États-Unis : la trahison des élites progressistes

Cessons de tomber dans un des pièges les plus néfastes du néolibéralisme : le progressisme de façade.

Les plus assidu·es d’entre vous l’auront peut-être remarqué, mais cette chronique se transforme lentement mais sûrement au fil des semaines. Plutôt que de discuter d’un seul sujet, je cherche à réfléchir et à vous présenter le fruit de mes réflexions sur l’air du temps qui préside à l’actualité internationale.

La planète tourne plus vite que jamais à l’ère de l’information instantanée et de son corollaire, le déferlement de désinformation, conséquence non seulement de l’effervescence des réseaux sociaux, mais aussi de leur utilisation par des agents politiques divers – services de renseignement, trolls, organisations militaires et paramilitaires, de même que gouvernements à proprement parler.

Impossible, donc, de discuter d’un sujet à la fois, une fois par semaine.

Élargissons donc la conversation, si vous le voulez bien. Le combat pour une version de la vérité plus proche de la réalité observable ne s’en portera que mieux. Surtout que la trame narrative dominante de cette lutte a malheureusement été accaparée par cette élite qu’on pourrait qualifier de « progressiste » pour les besoins de la discussion, mais qui n’est en fait que la main de fer du néolibéralisme dans un gant de velours bio-équitable.

Et pendant ce temps, les conservateurs et les réactionnaires se frottent les mains.

Réhabiliter trop facilement les ennemis des citoyen·nes

Il fallait les voir, ces « progressistes » autoproclamé·es, toute la semaine encenser le FBI pour son « raid » sur Mar-a-Lago, le quartier général de la plus sinistre des familles criminelles américaines, le clan Trump.

Rappelons que le FBI est l’ennemi historique des groupes de lutte pour les droits civiques et des organisations contre l’oppression des communautés racisées et autochtones dans leurs luttes pour l’émancipation. Ses agents ont, à travers son histoire, infiltré des mouvements sociaux et politiques jugés dangereux pour « l’intérêt national », c’est-à-dire celui des compagnies extractivistes, du complexe militaro-industriel et de la suprématie blanche et chrétienne.

On parle ici des syndicats, mais aussi des Black Panthers, de Martin Luther King, de Malcolm X et de dizaines d’autres, dont se réclament aujourd’hui des individus et des organisations peuplant l’extrême centre de l’échiquier politique américain.

Ceux-ci ne se gênent pas pour javelliser et neutraliser des luttes d’organisations radicales en les intégrant au mainstream, tout en menant des actions politiques et juridiques contre des candidat·es de tiers partis qui, eux, sont réellement au service des marginalisé·es et des opprimé·es.

C’est ce que Chris Hedges et Cornel West ont qualifié de « trahison des élites progressistes », qui restaurent volontiers les virginités politiques des fossoyeurs d’humanité tout en cherchant à renforcer ce statu quo qui fait des deux principaux partis politiques de l’Empire deux faces d’une même médaille, deux serviteurs d’un même système, deux boutiques d’horreur que seules les vitrines différencient.

L’ironie en vacances

De l’autre côté, les sympathisants de Trump écument de rage devant ce qu’ils considèrent être un assaut de l’État profond contre leur Messie politique. Celui-ci, selon la nature des documents saisis chez lui par le FBI, pourrait être traduit en justice en vertu de l’Espionage Act, le même dont il veut se servir pour condamner un héros populaire, Julian Assange, coupable seulement d’avoir dévoilé les crimes de l’Empire.

Ceux et celles qui se réjouissent de la disqualification qui pourrait s’en suivre et rendre Trump inéligible pour la présidentielle de 2024 manquent cruellement de perspective.

Dans l’ombre, des fanatiques pires que lui se préparent déjà à lui succéder à la tête de ce Parti républicain en nom seulement et désormais ouvertement fasciste.

Certain·es, comme l’élue républicaine Marjorie Taylor Greene, appellent même à… définancer le FBI depuis qu’ils et elles ont découvert que l’État sécuritaire ne sert que son propre agenda, indépendamment des allégeances au Congrès. Ils n’apprécient pas le goût de cette médecine qu’ils et elles croyaient exclusivement destinée aux « communistes » et autres « terroristes » plus souvent qu’autrement basanés.

Pendant ce temps, le Squad démocrate (la frange la plus à « gauche » du parti), de son côté, signale constamment sa vertu progressiste sur les réseaux sociaux tout en votant pour des hausses faramineuses de budget au profit de l’État sécuritaire et du complexe militaro-industriel.

Une bonne guerre progressiste?

Au moins, cette semaine, l’ensemble de tous ces idiots utiles ont condamné quasi unanimement l’attaque vicieuse contre l’auteur Salman Rushdie.

Mais c’est probablement surtout pour nous préparer à consentir à une éventuelle guerre contre l’Iran.