Les besoins humanitaires reliés aux changements climatiques sont en augmentation constante depuis le début du siècle, selon Oxfam. Le système d’aide internationale actuel, basé sur la philanthropie, n’arrive pas à répondre aux demandes. Cela creuse le fossé entre le Nord et le Sud et accentue les inégalités au sein des pays touchés. Devant ce constat, Oxfam appelle à une refonte complète du système d’aide.
Les conséquences humanitaires de la crise climatique sont déjà bien réelles. En fait, les besoins des populations touchées par des événements météorologiques attribuables aux changements climatiques sont aujourd’hui huit fois plus élevés qu’il y a 20 ans, selon un nouveau rapport d’Oxfam. C’est ce qu’a conclu l’organisme en se penchant sur les besoins financiers des appels à l’aide lancés par l’ONU au fil des ans.
Qui plus est, d’après Oxfam, seulement 54 % de ces appels ont été comblés par le système actuel d’aide internationale d’urgence. Cela représente un déficit de 28 à 33 milliards $ US depuis 2017, pour un système qui ne sera que davantage surchargé au fur et à mesure que la planète continuera de se réchauffer.
Les désastres accentuent les inégalités
Ce sont principalement les pays du Sud qui subissent les conséquences des changements climatiques, alors que ce sont eux qui y ont le moins contribué, dénonce la porte-parole d’Oxfam, Virginie Gagnon.
Ce sont aussi ces mêmes pays qui sont les plus vulnérables aux événements extrêmes, ajoute la professeure adjointe en développement international et communication de l’Université d’Ottawa Maïka Sondarjee.
« Ce ne sont pas les désastres humanitaires en soi qui créent des inégalités, mais bien les désastres humanitaires en intersection avec les inégalités existantes », explique-t-elle.
Elle donne l’exemple des sécheresses qui ont frappé simultanément la Californie et la Somalie en 2017. Si personne n’est mort dans la province de l’Ouest américain, des centaines de personnes sont mortes dans le pays africain.
Les crises vont également accentuer les inégalités à l’intérieur même des pays touchés, rappelle Virginie Gagnon. Les personnes plus pauvres sont en effet celles qui sont le moins bien outillées pour se relever après une crise, souligne-t-elle. De plus, elles habitent souvent les endroits plus à risque d’être affectés par les événements extrêmes, explique-t-elle.
Un fardeau supplémentaire pour les femmes
Les femmes seraient d’ailleurs particulièrement touchées par les crises. Non seulement elles sont plus pauvres que les hommes, mais en plus elles vivent souvent plus de contrecoups des catastrophes, rappelle Virginie Gagnon.
« Lorsque les écoles et les hôpitaux sont détruits, ce sont elles qui prennent le relais. S’il faut marcher une heure de plus pour avoir de l’eau, ce sont elles qui vont le faire. Cela les place dans un cercle vicieux où elles n’ont plus le temps de s’éduquer et de travailler et où leur situation se fragilise », précise-t-elle.
Les déplacements de populations qui accompagnent souvent les catastrophes mettent également les femmes dans une position désavantageuse par rapport aux hommes, ajoute la porte-parole. « Par exemple, quand les gens se retrouvent dans des camps surpeuplés, le risque de viol et de violence commis contre les femmes augmente considérablement », illustre-t-elle.
Quand l’empathie mène à l’injustice
L’aide internationale dépend des dons venant des pays les plus fortunés et de plus en plus des individus, selon Maïka Sondarjee. Les montants d’aide versés pour venir en aide aux sinistré·es sont donc intimement liés à l’attention médiatique portée par l’Occident à un événement. « Le nombre de morts, le caractère sensationnaliste et la distance géographique et culturelle d’un événement vont déterminer l’ampleur des dons versés », précise-t-elle.
Les montants d’aide versés n’auront souvent que très peu de liens avec les besoins réels des populations affectées, dénonce Virginie Gagnon. Elle donne l’exemple des sécheresses, qui ont des impacts profonds, mais qui n’attirent souvent que très peu d’attention et donc de dons.
Les pays qui en ont le plus besoin sont aussi rarement ceux qui reçoivent le plus d’aide financière, rappelle Maïka Sondarjee.
« Si ce sont des populations blanches qui meurent, nous allons nous y intéresser davantage », remarque-t-elle.
Une réforme qui tarde à se mettre en place
Devant ces lacunes, Oxfam appelle les gouvernements à réformer complètement le système d’aide internationale d’urgence lors de la prochaine conférence de l’ONU sur les changements climatiques (COP27). « Nous proposons de mettre en place un système de compensation automatique basé sur les pertes et préjudices, un concept qui est débattu depuis longtemps, mais qui n’a toujours pas mené à des mesures concrètes », explique Virginie Gagnon.
Ce système consiste à constituer un fonds qui servirait à compenser les pays subissant des événements météorologiques extrêmes en fonction des dommages qu’ils ont subis. Pour financer ce fonds, Oxfam interpelle les pays les plus fortunés pour qu’ils contribuent.
L’organisme leur suggère de mettre en place des taxes sur les grands pollueurs pour dégager les moyens financiers nécessaires.
Une telle solution serait idéale selon Maïka Sondarjee, qui reste toutefois sceptique quant à la possibilité de sa réalisation. « C’est le rêve, mais la tendance est plutôt à l’inverse. Les pays ont plutôt tendance à se désinvestir et ce sont de plus en plus les particuliers qui prennent le relais », remarque-t-elle.
Une telle réforme de l’aide d’urgence reste toutefois nécessaire, selon la porte-parole d’Oxfam. « C’est certain que ce ne sera pas simple, notamment au niveau légal, mais il faut avoir le courage de le faire parce qu’en ce moment on vit une grande injustice climatique qui ne peut que s’aggraver si nous ne faisons rien », conclut Virginie Gagnon.