Jour de la Terre : s’organiser contre le pouvoir de l’argent, pour la vie

À l’occasion du Jour de la Terre, Pivot revient sur le travail de reportage, d’enquête et d’analyse effectué au cours des dernières années en matière d’environnement. Quelles leçons pouvons-nous tirer de ce que nous avons appris?

Si tout se passe bien, des milliers de gens se préparent à descendre dans les rues de multiples villes du Québec et du monde. Enfin, le mouvement écolo semble reprendre du poil de la bête après les années creuses de la pandémie.

C’est une bonne nouvelle – peut-être la meilleure nouvelle possible en matière d’environnement, parce que si nous souhaitons du changement, notre espoir le plus solide réside dans la force des mouvements sociaux. Certainement pas dans l’attente que les gouvernements s’activent spontanément, et encore moins dans le mirage de l’action verte des élites économiques.

Un tel regain de ne se produit pas spontanément, comme par magie. Ce qui le rend possible, c’est le travail inlassable de groupes militants, étudiants, syndicaux et communautaires, qui travaillent dans l’ombre pour informer, organiser, mobiliser. L’avenir n’est pas garanti, mais sans ces groupes, il est garanti d’être désastreux.

L’argent contre la vie

Nous avons fort à faire, si nous voulons renverser la vapeur. Oui, je dis bien renverser la vapeur, parce qu’il ne s’agit pas simplement d’accélérer une transition sociale et écologique « encore trop timide ». Nous avons devant nous l’immense défi de contrer l’action destructrice de forces colossales – celles de l’argent, avant tout – qui font tout en leur pouvoir pour saboter les changements nécessaires ou pour les détourner à leur avantage, et tant pis pour la vie sur Terre.

Les gros joueurs de la finance au pays subventionnent massivement l’industrie fossile et utilisent leur pouvoir pour voter contre les résolutions climatiques des compagnies dont elles sont actionnaires. Nombre d’entreprises, à commencer par les banques et les compagnies des sables bitumineux, nous racontent des salades vertes pour continuer leurs activités business as usual.

Si nous souhaitons du changement, notre espoir le plus solide réside dans la force des mouvements sociaux.

Pour le moment, ce que le gouvernement et le secteur privé ont de mieux à nous proposer, c’est une ruée vers les « minéraux stratégiques » nécessaires pour électrifier l’économie capitaliste et l’auto-solo. En d’autres mots : des grands trous en territoires autochtones et chez des communautés qui sont loin d’être toujours heureuses. Tout cela, sans parler du fait que le boom minier « écologique » est une menace absurde pour les écosystèmes et la biodiversité. Et puis, à ce jour, les énergies renouvelables ne font rien d’autre que s’ajouter à une consommation de ressources toujours plus effrénée.

On mentionnera aussi au passage que l’économie « verte » n’est pour le moment pas beaucoup plus juste que ce qu’on a connu jusqu’ici : les mêmes vieilles inégalités – entre les hommes et les femmes; les blancs, les personnes racisées et les Autochtones – continuent de s’y perpétuer.

Plutôt qu’un culte de la propriété privée, il faudra une bonne dose de démocratie économique pour mener à bien la transition écologique

Mais qu’à cela ne tienne : nos élu·es continuent de miser sur l’initiative du secteur privé pour piloter la transition écologique.

Démocratie ou catastrophe

Pourtant, tout indique qu’il faille repenser notre économie en profondeur. Osons le mot : il faudra de toute évidence remettre en question les fondements du capitalisme si nous voulons nous en sortir.

Les jolis faits d’armes listés jusqu’ici nous font dire que la poursuite à court terme de l’intérêt privé entre en contradiction frontale avec la nécessité de protéger la vie du plus grand nombre dans l’avenir. Plutôt qu’un culte de la propriété privée, il faudra une bonne dose de démocratie économique pour mener à bien la transition écologique, ce qui n’est pas plus mal.

De même, l’impératif de la croissance économique semble bien être le moteur de notre incapacité à respecter les limites de la Terre. Dans ce contexte, envisager la décroissance ressemble moins à une lubie irréaliste qu’à une nécessité pragmatique.

Alors, on se revoit l’an prochain dans la rue, certainement. Mais en attendant, il faudra continuer de s’organiser si nous voulons que les inévitables changements à venir se fassent avec nous, et non pas contre nous.