
Retrouvailles syndicales inédites
À la veille de la Journée internationale des travailleur·euses, des discussions sur le syndicalisme au Québec se sont tenues sur le thème « Construire des points, remporter des victoires ». Pour ouvrir l’événement, un panel réunissait huit président·es de syndicats pour discuter des défis et des enjeux rencontrés par ces organisations.
Les président·es des plus grands syndicats du Québec se sont retrouvés autour d’une même table à l’Université du Québec à Montréal, pour répondre à une série de questions sur l’état du syndicalisme et sur les enjeux d’aujourd’hui. La parité, la privatisation, le télétravail et les actions sociales sont quelques-uns des sujets abordés par les représentant·es au cours de cette soirée.
L’événement, organisé à l’initiative conjointe de la revue À Bâbord!, du collectif militant Lutte commune et du Syndicat des professeur·es de l’Université du Québec à Montréal (SPUQ), s’est ouvert vendredi 29 avril, avec un panel intitulé « Les défis du syndicalisme : questions aux leaders syndicaux » auquel participaient huit leaders syndicaux. Mélanie Laroche, professeure titulaire de l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal, animait la soirée.
Les leaders syndicaux étaient invités à réfléchir et à débattre sur plusieurs grands enjeux auxquels le mouvement syndical est aujourd’hui confronté au Québec. Ont été abordés les enjeux de la reconnexion avec les syndiqué·es, qu’il est parfois difficile de rejoindre et de fédérer. Également au programme, des discussions sur le front commun et les alliances intersyndicales, sur les liens entre organisations syndicales et actions politiques (comment soutenir les actions syndicales en dehors du travail ?) et les questions du bien commun plus largement.
Le format du panel a offert un temps de parole équitable à chaque représentant·e et a permis d’avoir une confrontation des idées et un partage d’expériences équitable et propre à chaque syndicat.
Un moment historique
Lorsqu’on demande à la modératrice de la soirée pourquoi il fallait réunir les syndicats dans une même pièce, elle répond : « Il y a une urgence d’agir au Québec, pour réinventer le mouvement syndical, notamment à cause du déclin du taux de syndicalisation dans le secteur privé. Il y a peu de perspectives de renverser la vapeur à l’heure actuelle », explique-t-elle en entrevue. « On fait des sondages auprès des non-syndiqué·es pour comprendre et on se rend compte que les gens sont peu attirés (…) Ça implique nécessairement de nouvelles façons de faire de la part des organisations syndicales. »
« D’avoir [les organisations syndicales] ensemble comme ça, c’est un moment qu’on a jamais vu. C’est un signal qu’on est prêt à réfléchir à des solutions pour se réinventer. »
Mélanie Laroche
La pandémie et les défis qu’elle a amenés y sont pour quelque chose dans la perte de vitesse du mouvement. C’est aussi ce que constate Claude Vaillancourt, de la revue À Bâbord!, qui co-organisait l’événement : « Le mouvement social se réveille, après deux ans de sommeil » a-t-il affirmé en entrevue.
Inégalité et intégration au cœur du débat
La soirée a aussi permis de soulever des enjeux plus anciens comme la lutte contre les inégalités qui se répercutent dans le monde du travail et pour l’intégration des personnes immigrantes, par exemple. Pour Julie Bouchard, présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), « il faut prendre position et amener le gouvernement à prendre position. C’est quelque chose qui a un impact extrêmement grave dans les milieux de travail. Les gens quittent leur travail parce qu’ils sont victimes de discrimination ou de racisme systémique. En 2022 on ne devrait pas avoir ce genre de question là, ça devrait être naturel », a-elle déclaré avec détermination au cours de la soirée.
La place des femmes dans le monde du travail a aussi fait partie des discussions. À noter que sur huit des présidents de syndicats présents ce soir-là, deux étaient des femmes. C’est d’ailleurs ce que souligne Éric Gingras, président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), dont 80% des membres sont des femmes. Du côté de L’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), Robert Comeau constate « la difficulté de recruter des femmes dans les milieux de décisions et de pouvoirs ». Ce à quoi il ajoute : « On doit s’organiser en tant que syndicat pour que ce soit attrayant, on doit nous-même faire un effort ».
Un bilan positif de la soirée
Mélanie Laroche tire un bilan positif de cette soirée, qui aura duré plus de trois heures : « Je pense que les chef·fes ont fait des constats communs et ont émis un désir de travailler ensemble pour résoudre les problèmes du syndicalisme. On a eu une prise de conscience collective et un désir de contribuer au renouvellement des organisations syndicales ». Pour elle, il y a une conscience commune de la crise des syndicats et du fait qu’il faut y faire face en réinventant les pratiques.
Les syndicats ont parlé franchement, sans « langue de bois », en partageant honnêtement les difficultés qu’ils rencontrent. C’est ce qu’a constaté le professeur de science politique à l’Université du Québec en Outaouais, Thomas Collombat, qui s’était déplacé pour l’occasion. Pour lui, ce rassemblement était intéressant et le dialogue était possible. Les interventions n’étaient pas trop chauvines et chacun a pu parler de sa propre organisation.
Les leaders syndicaux « ont fait plus que simplement être présents ! » conclut Mélanie Laroche, d’un ton satisfait.
Les activités des journées de discussion sur le syndicalisme sont disponibles en rattrapage sur la page Facebook de l’événement : « Construire des ponts, remporter des victoires »