
À la recherche d’un logement? Le gouvernement agit en vous conseillant… de vous dépêcher
Alors que les logements abordables se font rares, le gouvernement du Québec lance une campagne pour encourager les locataires à accélérer leurs démarches et à recourir à des stratégies d’« optimisation » et d’« autopromotion » sur le Web.
Une nouvelle campagne de sensibilisation incite les locataires à se mettre le plus vite possible à la recherche d’un appartement pour le 1er juillet. Mais en pleine crise du logement, cette initiative met le fardeau sur les épaules des individus tandis que le gouvernement, lui, néglige ses responsabilités, dénoncent les organismes du milieu.
« Il est essentiel que les Québécoises et les Québécois qui ne renouvellent pas leur bail cherchent dès maintenant un nouveau logement! Le 1er juillet arrive à grands pas », a déclaré lundi Andrée Laforest, ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, pour le lancement de la campagne préparée par la Société d’habitation du Québec (SHQ). « Cette campagne de sensibilisation est un bon rappel de l’importance d’entreprendre ses démarches tout de suite. »
Des messages seront diffusés dans les médias pour presser les locataires de commencer dès que possible leurs recherches, afin de trouver à temps un logis qui correspond à leurs besoins.
Un site Web a été mis en ligne par la SHQ. On y trouve des trucs pour « optimiser » la recherche de logement, explique le cabinet de la ministre Laforest. Le site rappelle aussi les programmes déjà existants pour l’accès aux logements subventionnés ou adaptés, ou encore pour l’obtention d’une aide financière d’urgence.
« Soyez proactif(-ive) et faites bon usage du Web et des médias sociaux », peut-on lire sur la page consacrée aux conseils de recherche. On suggère aux locataires en quête d’un toit d’identifier leurs besoins puis de consulter les différentes plateformes d’annonces comme Kijijji ou Facebook Marketplace.
On recommande aussi aux locataires de « faire [leur] autopromotion auprès d’un futur locateur […] pour se démarquer » et « sortir du lot ». Il est ainsi proposé de « se créer soi-même une petite annonce » de locataire sur Kangalou, par exemple. « Dans un marché effervescent, […] c’est un moyen de plus en plus prisé et il peut être très payant », insiste la SHQ dans un billet complémentaire.
Lorsque vous consultez les annonces de logements à louer, « faites preuve d’esprit critique pour distinguer le vrai du faux », met en garde la SHQ. « Tout ce qui brille n’est pas or, comme le dit le vieil adage… » Pour informer les locataires de leurs droits et obligations, la SHQ se contente de renvoyer vers les sites Web du Tribunal administratif du logement, de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, ou encore d’Éducaloi.
Cette campagne de sensibilisation est la première étape d’un plan d’action « pour soutenir les ménages québécois à la recherche d’un nouveau logement », a indiqué le cabinet de la ministre Laforest.
« À la limite du mauvais goût »
L’initiative est loin de convaincre les organismes du milieu. « Ce n’est pas la campagne dont on avait besoin », juge Marion Duval, porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ).
Le gouvernement « met encore une fois le fardeau sur les épaules des locataires individuels » en les pressant de surmonter eux-mêmes les difficultés liées à la crise du logement, déplore-t-elle. « On leur dit : “c’est de ta faute si le 1er juillet tu n’as pas trouvé un logement pour toi et ta famille”. C’est méprisant pour les locataires. »
Or, la crise du logement, « ce n’est pas un problème individuel, c’est un problème collectif », lance Véronique Laflamme, porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU). Si les locataires peinent à trouver un logement, ce n’est pas par manque de volonté ou de préparation, mais à cause du manque d’appartement et de la flambée des loyers, rapellent les deux porte-parole. Ainsi, le RCLALQ et le FRAPRU viennent actuellement en aide à des locataires qui cherchent un toit depuis des mois, sans succès.
« Cette campagne ne va pas faire apparaître des logements abordables qui n’existent pas », remarque Marion Duval.
« Ça ressemble à une campagne de communication politique de la part de la CAQ, pour donner l’impression que le gouvernement fait quelque chose » pour contrer la crise, estime Véronique Laflamme. « Mais il n’y a pas de réelle volonté, parce que toutes les solutions qu’on amène depuis longtemps sont écartées. Le problème demeure entier. Le gouvernement fait fi de son obligation de mettre en œuvre concrètement le droit au logement. »
Véronique Laflamme critique aussi les « conseils d’autopromotion plutôt douteux qui encouragent la compétition entre les locataires ». C’est « à la limite du mauvais goût », juge la porte-parole du FRAPRU. Elle rappelle que ce genre de méthodes désavantage celles et ceux qui vivent de la discrimination lors de leurs recherches de logement, comme les familles ou les personnes appartenant à une minorité visible. « Mais le gouvernement ne fait rien pour défendre ces gens dont les droits ne sont pas respectés. »
Selon le FRAPRU et le RCLALQ, il aurait plutôt fallu une campagne nationale pour informer les locataires, mais aussi les propriétaires, des droits applicables en matière de logement, trop souvent bafoués. « Ça, ça fait longtemps qu’on le demande », souligne Véronique Laflamme.
Contre la flambée des prix, le RCLALQ propose un registre des loyers à l’échelle de la province, ce qui permettrait aux nouveaux locataires de connaître le loyer payé précédemment et de refuser les hausses abusives. Le Regroupement demande aussi que les hausses permises soient plafonnées en fonction des calculs effectués chaque année par le Tribunal administratif du logement. Le FRAPRU réclame des investissements pour la construction de logements sociaux et communautaires, demeurant abordables à long terme parce qu’ils échappent au marché privé. À l’approche du prochain budget provincial, de tels investissements ont aussi été demandés dans les derniers jours par les 82 villes de la Communauté métropolitaine de Montréal, ainsi que par des maires et mairesses de partout au Québec.