L’empathie générationnelle pour les boomers

J’ai énormément d’empathie pour la génération des boomers qui est mise au pilori de la surconsommation, montrée du doigt lorsqu’on veut désigner les coupables de tous les malheurs environnementaux qui nous frappent, parfois ridiculisée publiquement par un infantilisant « OK, Boomer! » (Pas étonnant qu’ils ripostent à grands coups de woke). Alors, je me demande, en tant que société, on va où comme cela ? 

Je n’aime pas les clivages qui se creusent de plus en plus et nous éloignent les uns des autres. En environnement, ils me semblent personnifiés en l’usage de ce simple mot : boomer. Ce terme réducteur et condescendant nous vole les nuances nécessaires à la discussion et, je pense, à l’empathie d’une génération envers une autre.

Tiens, faisons ensemble l’exercice. Chères générations Y et Z, pensez-vous vraiment que les boomers ont voulu tout cela ? Pensez-vous qu’ils et elles étaient suffisamment et correctement informé.es lorsqu’ils étaient de jeunes adultes sur la gravité des crises environnementales qui guettaient l’humanité ? Les boomers sont nés dans un monde rempli de promesses pour leur futur et celui de leur famille : Il suffisait de travailler fort toute sa vie pour avoir accès à la révolution de l’électroménager, à une voiture, à des études pour les enfants et, ensuite, à une retraite bien méritée pour découvrir le monde. Aujourd’hui, à l’automne de leur vie, ils sont beaucoup à avoir respecté ce contrat social. Ils ont travaillé fort toute leur vie, parfois des décennies dans la même entreprise. 

Et que leur dit-on, à présent ?  Que les rêves du printemps de leur vie ont engendré la surconsommation qui détruit la vie sur Terre et menace ainsi l’avenir de leurs enfants. Qu’on ne peut plus se permettre de voyager. Qu’ils doivent renoncer à leur voiture, qu’ils ont été si fiers d’acheter. (Et pour la retraire, eh bien on verra !). En pensant à tout cela, j’ai plutôt envie de les serrer dans mes bras : même si des actions drastiques sont nécessaires pour faire face aux enjeux environnementaux, cela n’en demeure pas moins socialement injuste.

Les boomers ont assisté aux révolutions technologiques qui ont façonné notre qualité de vie actuelle, et qui se transforment en cauchemars pour nos plus jeunes générations. De la démocratisation du lave-linge et des produits chimiques domestiques aux premiers fruits savoureux de la mondialisation. Imaginez-vous qu’ils ont vécu la naissance d’internet ? Ça ne me semble donc pas si étonnant qu’ils fondent tellement d’espoir sur la technologie pour résoudre en un claquement de doigts les crises environnementales. Même envers et contre toutes les évidences que ce miracle ne se produira pas. Après tout, est-ce que la technologie n’est pas toujours venue à leur rescousse, tout au long de leur vie ? Ça doit être difficile, des décennies plus tard, de changer de façon de voir le monde en un temps record : pas étonnant que le déni ne soit jamais loin.

Ce ne sont pas les boomers les responsables

La nouvelle a fait les manchettes dernièrement : une étude a montré que Total connaissait son impact sur le réchauffement climatique dès 1971 et les catastrophes actuelles qui en découleraient (d’autres pétrolières étaient au courant, comme Shell et Exxon). 

Qu’ont fait les compagnies pétrolières ? Comme l’industrie du tabac, elles ont menti et semé le doute chez ceux qu’on traite aujourd’hui de boomers. La désinformation fait mal à la démocratie, la désinformation tue. Pourtant, ces compagnies ont sciemment désinformé nos parents et nos grands-parents. Alors, les responsables, ce sont elles: pas les boomers.

Dorénavant, l’information sur les crises environnementales est disponible partout, à la radio, à la télé, à l’école… Et, pourtant, la désinformation continue de saper les bases de l’action climatique. Je n’ose même pas imaginer ce qu’il en était en 1980. Génération X, Y et Z, pourrait-on se rejoindre sur ce terreau commun ? Nous sommes les victimes de décisions de désinformation à grande échelle prises par des personnes à la conscience douteuse dans des multinationales pro-CO2.

Ce maudit mot nous vole également notre pouvoir d’admiration et d’inspiration. Ce n’est pas vrai que tous les boomers se fichent de l’environnement. On les croise nombreux.ses dans des consultations citoyennes, dans les marches, dans des organismes et associations, dans les pouvoirs publics à tenter de faire leur part. Plus encore, ils étaient déjà nombreux dans les dernières décennies à sonner l’alarme et à être traités d’hurluberlus d’écolos. Franchement, j’admire leur courage et leur persévérance : je ne suis pas certaine que j’aurais eu cette force.

Chèr.e.s boomers, ne pensez toutefois pas que je vous dédouane de toute responsabilité : peut-être que vous ne saviez pas, mais dorénavant vous avez le devoir de savoir. Plus que jamais, nous avons besoin de vous : c’est maintenant que cela se passe, il n’y a plus une année à perdre. Si j’ai fait l’effort de me mettre dans vos souliers, j’espère que vous ferez un pas de plus vers les plus jeunes. Ils sont sans pouvoir devant le fait accompli d’une menace existentielle, insoluble sans l’aide de celles et ceux qui ont contribué (même malgré eux) à la créer : pouvez-vous imaginer comme cela doit être difficile de ne pas être en colère ?