Reportage

Les jeunes peu impressionné·es par les arguments des chef·fes

Les chef·fes de l’opposition ont répondu à des questions posées par des jeunes de 18 à 34 ans, vendredi soir dernier.

Les chefs des principaux partis provinciaux étaient invités à répondre aux questions de la jeunesse québécoise vendredi dernier. Tandis que François Legault a préféré s’abstenir, les leaders de l’opposition ont tenté de convaincre les quelques indécis·es présent·es de la pertinence de leurs propositions, avec un succès mitigé.

Les chefs des partis d’opposition étaient réuni·es à l’Université Concordia pour répondre à des questions proposées par des Québécois·es de 18 à 34 ans, à quelques jours du déclenchement des élections provinciales. Près de 200 personnes, dont une majorité de jeunes, se sont ainsi rassemblées pour écouter Dominique Anglade, Gabriel Nadeau-Dubois, Paul Saint-Pierre Plamondon et Éric Duhaime offrir tour à tour leurs réponses à des questions tirées au hasard par le directeur du Devoir Brian Myles.

L’évènement, organisé par l’Institut du Nouveau Monde (INM) et Le Devoir, cherchait à stimuler la participation de la jeunesse à l’exercice démocratique. « Le but de la soirée est d’établir le contact entre les jeunes et la chose politique et électorale. À l’inverse, on cherche aussi à intéresser les partis politiques aux jeunes et à leur réalité », explique Louis-Philippe Lizotte, conseiller et coordonnateur de l’éducation à la citoyenneté à l’INM.

Une foule partisane

L’essentiel de la foule était toutefois déjà engagé auprès d’un parti en particulier, comme en témoignaient les applaudissements nourris de chaque faction lorsque leur candidat de choix prenait son tour de parole.

C’était notamment le cas de Gabrielle, qui fait du bénévolat pour sa candidate locale de Québec solidaire (QS). « Je commence à m’intéresser à la politique et j’étais curieuse de voir le genre de questions que les jeunes ont proposé, mais je ne pense pas que ce soit possible qu’un chef me fasse changer d’idée », prévient-elle.

La majorité des jeunes présent·es souhaitaient encourager leur candidat préféré et les « voir en vrai ».

Interrogées par l’animateur, une vingtaine de personnes ont timidement levé la main pour signifier qu’elles espéraient tout de même s’informer sur les propositions des partis avant d’exercer leur droit de vote pour la première fois. Parmi eux, Youssef et son ami Zacharie. « Je suis curieux de voir ce qu’ils ont à nous proposer. Je ne sais pas trop ce qu’ils ont à offrir devant les enjeux du moment », exprime Youssef sous le regard approbateur de son camarade.

Legault, grand absent

François Legault n’était pas présent, son parti ayant décliné l’invitation tendue par l’INM. « Monsieur Legault s’était prêté à l’exercice la dernière fois, mais la CAQ nous a répondu qu’il ne participerait qu’aux principaux débats télévisés » , explique Louis-Philippe Lizotte.

Un geste qui a été particulièrement dénoncé par le porte-parole de QS dans son allocution d’ouverture. « C’est un comptable qui a fait le calcul que ça ne valait pas la peine de venir parler aux jeunes » a lancé Gabriel Nadeau-Dubois sous la clameur de ses partisan·es. Les autres chef·fes lui ont emboité le pas toute la soirée et n’ont pas manqué d’adresser quelques flèches au parti au pouvoir.

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Questions variées

Malgré le caractère jeunesse de l’évènement, la plupart des questions, soumises à l’avance à l’INM, recoupaient des enjeux généraux fréquemment abordés dans l’espace public [voir encadré]. « C’est certain que les jeunes ont des enjeux qui les préoccupent particulièrement, comme l’environnement et le débat sur la liberté universitaire, mais avec le temps la population générale tend à se rapprocher de leur point de vue », remarque Louis-Philippe Lizotte.

Quelques questions sortaient tout de même du lot, notamment une sur l’importance d’adopter un modèle économique de décroissance, ou une autre sur la responsabilité des politicien·nes dans le cynisme grandissant de la population envers la chose politique.

Intéressant, malgré la langue de bois

Les questions étant choisies au hasard, les chef·fes ont souvent dû s’exprimer sur des enjeux qui n’étaient pas nécessairement leur sujet de prédilection. Éric Duhaime a notamment dû se débattre avec une question sur le meilleur moyen de combattre les effets délétères de la désinformation sur les médias sociaux, sous le regard amusé de la majorité de la salle.

Le chef conservateur a dévié la question en évitant d’y répondre, une tactique d’ailleurs utilisée fréquemment par l’ensemble des chef·fes au cours de la soirée.

« Les chefs m’ont éclairé sur certains enjeux, mais c’était décevant quand ils se contentaient de tourner autour du pot », remarque Youssef à la sortie de l’évènement.

Un sentiment possiblement partagé par plusieurs, si l’on se fie aux nombreux écrans de cellulaires qui s’allumaient chaque fois qu’un·ne politicien·ne tentait de dévier une question.

Youssef et Zacharie sont tout de même repartis satisfaits de la soirée, même si aucun des chefs présents ne leur a proposé un choix suffisamment intéressant pour garantir leur vote. Une posture partagée par Maya, une étudiante de cégep aussi rencontrée à la sortie de l’évènement. « C’était vraiment éclairant. Je voulais voir leurs positions et maintenant je sais qu’ils n’ont rien d’intéressant à me proposer », ironise-t-elle.

QUELQUES THÉMATIQUES ABORDÉES ET LES RÉPONSES DES CHEF·FES

Éric Duhaime, Parti conservateur

Q : Est-ce réaliste de continuer à sacrifier l’avenir du Québec pour le PIB?
R : M. Duhaime dit ne pas accepter la prémisse de la question, qui met en opposition économie et développement. Selon lui, les politiciens nous mentent et nous donnent des cibles de réduction irréalistes. Il croit plutôt qu’il faut exploiter nos ressources, dont les hydrocarbures, et se fier sur l’innovation pour régler la question climatique.

Q : Doit-on fermer la fonderie Horne?
R : Le chef conservateur dit que les travailleurs ne veulent pas perdre leur emploi. Selon lui, si la fonderie déménage et pollue ailleurs, nous ne serons pas mieux placés collectivement. Il précise qu’il ne faut pas subventionner les entreprises pour qu’elles polluent, mais plutôt avoir un plan réaliste pour améliorer la performance environnementale de la fonderie.

Paul Saint-Pierre Plamondon, Parti québécois

Q : Comment stopper l’embourgeoisement et assurer que chacun·e ait accès à un logement?
R : Pour lui,  il faut commencer par reconnaitre officiellement que nous avons une crise du logement. Le chef du PQ propose la construction de 5000 logements sociaux et de taxer les logements inoccupés appartenant à des investisseurs étrangers.

Q : Quand allez-vous mettre en place une loi sur la parité homme-femme à l’Assemblée nationale et dans la société civile?
R : Après avoir rappelé les réalisations passées de son parti dans l’avancement de la parité, M. Plamondon a rappelé que la CAQ n’a pas respecté son engagement de changement du mode de scrutin. Selon lui, un nouveau processus électoral pourrait assurer la parité à l’Assemblée nationale. Il propose aussi d’adopter une loi forçant les compagnies privées à avoir une plus grande parité sur leurs conseils d’administration.

Gabriel Nadeau Dubois, Québec solidaire

Q : Comment régler la pénurie de main-d’œuvre?
R : Pour M. Nadeau Dubois, la pénurie est là pour rester. Selon lui, les gens quittent les services publics parce que ce ne sont plus de bons emplois. Il propose de bonifier les salaires et les conditions de travail dans le secteur public et d’augmenter le salaire minimum au privé.

Q : Comment peut-on combattre le cynisme de la population et des jeunes envers la politique?
R : Pour le porte-parole solidaire, il ne faut pas mélanger le manque de participation électorale des jeunes et leur participation à la société. D’après lui, les jeunes sont très intéressé·es par la politique, il faut simplement leur donner des enjeux qui leur parlent. Il propose aussi de baisser le droit de vote à seize ans pour les impliquer plus tôt dans le processus électoral.

Dominique Anglade, Parti libéral

Q : Comment faire pour stopper les projets pétroliers du Canada?
R : Pour Mme Anglade, l’environnement est l’enjeu du 21e siècle et il faut avoir un plan de match. Pour elle, ce plan passe par le vaste projet  « ECHO » basé sur l’électrification et l’hydrogène vert, autour duquel les libéraux organisent leur campagne.

Q : Qu’allez-vous faire pour protéger la liberté de parole dans les universités?
R : Pour la cheffe libérale, la priorité des politicien·nes ne doit pas être de représenter la majorité des Québécois comme le propose la CAQ, mais de représenter le Québec dans sa totalité. Selon elle, nous devons pouvoir discuter dans le respect, et ce pour tous les discours. Rappelant ses origines, elle dit comprendre les enjeux vécus par les minorités, tout en insistant sur l’importance d’avoir des lieux de débats.

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