
Nouveau directeur national de la santé publique : lui aussi trop proche du pouvoir?
Celui qui remplacera le Dr Horacio Arruda a notamment des liens familiaux avec l’entourage du ministre Dubé.
La nomination mardi du Dr Luc Boileau comme Directeur national de santé publique par intérim soulève déjà des questions : il entretient en effet certains liens avec le pouvoir politique, et avec la CAQ en particulier. Plusieurs groupes demandent que la personne qui succédera au Dr Horacio Arruda ait davantage d’indépendance à l’égard du gouvernement et que sa nomination soit non partisane.
C’est le Dr Luc Boileau qui remplacera, au moins temporairement, le Dr Horacio Arruda à titre de directeur national de santé publique (DNSP) du Québec. C’est donc lui qui sera chargé de faire des recommandations de santé publique au sein de la « cellule de crise » du gouvernement Legault pour la gestion de la pandémie.
Le Dr Boileau occupait jusque-là une fonction qui le rapprochait des pouvoirs politiques. Il était président-directeur général de l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESSS) depuis 2014. Il a aussi occupé le même poste à l’Institut national de santé publique (INSPQ) entre 2008 et 2015. Or, les personnes occupant ces postes sont nommées par le Conseil des ministres, c’est-à-dire par le gouvernement en place.
Le Dr Boileau semble avoir fait l’unanimité auprès des trois partis qui ont été au pouvoir depuis 2014. Il a d’abord été nommé PDG par intérim de l’INESSS sous le gouvernement Marois. Il a ensuite été confirmé dans ses fonctions par le gouvernement Couillard. Son mandat a récemment été renouvelé par le gouvernement Legault, en décembre 2020.
Par ailleurs, Luc Boileau entretient aussi un lien particulier avec la CAQ : il est le père de l’attachée de presse du ministre Christian Dubé, Marjaurie Côté-Boileau.
« On est chanceux d’avoir trouvé le Dr Boileau, avec toutes les compétences qu’il a, mais surtout [qu’il soit] capable d’embarquer dans le rôle que jouait le Dr Arruda au pied levé, aussi rapidement. »
Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux
Le DNSP est aussi sous-ministre adjoint à la Santé et aux Services sociaux. Il est nommé par le gouvernement. Interrogé en conférence de presse mardi, le ministre Dubé n’a pas été en mesure de préciser quand et comment serait choisie la personne qui occupera le poste de DNSP de manière permanente.
Plus d’indépendance demandée pour la santé publique
Dans les derniers jours, plusieurs ont souligné que le Dr Horacio Arruda n’avait pas eu suffisamment d’indépendance à l’égard du pouvoir politique, allant même jusqu’à le qualifier de « marionnette » du gouvernement Legault. On lui reproche d’avoir défendu certaines mesures contraires aux meilleures connaissances de santé publique, mais conformes aux priorités politiques du gouvernement.
« Le Dr Arruda a tout donné, mais il opérait dans une situation où son indépendance et sa marge de manœuvre n’étaient pas acquises », a déclaré mardi Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois.
Les partis d’opposition et divers groupes de la société demandent donc que le ou la prochain·e DNSP soit plus libre à l’égard du gouvernement. Cette personne « devra bénéficier de la plus grande indépendance dans ses avis pour assurer l’adhésion de la population », a insisté le Collège des médecins. Il est notamment suggéré que les recommandations du DNSP soient faites publiquement et séparément des annonces gouvernementales.
Québec solidaire propose aussi que tous les partis soient consultés pour la sélection du prochain DNSP et que sa nomination soit confirmée par un vote aux deux tiers de l’Assemblée nationale, comme c’est le cas pour le Directeur général des élections, par exemple.
Plus encore, il faudrait ajouter des scientifiques dans la « cellule de crise » qui décide des mesures sanitaires, croit le groupe COVID-STOP, qui regroupe des médecins et des scientifiques se consacrant à la recherche de solutions pour freiner la pandémie. « COVID-STOP demande un comité aviseur indépendant multi-disciplinaire pour conseiller les autorités », a indiqué Nancy Delagrave, coordonnatrice scientifique du groupe. Selon elle, ce comité devrait avoir « accès aux données en temps réel » et fournir des avis publics.
Le DNSP est actuellement le seul scientifique au sein de la cellule de crise qui contrôle la gestion de la pandémie.