Photo : Charlotte Marschall
Nouvelle

Le logement social perd du terrain

Pour la première fois, la part du logement locatif occupé par le logement social recule au Québec.

La part du logement social au sein du parc locatif de la province a reculé d’environ 1 % entre 2016 et 2021. Une tendance jamais vue au Québec qui pourrait toutefois être renversée par un réengagement des gouvernements provincial et fédéral, selon le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU).

Entre les deux derniers recensements, la part du logement social au sein du parc locatif québécois est passée de 11,2 % (2016) à 10,1 % (2021), selon les données de Statistiques Canada interprétées par le FRAPRU. « Jusqu’à maintenant, on avait toujours été en augmentation, mais pour la première fois on constate un recul. C’est très inquiétant », dénonce Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU.

En 2016, le comité des droits économiques sociaux et culturels de l’ONU avait d’ailleurs reproché au Canada « l’état déplorable des logements sociaux » au pays. « Depuis on ne va même pas dans le bon sens pour faire respecter le droit au logement qui est pourtant un droit fondamental », rappelle-t-elle.

Une situation qui s’explique principalement par le ralentissement des mises en chantier de nouveaux logements sociaux et communautaires, un terme parapluie qui regroupe les coopératives d’habitation, les logements détenus par des OBNL et les habitations à loyer modiques (HLM), explique la porte-parole. À titre d’exemple, le logement social comptait pour seulement 7,6 % des logements locatifs construits dans la région de Montréal en 2022 alors que 20 % des ménages y habitant disposent d’un faible revenu, selon les données de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM).

Entre les deux derniers recensements, la part du logement social au sein du parc locatif québécois est passée de 11,2 % (2016) à 10,1 % (2021), selon les données de Statistiques Canada interprétées par le FRAPRU.

Renverser la tendance

L’histoire montre toutefois qu’il est tout à fait possible de renverser cette tendance pour autant que la volonté politique soit au rendez-vous, rappelle Véronique Laflamme. Elle évoque les investissements soutenus du gouvernement fédéral entre 1971 et 1991 qui ont permis d’augmenter la part du logement social de 0,5 à 9,7 %. « Les logements construits à l’époque sont devenus un patrimoine collectif qui sert encore aujourd’hui de rempart contre la hausse des loyers, la spéculation immobilière et l’embourgeoisement », souligne-t-elle.

C’est pourquoi le FRAPRU demande aux gouvernements de Québec et du Canada d’unir leurs efforts pour augmenter le nombre de logements sociaux disponibles dans la province de 50 000 au cours des 5 prochaines années. 

« Ils disent que 50 000 n’est pas réaliste en raison de la pénurie de main-d’œuvre et des coûts de construction, mais ils oublient qu’en plus de construire de nouvelles habitations, on peut aussi acheter des logements existants pour les convertir en logements sociaux »

Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU

Acheter en plus de construire

Une demande que le gouvernement du Québec considère toutefois comme irréaliste, alors qu’il a plutôt proposé la construction de 11 700 logements sociaux durant la campagne électorale de l’automne dernier. « Ils disent que 50 000 n’est pas réaliste en raison de la pénurie de main-d’œuvre et des coûts de construction, mais ils oublient qu’en plus de construire de nouvelles habitations, on peut aussi acheter des logements existants pour les convertir en logements sociaux », rappelle Véronique Laflamme.

Cette solution, déjà déployée par certaines municipalités dont Montréal et Drummondville, permet d’agir rapidement sur l’offre de logement social, explique-t-elle. « Acheter des logements existants ne suffit pas parce que ça n’ajoute pas de nouveaux loyers, mais dans des endroits comme Montréal où le taux d’inoccupation est au-dessus du seuil viable de 3 %, c’est une solution qui peut avoir un grand impact à long terme », remarque-t-elle.

« Acheter et construire 50 000 logements en 5 ans c’est non seulement réaliste, mais aussi nécessaire, mais il ne faudra pas s’arrêter là. […] Derrière les chiffres, il y a des personnes et des familles privées de leurs droits », conclut la porte-parole.

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