Des étudiant·es de l’Université du Québec à Chicoutimi ont récemment tiré la sonnette d’alarme afin de dénoncer les abus des propriétaires de logements dans la région. En plus de vivre les effets de la pénurie de logements, les étudiant·es sont également aux prises avec des conditions insalubres, de faux baux et vivent des abus psychologiques, montre un sondage mené par l’Association. Les étudiant·es internationaux seraient particulièrement vulnérables à ces injustices.
En plus de devoir faire face à la pénurie de logements, les 2000 étudiant·es internationaux·ales qui s’installent au Saguenay annuellement sont particulièrement à risque de subir les arnaques et les abus des propriétaires.
Cela fait plus d’un an que le Mouvement des associations générales étudiantes de l’Université du Québec à Chicoutimi (MAGE-UQAC) reçoit des plaintes à ce sujet. En juin 2022, celles-ci avaient été transmises lors d’une rencontre à Andrée Laforest, députée caquiste de Chicoutimi qui était alors ministre responsable de l’Habitation.
« Ça n’a pas mené à grand-chose », confie Alexis Diard, coordonnateur général du MAGE-UQAC. C’est à ce moment que l’organisation étudiante a décidé de prendre les choses en main et d’entamer sa propre enquête.
Un sondage a notamment montré que 40 % des étudiant·es interrogé·es avaient, sans le savoir, signé en guise de bail des documents qui n’avaient aucune valeur légale. Certain·es se sont également vu demander de verser un dépôt, ce qui est illégal au Québec.
Selon M. Diard, les étudiant·es de l’international, qui sont moins susceptibles de connaître les règles en matière de logement au Québec, seraient particulièrement vulnérables à ce genre d’abus.
« Ça fait que les étudiants paient et acceptent des choses qui sont inacceptables : des clauses racistes, abusives. »
Alexis Diard, MAGE-UQAC
Par ailleurs, plusieurs étudiant·es étranger·ères n’ont pas non plus l’occasion de visiter leur logement avant d’arriver au Saguenay. Une fois arrivé·es sur les lieux, ils et elles ont signalé ne pas reconnaître le logis qui avait été affiché.
On rapporte aussi des conditions insalubres, des effets manquants, des règlements d’immeuble excessivement autoritaires, et même du racisme.
En entrevue avec Le Quotidien, une étudiante internationale originaire du Cameroun confie s’être vu interdire de cuisiner des mets de son pays d’origine en raison de l’odeur, jugée désagréable par le propriétaire. D’autres se verraient carrément refuser un logement en raison de leurs origines.
« Il faut arrêter de voir la crise du logement seulement sous le prisme de la pénurie de logements », lance M. Diard. « Le non-respect des lois a des conséquences tout aussi graves que le manque de logement. »
Monopole problématique
M. Diard signale qu’un propriétaire aurait offert 5000 $ à un des administrateurs d’une page Facebook de logement afin de contrôler les annonces qui y sont publiées.
« Ce n’est pas une généralité », rappelle M. Diard en soulignant la présence de bons propriétaires dans la région. Le problème, « c’est qu’on a quatre, cinq [locateurs problématiques] et qui détiennent des centaines d’unités de logement. »
Selon lui, un de ces propriétaires détient plus de 700 logements. En contexte de pénurie, il est extrêmement difficile d’éviter un tel propriétaire. Se le mettre à dos en déposant une plainte peut avoir des conséquences graves sur la recherche d’un autre logis.
« Ça fait que les étudiants paient et acceptent des choses qui sont inacceptables : des clauses racistes, abusives. »
Recours juridiques difficiles
Pour remédier à la situation, le MAGE-UQAC envisageait la possibilité d’un recours collectif qui regrouperait l’ensemble des plaintes reçues. Lors d’une rencontre avec le Tribunal administratif du logement de Jonquière mercredi, des préposés aux renseignements auraient indiqué que cela « ne servirait à rien ».
Les étudiant·es se sont également entretenu·es avec la députée caquiste de Labelle, Chantale Jeannotte, qui a été mandatée afin de rencontrer les différents groupes d’intérêt du marché locatif et de proposer des solutions.
Les autorités ont pour le moment conseillé au MAGE-UQAC d’informer les étudiant·es sur leurs droits afin qu’ils et elles puissent mieux se défendre face aux propriétaires véreux.
« Le non-respect des lois a des conséquences tout aussi graves que le manque de logement. »
Alexis Diard, MAGE-UQAC
« Ce n’est pas à nous [individuellement] de faire respecter les lois. Il y a un tribunal pour ça, il y a des ressources financières payées par les impôts des Québécois », rétorque M. Diard. « C’est au gouvernement de s’assurer que la loi soit respectée. »
Le jeune homme souligne que d’entamer une poursuite judiciaire représente un risque considérable pour les étudiant·es qui doivent envoyer une mise en demeure et risquent ensuite d’être pénalisé·es, menacé·es ou même agressé·es par leurs propriétaires.
« J’ai un profond malaise à regarder un étudiant qui vit une détresse psychologique, qui est loin de ses parents, qui sent de la pression par son propriétaire, qui n’a pas beaucoup, et de lui dire : “en plus de ça, tu vas engager des frais d’avocat et tu vas porter plainte”. »
« Ça n’a pas de sens. Ça prend des mécanismes de suivi pour s’assurer que la loi soit respectée. »