La coalition « Sortons les radios poubelles de Québec » a annoncé la fermeture de sa page Facebook vendredi. Les membres du collectif ont pris cette décision car ils craignaient que RNC média, le propriétaire de CHOI Radio X, n’entame des procédures auprès de Meta (Facebook) pour découvrir leur identité. Or ils considèrent que l’anonymat est essentiel pour des raisons de sécurité.
La coalition, active depuis 2012, s’est donnée pour mission « de mobiliser, sensibiliser et informer la population de Québec par rapport aux propos haineux véhiculés par ces radios et à l’impact qu’elles ont sur la société. » Le 21 juin, RNC média a déposé à la Cour supérieure une demande d’injonction contre la Coalition. L’entreprise exigeait que les personnes derrière le collectif « s’identifient et qu’elles cessent toute incitation au harcèlement ». Dans un communiqué, l’entreprise affirmait qu’elle « ne demande pour l’instant aucun dommage ». L’entreprise n’a pas répondu à notre demande de commentaire.
Si la coalition décide de fermer sa page Facebook, c’est parce qu’elle craint qu’une demande similaire auprès de Méta aboutisse effectivement à la levée de l’anonymat : « Une entreprise générant des clics a plus de poids qu’une coalition anonyme à but non lucratif. Si jamais RNC Media demandait à Meta d’avoir accès à des informations afin de pouvoir nous identifier, cette dernière les servirait sans sourciller » explique la coalition.
Un porte-parole de la coalition « Sortons les radios poubelles de Québec » a accepté de parler à Pivot à condition de préserver son anonymat. Charles (nom fictif) raconte qu’il y a eu plusieurs tentatives de les identifier depuis 10 ans, mais que la pression s’est accentuée depuis 2020. Selon lui, cela s’explique par les difficultés qu’a connues la station l’année dernière.
En effet, le discours sur les mesures sanitaires et la présence en ondes de personnalités du milieu complotiste comme Alexis Cossette-Trudel ont soulevé l’indignation. En septembre 2020, Régis Labeaume, l’ancien maire de Québec, a critiqué la station. Suite au refus de CHOI de diffuser les publicités sur les mesures sanitaires du gouvernement, plusieurs annonceurs se sont d’ailleurs retirés.
La coalition a participé à la campagne de boycottage en contactant les annonceurs. RNC Média estime d’ailleurs que ces derniers ont été victimes de harcèlement: « Des petites et moyennes entreprises ont raconté, dans des déclarations sous serments, comment elles sont intimidées et sont victimes d’acharnement, de harcèlement et de menaces » affirme l’entreprise dans son communiqué de juin.
A ce sujet, les propriétaires de la station Radio X n’ont pas tenté de contacter la coalition, nous dit Charles. La coalition n’approuve pas les menaces, affirme-t-il, et « propose une lettre type à envoyer par courriel aux annonceurs ». « Nous demandons aux gens de demeurer courtois. »
La pression augmente depuis un an
« Ça a commencé par des menaces de pirates [des internautes amateurs de la station de radio] de nous identifier », raconte Charles. « Ensuite, ils ont commencé à faire circuler un montage avec des photos de gens qu’ils associaient à la coalition », explique-t-il. Pivot a obtenu une copie de ce montage. On y voit Catherine Dorion et Sol Zanetti, député.es de Québec Solidaire, ainsi que d’autres individus associés à cette formation politique.
Durant la dernière année, la coalition a dû faire face à de nombreuses plaintes relatives aux droits d’auteur en raison de la rediffusion de contenu de la station. Le 20 avril 2021, YouTube leur envoyait un avis annonçant la fermeture de leur compte en raison de ces plaintes. Plusieurs vidéos ont également été supprimées de leur page Facebook en réponse à des plaintes.
« Normalement, on devrait pouvoir se défendre, mais c’est difficile de le faire parce qu’on doit rester anonyme », nous dit Charles. Demeurer anonyme, « c’est la seule façon de pouvoir critiquer la radio de Québec », se désole-t-il. « C’est la seule façon d’être libre de s’exprimer sans se sentir menacé, en ayant une vie normale », ajoute-t-il.
Le porte-parole rappelle l’histoire de Jean-François Jacob, l’instigateur d’une page Facebook intitulée « Québec s’excuse pour sa radio poubelle ». En 2013, celui-ci a « reçu des boules de billard à travers sa fenêtre », dit-il. De plus, RCN a intenté une poursuite pour 250 000 $ et il a perdu son emploi chez Desjardins suite aux pressions de la direction de l’entreprise médiatique. Il a depuis quitté Québec.
Déjà en 2010 Dominique Payette avait dénoncé le « climat de peur » entretenu par certaines stations de radios dans son rapport sur l’information à Québec.
La coalition s’est tournée vers une plateforme d’infolettre Substack pour diffuser l’information. La perte de la page Facebook, qui comptait près de 10 000 abonnés, est un coup dur selon Charles. « Ça nous permettait de rejoindre tout le monde, on aurait aimé rester là-dessus, mais le plus important, c’est la sécurité », dit-il.