Le Conseil du patronat milite contre une loi anti-scabs

Le Conseil du patronat avance, devant Ottawa, qu’une éventuelle loi anti-briseurs de grève mettrait à risque son rapport de force avec les travailleur·euses.

Alors que le gouvernement fédéral envisage une loi pour restreindre le recours aux briseurs de grève, le Conseil du patronat du Québec s’oppose, affirmant qu’une telle mesure risque de nuire à la confiance des marchés extérieurs. La crainte est infondée et le patronat l’utilise comme « épouvantail pour faire des pressions politiques », d’après Donald Noël, du Syndicat des Métallos.

Les craintes formulées par le Conseil du patronat du Québec (CPQ) ont été transmises dans un mémoire au gouvernement fédéral, alors que celui-ci concluait des consultations en vue d’un projet de loi pour encadrer le recours aux « travailleur·euses de remplacement » lors d’une grève ou d’un lock-out, dans les entreprises sous réglementation fédérale.

Bien que ce type de loi soit déjà en vigueur au Québec et en Colombie-Britannique, l’appliquer dans les secteurs de compétence fédérale (télécommunications, finance, transport aérien, etc.) risque de « déstabiliser l’équilibre des forces entre les employeurs et les syndicats », s’alarme Me Marie-Claude Perreault, vice-présidente Travail et affaires juridiques au CPQ.

Le CPQ argumente aussi qu’une tel encadrement plus serré du droit de grève pourrait faire souffrir la compétitivité internationale du Canada, ce qui risque d’affecter « les investissements étrangers et la création d’emplois ». Il avance de plus que cela pourrait priver des citoyen·nes de biens essentiels, liés à leur santé, par exemple, en cas de grève ou de lock-out.

Une lecture douteuse des données

Me Perreault, rédactrice du mémoire qui a été transmis au gouvernement fédéral, insiste sur le fait que le modèle québécois, qui protège plus fortement le droit de grève contre les « travailleur·euses de remplacement » rallonge la durée des conflits de travail.

Elle soutient, en entrevue, que les syndicats qui supposent le contraire, comme Unifor, sont partisans et qu’à l’opposé, les affirmations du patronat reposent sur des données scientifiques provenant « d’experts neutres qui n’ont pas de mandat partisan ».

Or, dans la documentation que Me Perreault a transmise à Pivot, le seul passage qui mentionne la durée des arrêts de travail cite une étude de 2009 qui dément ses propos. On peut y lire que « l’interdiction de recourir à des travailleurs de remplacement réduisait la durée moyenne des grèves, mais cette durée revenait à la normale après deux ans ».

Réplique syndicale

Pour Donald Noël, adjoint à la direction du Syndicat des Métallos, l’existence de ce type de disposition au Québec contredit l’argument selon lequel le Canada perdrait la confiance des multinationales en allant dans la même direction. « Rio Tinto, Glenn Corporation, ABI, alouette! Ils vivent avec cette loi anti-scabs au Québec. »

« Oui, il y a des grèves, oui, il y a des lock-out, mais ça permet un rapport de force entre les parties », défend le Métallo. Il avance que sans ce type de loi, l’employeur domine le syndicat, ce qui éternise les conflits : l’employeur ne subit pas suffisamment de conséquences économiques durant les grèves ou les lock-out s’il peut recourir à des briseurs de grève, ce qui lui permet de prolonger le conflit, juge-t-il.

Pour illustrer pourquoi des syndicats comme le sien militent pour une loi anti-scabs à l’échelle fédérale depuis plusieurs années, M. Noël donne l’exemple des grévistes d’Océan remorquage. « L’employeur embauche des scabs à plusieurs fois le taux horaire des salariés qui sont en grève actuellement. »

Me Marie-Claude Perreault assure que la dynamique décrite par M. Noël est plus complexe. « Ce n’est pas jojo » pour les entreprises qui doivent embaucher des briseurs de grève, se désole-t-elle. D’après elle, c’est « à bout de bras » que les employeurs utilisent des « travailleurs de remplacement ». Le conflit de travail irrésolu à Océan remorquage où l’employeur use de briseurs de grève dure pourtant depuis le 20 juin dernier.

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