En 1962, Malcolm X disait : « La personne la moins respectée en Amérique est la femme noire. La personne la moins protégée en Amérique est la femme noire. La personne la plus négligée en Amérique est la femme noire. »
L’histoire récente nous a appris que ces propos doivent être actualisés pour tenir compte des femmes racisées et des femmes autochtones. Elles sont toutes trois visées par les discours de l’esclavage, du colonialisme et de l’orientalisme.
On a trop tendance à parler des femmes comme d’un groupe homogène. C’est une erreur. Il suffit de se pencher sur les vécus des femmes autochtones, racisées ou des femmes noires pour se rendre compte que l’approche monolithique est fondée sur l’uniformisation, la neutralité et l’universalisme.
Certains diraient qu’elle est color-blind , car elle prône l’ignorance de « la race » (comprise comme construction sociale et politique). Approche qui, en soi, est une façon simpliste d’ignorer les problèmes sociaux véritables et maintenir le statu quo dans les dynamiques de pouvoir.
Qui parle de pouvoir parle de privilèges. On doit urgemment reconnaître à quel point les privilèges dont bénéficient les femmes membres du groupe dominant sont nombreux et puissants. Un des privilèges, et non le moindre, est celui de déterminer qui a voix au chapitre.
Il faut déconstruire ces privilèges aussi réels que déterminants pour bien en comprendre non seulement les racines, mais aussi la portée. Ces privilèges permettent de préserver le statu quo en maintenant les systèmes d’oppression.
Comment atteindre une égalité réelle pour toutes, si l’on ne tient pas compte des expériences et des multiples subordinations auxquelles font face les femmes autochtones, racisées ou noires? Si l’on ne tient pas compte des obstacles auxquels elles sont confrontées, et qui épargnent les femmes blanches?
Certaines difficultés sociales les affectent massivement : une certaine ségrégation sur le marché du travail (leur sous-représentation dans les postes de leadership et leur surreprésentation dans les postes de subalternes, une surreprésentation dans les postes sous-payés (femmes de ménage, etc.), une surreprésentation dans le système carcéral, des écarts salariaux marqués, des violences intersectionnelles racisées ainsi que la violence qui découle du racisme tout court. Malheureusement, ces inégalités ne seront toujours pas résolues par le mouvement féministe traditionnel.
C’est pourquoi il devient essentiel de parler de féminisme inclusif, et de prendre en compte l’intersectionnalité.
Le féministe inclusif réfère à un féministe qui a comme préoccupation la survie collective et l’épanouissement de toutes les femmes, plutôt que le succès de quelques-unes, ce que promeut le féministe traditionnel (blanc), qui se préoccupe de « l’accumulation individuelle, le capital et l’individualité. »
L’intersectionnalité, concept développé par Kimberlé Cremshaw, permettait à son origine de prendre en compte le fait que les femmes noires soient confrontées à la fois au racisme et au sexisme crée, en se superposant, une discrimination spécifique.
Aujourd’hui, ce concept permet de tenir compte notamment de la classe, de l’origine nationale et de l’orientation sexuelle, du genre, de la situation de handicap et de la manière dont la combinaison de ces facteurs crée des discriminations particulières et des oppressions multidimensionnelles.
Les personnes qui font abstraction de l’intersectionnalité de la classe, du racisme et du sexisme rendent invisible le vécu des femmes noires, racisées et autochtones. Ces femmes ne sont pas positionnées au même endroit dans l’échiquier social. L’intersectionnalité, elle, permet de le montrer au grand jour.
Alors qu’elles accèdent parfois à des postes de leadership, elles courent un plus grand risque d’être considérées comme des pions (tokens) ; elles sont alors instrumentalisées pour justifier les structures de pouvoir. Cette pratique est souvent utilisée pour esquiver les dénonciations de racisme.
En effet, par la nomination de pions, on donne l’illusion d’une égalité réelle en embauchant, voire même en promouvant des femmes noires, racisées ou autochtones. Alors que le racisme et la discrimination restent omniprésents dans les organisations, cette pratique n’est qu’un miroir aux alouettes.
Il ne suffit donc pas de parler que de diversité ; il faut mettre de l’avant l’inclusion véritable, la justice sociale et la représentativité réelle.
C’est important. Lorsqu’on porte une attention particulière à certaines organisations, même celles dirigées par des femmes, on constate que ces nouvelles leaders ont eu une interprétation restrictive du féminisme qui a des effets pervers sur les femmes noires, racisées et autochtones.
D’où l’importance du féminisme inclusif qui reconnaît la capacité de ces femmes à contribuer à l’évolution de la conscience collective de l’humanité de manière juste et équitable.
Pour que toutes puissent célébrer cette Journée internationale des droits des femmes, il est primordial de s’engager à tenir compte non seulement de la vie des femmes noires, racisées et autochtones, mais aussi de toutes les femmes marginalisées pour une raison ou pour une autre. Toutes les vies comptent!