
« C’est en favorisant l’égalité entre toutes les femmes qu’on peut défaire les violences sexistes »
La violence de genre est encore bien vivante et les femmes pauvres, racisées ou handicapées y sont particulièrement vulnérables, selon Louise Riendeau, du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale
Le 6 décembre est la Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes. Cette date marque le 32e anniversaire de l’attentat antiféministe de Polytechnique de 1989, lors duquel quatorze femmes ont été assassinées. Or, au Québec cette année, on recense déjà 18 féminicides, c’est-à-dire des meurtres commis envers des femmes parce qu’elles sont des femmes.
La très grande majorité de ces crimes surviennent en contexte conjugal. Mais pour Louise Riendeau, du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, il existe un lien clair entre ces événements et un attentat comme celui de Polytechnique. « Dans tous les cas », explique-t-elle, « des hommes se permettent de porter atteinte à la vie, à la sécurité, à la liberté des femmes » parce que celles-ci sont encore considérées comme inférieures dans la société.
« C’est lié à l’inégalité entre les hommes et les femmes. On n’est pas violent envers des gens qu’on estime, on ne tue pas comme ça des personnes qu’on voit comme nos égales. »
« Tant que les préjugés vont demeurer et tant qu’on ne mettra pas des mesures sérieuses en place pour soutenir les femmes, le problème va persister », croit Louise Riendeau.

Elle considère que « d’éduquer les enfants aux relations égalitaires » est une d’une grande importance pour prévenir les violences envers les femmes. Mais ce n’est pas tout : « encore faut-il qu’on l’atteigne réellement, cette égalité-là », insiste la coresponsable des dossiers politiques au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.
En effet, les femmes vivant de la violence n’affrontent pas seulement des préjugés. Elles font aussi face aussi à de nombreuses inégalités économiques et systémiques. Par exemple, la difficulté à se trouver un logement abordable empêche trop souvent des femmes de quitter un conjoint violent. « C’est un problème majeur. Beaucoup de logements sont bien trop chers pour une femme qui doit payer son loyer seule », rappelle Louise Riendeau.
Notons qu’en moyenne, en 2019, les Québécoises gagnaient annuellement 24% moins que les Québécois.
Devant les violences de genre, toutes les femmes ne sont pas égales, indique encore Louise Riendeau. Les femmes en situation de handicap, par exemple, recourent encore rarement aux services d’aides pour les victimes de violence conjugale, raconte-t-elle. Lorsque leur agresseur est leur proche aidant, elles risquent de se retrouver seules si elles le dénoncent. Or, l’aide à domicile, qui permettrait de réduire ce lien de dépendance, est encore difficilement accessible.
Les femmes autochtones ou racisées, quant à elles, vont davantage hésiter à contacter la police ou à entamer des démarches judiciaires quand elles vivent de la violence. « C’est qu’elles redoutent les préjugés et les attitudes racistes dans la police. Elles peuvent craindre que leur conjoint en subisse les conséquences », rapporte Louise Riendeau.
« On a des angles morts. Tant qu’on ne fera pas des efforts particuliers, il y a des femmes qui vont être laissées derrière. »
Comme le problème de la violence envers les femmes est complexe, « il faut mettre en place toute une série de mesures qui se répondent et qui s’attachent ensemble », autant dans le système de santé et de services sociaux que dans le système de justice ou dans la police, pose la représentante.
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Ce que peuvent faire les municipalités contre les violences conjugales
Le gouvernement du Québec a annoncé plusieurs investissements cette année pour prévenir la violence faite aux femmes, « mais il faut encore de l’argent », estime Louise Riendeau. Comme bien des organismes communautaires, les maisons pour femmes victimes de violence conjugale manquent de fonds pour embaucher et retenir tout le personnel nécessaire. « Mais il nous faut absolument du personnel en nombre suffisant, sinon c’est mission impossible. »
« À l’heure actuelle, le Québec est sur une bonne lancée, mais il faut continuer », conclut Louise Riendeau.