le voit dans les très nombreuses études de partout sur la planète, quand les chiffres montent, malheureusement, c’est encore souvent lié à des questions de violence faites aux femmes », souligne-t-elle.
« Même si on a des bonnes intentions, il reste beaucoup de chemin à faire. Quand on n’entend pas les femmes, on n’a pas toute l’histoire. »
« What gets measured gets done »
C’est cet adage anglais qui motive, en quelque sorte, l’idée de lancer le Radar de parité. «Agir individuellement en comptant ses intervenantes, c’est bien, c’est important… Mais on avait besoin d’un poids lourd, d’un outil qui mesurerait non pas l’action individuelle des journalistes, mais l’action collective et l’action institutionnelle », explique Laura Shine.
Le Radar de Parité a été financé par Femmes et égalité des genres Canada et développé en code source libre.
« On avait besoin d’un poids lourd, d’un outil qui mesurerait l’action collective et l’action institutionnelle. »
Laura Shine
Dès 2018, Informed Opinions, la maison mère de Femmes Expertes, s’est inspirée d’initiatives comme celles de la BBC, au Royaume-Uni, et de Bloomberg News, qui se sont engagés à mesurer de façon concrète la place des femmes dans leur couverture de l’actualité. L’organisme a alors entamé une collaboration avec l’Université Simon Fraser en Colombie-Britannique afin de créer un outil qui permet, à l’aide de l’intelligence artificielle, de mesurer la place des femmes et des hommes dans sept grands médias anglophones.
Quelques années et plusieurs enjeux de traduction plus tard, Femmes Expertes a maintenant son propre Radar de parité qui effectue ses mesures du côté francophone.