Bernard Arnault, multimilliardaire français et troisième homme le plus riche au monde. Entre 2020 et 2022, sa fortune est passée de 76 à 158 milliards $ US, selon Forbes. | Photo : Jérémy Barande (CC BY-SA 2.0)
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« Chaque milliardaire est un échec de nos politiques publiques »

L’accumulation de la richesse par les ultrariches s’accélère dans le monde, selon un rapport d’Oxfam.

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Les écarts entre les ultrariches et le reste du monde se creusent d’année en année, alors que le 1 % des plus riches accaparent une part grandissante de la richesse à l’échelle de la planète. Cette tendance pourrait toutefois être renversée par l’imposition de taxes ciblées sur leur fortune, selon Oxfam.

Les dix hommes les plus riches du monde possèdent désormais plus de richesse que 200 millions de femmes africaines mises ensemble, selon un rapport d’Oxfam publié aujourd’hui. L’analyse vise à mettre en lumière les inégalités économiques tandis que les puissants du monde convergent vers Davos pour l’ouverture du Forum économique mondial.

Qui plus est, le 1 % des plus riches de la planète a accaparé la moitié de la richesse engendrée depuis 2012, et les deux tiers de celle produite depuis 2020, expose l’analyse. « Ce n’est donc pas juste une question d’accumulation de la part des ultrariches, c’est une question d’accélération effarante de cette accumulation-là », prévient Léa Pelletier-Marcotte, analyste politique à Oxfam-Québec.

Résultat : le 1 % détient maintenant 45,6 % de l’ensemble de la richesse mondiale, alors que le 50 % le plus pauvre, lui, se contente d’une part de 0,75 %, démontre le rapport.

C’est un tel écart de richesse qu’Oxfam conclut : « une nouvelle aristocratie puissante, incontrôlée et irresponsable est en train de voir le jour sous nos yeux ».

Taxer plus pour le bonheur de tou·tes

Alors que les ultrariches s’enrichissent de plus en plus, la pauvreté extrême recommence à progresser. Faute de financement, les services publics sont aussi en recul un peu partout dans le monde, souligne Léa Pelletier-Marcotte.

Pourtant, selon Oxfam, l’imposition d’une taxe d’entre 2 et 5 % sur les plus grandes fortunes pourrait permettre de lever 1 700 milliards $ annuellement : un montant suffisant pour sortir deux milliards de personnes de la pauvreté, financer le plan mondial d’éradication de la faim, et plus encore.

« Même sans aller jusque-là, juste changer un peu la façon dont on taxe la richesse peut faire une énorme différence, que ce soit au niveau mondial ou canadien », explique Mme Pelletier-Marcotte. 

Pour elle, demander aux riches de redistribuer davantage de leur richesse n’a rien de révolutionnaire puisqu’ils paient maintenant beaucoup moins de taxes et d’impôts que par le passé.

Les baisses d’impôts successives accordées aux riches individus et aux grandes entreprises sont d’ailleurs un des facteurs expliquant la hausse des inégalités dans le monde, rappelle Oxfam.

« On essaie de faire passer les milliardaires comme un succès de notre économie, mais en fait chaque milliardaire est un échec de nos politiques publiques. On ne devrait pas être capable d’accumuler autant de richesses aux dépens des autres », dénonce Léa Pelletier-Marcotte.

Le vent tourne

Les mentalités seraient toutefois en train de changer alors que de nombreuses voix s’élèvent pour demander une réforme de la taxation de la richesse, souligne l’analyste.

Elle rappelle l’exemple du Royaume-Uni, qui a été contraint l’an dernier d’abandonner sa promesse de baisse d’impôt pour les plus riches en raison de la pression exercée par sa population et les institutions financières internationales.

« C’est encourageant quand des institutions qui étaient traditionnellement ultraconservatrices comme le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et la Banque centrale européenne commencent à défendre la taxation de la richesse », conclut-elle.

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